12 au 16 août 2008 : Concentration internationale du Club des Cent Cols à Arêches (73)

Allocution au col du Joly, samedi 16 août 2008


Tout le monde sont là ? Adieu à tous ! Bonjour et bienvenue en pays de Savoie.
Bonjour à nos amis francophones de Suisse, Belgique et Luxembourg.
Good morning to our english friends.
Guten Tag und Willkommen an unsere deutsche Freunde.
Goeden dag en welkom aan onze vlaamse vrienden.
Buon giorno e benvenuto a nostre amigi d’Italia.

Je tiens à saluer aussi deux confrères tchèques, qui ont repris la route dès aujourd’hui : ils ont participé au séjour d’Arêches et leur présence illustre l’audience internationale croissante de notre confrérie.

Comme je le disais l’an dernier au Laouzas, c’est une très grande joie de se retrouver pour notre concentration annuelle, traditionnellement fixée au 15 août. Les hasards du calendrier nous l’ont fait décaler cette année au 16, et nous avons été bien inspirés vu la météo qui régnait hier sur nos montagnes. Et nous bénéficions du coup de blanc qui est passé sur tous les sommets à partir de 2200 m d’altitude.

Le col du Joly, large trouée qui met en communication le Val Montjoie et la vallée supérieure d’Hauteluce, la vallée du Dorinet, est un site tout à fait remarquable. Je vous convie en premier lieu à admirer le ciel tel qu’il se présente à vos yeux en débouchant au col. A chaque col on peut associer un morceau de ciel qui s’enfonce comme un coin dans l’échancrure d’un col en V, ou qui remplit d’azur la coupe que forme l’arrondi de la dépression du col. En vous remémorant vos ascensions, ou en revoyant des photos, vous trouverez toujours un bout de ciel dont l’image est associée à celle du col, avec des infinités de nuance selon le temps et la saison. Finalement notre club pourrait être aussi le Club des Cent Ciels !

Admirez ensuite le paysage, marqué par la présence imposante du Mont Blanc dont le Dôme principal apparaît comme une forteresse blanche avec ses douves de glace et ses remparts rocheux naturels. Plus près de nous l’Aiguille Croche et l’Aiguille de Roselette. Une particularité géologique intéressante est la présence d’affleurements de gypse au sud du col, où se sont creusés des entonnoirs de dissolution qui abritent de petits lacs, tels le lac de Roselette.

Malgré son altitude respectable, 1989 m, malgré sa dénivelée et sa pente ardue, avec de forts pourcentages qui font de vous des grimpeurs « chevronnés », ce col du Joly n’a jamais eu l’honneur du Tour de France, et demeure à l’écart des grandes organisations médiatiques. Cependant nous ne sommes pas les premiers à y organiser une manifestation cycliste : dans le passé, le fameux raid Lyon Chamonix Lyon a franchi ce col, par le versant des Contamines Montjoie, l’épreuve se faisait alors d’une seule traite, et ni la distance, ni les passages muletiers ne rebutaient les cyclos à l’époque. Avec des ambitions sportives bien plus modestes, notre concentration renoue avec une tradition ancienne de la grimpée à vélo du col du Joly.

Une autre tradition très ancienne en montagne, commune à de nombreux pays, consiste à ériger au sommet des cols de petites pyramides de pierre. On les appelle cairn en France, c’est un mot de racine gaélique, emprunté aux Ecossais. Les Allemands parlent de Kar. On les retrouve sur d’autres continents, des Andes à l’Himalaya, sous des noms divers : au Tibet par exemple il s’agit de chorten. Les Catalans de la province de Tarragone les nomment « montjoia ». Cette racine latine se retrouve dans un mot de vieux français, mont joie, qui a été utilisé dans ce sens. L’étymologie généralement admise du nom « Montjoie », associé à celui des Contamines depuis 1949 seulement, est Mons Jovis, Mont de Jupiter. Mais le rapprochement avec les montjoies n’est pas à écarter, car nous sommes ici sur le tracé d’une ancienne voie, dite romaine, reliant la vallée de Chamonix à l’Italie, où passait le commerce du sel, et sur l’actuel tracé du GR qui fait le tour du Mont Blanc on retrouve des cairn au col de la Fenêtre ou au col du Bonhomme par exemple.

Voila pourquoi, dans la foulée de notre rencontre au col du Joly, où nous vous avons remis un souvenir local sous la forme d’un Opinel, gravé avec le logo des Cent Cols, qui vous permettra de trancher le pain et la tomme de Beaufort, et afin de ne pas couper l’amitié entre nous, nous vous avons demandé une contribution en vous proposant de participer à l’édification d’un petit cairn, à la jonction de la route goudronnée et des divers chemins qui arrivent au col. Pour l’heure, ce cairn est celui du Club des Cent Cols. Qu’en adviendra-t-il ? C’est une construction éminemment précaire, peut-être les pierres retourneront-elles à la montagne d’où elles viennent. Peut-être aussi d’autres randonneurs ajouteront-ils leur pierre à celles que nous avons posées, confortant ainsi ce cairn qui deviendra celui du col du Joly. En tout cas sa destinée va nous échapper à partir de tantôt.

Le cairn marque le passage du col, il sert de guide ou de repère en cas de brouillard, il peut avoir une connotation religieuse de protection, notamment sur les chemins de pèlerinage, et souvent le grimpeur ou le randonneur signe son passage en ajoutant sa propre pierre à l’édifice. A la réflexion, en accomplissant ce geste, le randonneur est à son tour marqué par le franchissement du col : c’est un moment privilégié où on revient en pensée sur les lieux traversés pour arriver au col, et où on se projette sur ceux que l’on va découvrir sur l’autre versant. Celui qui pose sa pierre sur un cairn ne peut s’empêcher de penser à tous ceux qui précédemment ont fait le même geste au même lieu : il se crée un lien subtil, comme une chaîne invisible, entre ces acteurs qui ne se connaissent pas.

C’est pourquoi ceux qui comme nous franchissent des cols plus que de raison éprouvent le besoin de se connaître et de se rencontrer. La création de notre Club a répondu à ce besoin, par différents moyens d’action, dont la concentration internationale du 15 août n’est pas le moindre. Cela fait 36 ans que notre Confrérie existe, sur un gâteau d’anniversaire cela ferait 36 chandelles à souffler ! c’est avec un très grand plaisir que nous accueillons Jean Perdoux, fondateur du Club, grâce à qui nous sommes là aujourd’hui. Avant de lui laisser la parole, je vous donne rendez-vous à l’été 2009, quelque part dans les Pyrénées, avec une possible incursion en territoire espagnol, rien n’est encore finalisé à ce jour, la réflexion et les recherches sont encore en cours.

Merci à tous de votre présence et de votre attention. A toi, Jean.

Claude Bénistrand

Président du Club des Cent Cols.