L’atout coeur du CHU de Dijon : le professeur COTTIN


Depuis la transplantation cardiaque effectuée en Afrique du Sud en 1967, véritable révolution dans l’histoire de la chirurgie, la cardiologie a effectué d’énormes progrès et les chercheurs trouvent des stratégies pour faire durer plus longtemps les coeurs défaillants. Evolution également dans les profils de patients : le candidat n’est plus forcément le sexagénaire rougeaud et rondouillard… Le professeur Yves COTTIN et le docteur Frédéric CHAGUE font le point sur l’activité cardio au sein du CHU de Dijon.

Dijon l’Hebdo : Le 29 septembre dernier était consacré à la journée mondiale du coeur. Il ne se passe aujourd’hui quasiment plus une journée qui ne soit pas dédiée à une cause. Quel regard portez-vous sur ces événements qui s’enchaînent ?
Professeur Yves Cottin : « Il ne faut surtout banaliser ces moments-là. Ils sont importants car ce sont des temps forts propices à la réflexion, aux échanges mais aussi aux bilans. C’est essentiel de se poser de temps à autres sur des grandes causes. Cette journée de sensibilisation a été créée pour informer le monde entier que les maladies cardiovasculaires, les maladies cardiaques et les accidents vasculaires cérébraux (AVC) sont les premières causes de décès dans le monde, avant le cancer. Ces maladies tuent maintenant plus que jamais. Le focus, cette année, a été porté sur l’activité physique chez les jeunes et sur l’importance de la prévention »


DLH : Quelle type d’activité physique recommandez-vous ?
Pr. COTTIN : « L’activité physique et toutes les activités d’endurance sont bonnes pour la prévention cardio-vasculaire. Ce n’est plus à démontrer. On parle bien d’activité physique, pas de sport. Quelqu’un qui va marcher, monter des escaliers régulièrement, s’inscrit dans ce cadre.
Concernant les patients qui ont des pathologies cardio-vasculaires, nous avons des centres de rééducation qui vont évaluer les bonnes activités, et surtout leur niveau. C’est à dire le nombre de battements par minute qu’il convient de ne pas dépasser pour évoluer en toute sécurité. D’énormes progrès ont été réalisés grâce aux outils connectés. Une montre, même bon marché, permet de visualiser les limites de ses performances.
Le message est clair et fondamental : l’activité physique, même chez les malades les plus sévères, est toujours bénéfique en terme de risque et de réduction du risque cardio-vasculaire ».


DLH : Qu’est-ce que vous entendez par endurance ?
Pr. COTTIN : « C’est tout simplement un effort qu’on répète sur la durée. On parle souvent des fameux 10 000 pas qu’il convient d’effectuer quotidiennement. Faire plus n’est pas contre-indiqué. C’est une première base sur laquelle il faut s’appuyer. Et pour tirer un vrai bénéfice d’une activité soutenue, il faut la renouveler au minimum trois fois par semaine ».
Dr. CHAGUE : « Pour ceux qui culpabilisent de ne pas faire au moins une demi-heure, on peut affirmer que même un quart d’heure, c’est mieux que rien. Et pour ceux qui affirment ne pas avoir le temps de disposer de trente minutes pour une activité physique, je leur dis que trois fois dix minutes, c’est beaucoup mieux que rien. On sait qu’en faisant bouger les gens, on va améliorer leur profil métabolique et faire baisser leur pression artérielle ».

DLH : Qu’est-ce qui est préférable : la marche ou plutôt le vélo ?
Pr. COTTIN : « Peu importe. L’essentiel, c’est une activité qui plaise au patient. Il ne faut pas la prendre comme une contrainte mais un loisir. La marche, le vélo ( pas le VTT ), la natation sont des pratiques excellentes qui n’engagent pas une forte sollicitation cardiaque ».


DLH : Est-que que vous pouvez rappeler ce que sont les maladies cardio-vasculaires ?
Pr. COTTIN : « Ce sont toutes les atteintes du myocarde. La plus connue, c’est bien entendu l’infarctus du myocarde. Il existe aussi les cardiopathies hypertrophiques, les cardiopathies métaboliques liées au diabète, les cardiopathies valvulaires… et on englobe aussi tout ce qui est à risque vasculaire comme l’artériopathie des membres inférieurs ou les accidents vasculaires cérébraux ».


DLH : Qu’est-ce que l’insuffisance cardiaque ?
Pr. COTTIN : « L’insuffisance cardiaque, c’est très simple à comprendre : c’est quand la pompe ne réussit pas à compenser les besoins. C’est comme votre voiture qui n’a pas assez de puissance pour vous conduire là où vous le souhaitez. Les signes principaux, avec la prise de poids, sont l’essoufflement, les jambes qui gonflent, la position assise nécessaire pour respirer la nuit. Le diagnostic repose sur un dosage sanguin (le BNP) et une échographie. Est-ce que c’est le muscle, les valves… ? Si on constate un essoufflement, il faut déjà confirmer que cela vient bien du coeur et pas d’une pathologie pulmonaire, d’une anémie car les causes peuvent être multiples ».
Dr. Chagué : « La campagne de lutte contre l’insuffisance cardiaque met en avant le sigle EPOF : Essoufflement, Poids, OEdème, Fatigue. Ces signes peuvent être relativement précoces et il ne faut pas hésiter à consulter au plus vite son médecin traitant qui orientera ou non vers un cardiologue pour des examens complémentaires : examens sanguins, électrocardiogramme, échographie cardiaque, voire coronographie, c’est à dire radiographie des artères du coeur ».

DLH : Et le tabac est toujours dans le viseur ?
Dr. CHAGUE : « Plus que jamais. Il est normal que l’on parle beaucoup du tabac car il est, avec l’inactivité physique, un risque grave sur lequel on peut travailler efficacement. Ce sont les facteurs de risques qu’on qualifie de modifiables. Arrêter de fumer est immédiatement bénéfique pour le coeur ».


DLH : L’insuffisance cardiaque est-elle synonyme de vieillissement ?
Dr. CHAGUE : Non pas du tout. Cette maladie touche aussi des enfants, des femmes enceintes et des adultes de moins de 55 ans. L’étiologie des insuffisances cardiaques peut révéler des maladies bien spécifiques comme l’amylose qui se caractérise par un dépôt au niveau du muscle qui fait durcir la paroi. Et là encore, nous avons des traitements spécifiques ».


DLH : Comment peut-on situer le service cardiologie du CHU de Dijon par rapport aux autres établissements hospitaliers français ?
Pr. COTTIN : « On reste parmi les meilleurs que ce soit dans le domaine du soin, de la recherche, et de l’enseignement. On peut affirmer que c’est au CHU de Dijon que nous trouvons aujourd’hui l’un des meilleurs services de cardiologie, l’un des plus réputés de France pour le traitement de l’infarctus. Il est important de souligner les évolutions techniques à plein de niveaux. Prenons le diagnostic. Nous avons des échographies de plus en plus performantes, l’écho d’effort, l’IRM cardiaque, également, qui est un outil majeur mais aussi tous les nouveaux outils comme le score calcique qui nous permet de mesurer les atteintes aux coronaires sans avoir recours aux coronarographies.
En terme thérapeutique, nous avons eu des percées formidables là aussi. Par exemple, dans le traitement hypercholestérolémie familiale : on peut identifier des gens qui produisent du mauvais cholestérol et les traiter de façon très spécifique avec des nouvelles thérapeutiques qui font diminuer les taux de façon très importante. Plus on aura une exposition sur le long terme au cholestérol, plus on va développer des plaques.
Nous sommes donc là sur des traitements préventifs. On a eu aussi des évolutions majeures en terme de prise en charge structurelle. La majorité des valves aortiques ne sont plus opérées. Cela se fait par les voies naturelles. Des évolutions, il y en a aussi dans les stratégies d’ablation pour tout ce qui relève des troubles du rythme. Et il est important de souligner qu’au CHU, on a accompagné tous ces progrès techniques et technologiques de ces dernières années. Nous les maîtrisons parfaitement. Nous faisons également de plus en plus d’enquêtes génétiques et nous sommes toujours très bien placés dans la rééducation cardio-vasculaire ».


DLH : Et votre activité ne se concentre pas uniquement au sein du CHU ?
Pr. COTTIN : « Nous avons organisé la présence cardiologique sur l’ensemble du territoire. Nous sommes nombreux à nous rendre une journée par semaine à Saulieu, à Langres, à Chaumont… A Semur-en-Auxois, nous avons ouvert un coro-scanner et un IRM cardiaque. Plusieurs fois par semaine, un cardiologue du CHU y est présent pour assurer des consultations pour aider nos collègues cardiologues de Semur et maintenir une activité de proximité indispensable.
Nous proposons également beaucoup de formations. Par exemple, nous avons formé tous les collaborateurs de la Banque Rhône-Alpes aux gestes qui sauvent. Grâce aux dons, nous avons équipé de nombreux sites sur la région avec des défibrillateurs et nous mettons un point d’honneur à entretenir une relation très active avec les associations de patients. Et puis nous rayonnons également sur le plan international, nous venons de terminer une formation de collègues de Côte d’Ivoire ».


Propos recueillis par Jean-Louis PIERRE, Directeur de la publication et Editeur.

Jean–Louis est aussi adhérent de l’amicale des cyclos cardiaques

p.c.c L’Amicale des cyclo-cardiaques – Bulletin trimestriel n°153