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D’Ax-les-Thermes à Cluny, Cent cols sur la Ligne de Partage des Eaux

Revue N° 33 Page 57

Thonon-Antibes, Thonon-Trieste, Hendaye-Cerbère voilà des noms de ville à ville qui parlent à des amateurs de cols, mais pas encore Ax-les-Thermes-Cluny…

Quand j’évoquais mon projet auprès de mes amis du VC Montauban, ceux-ci ne voyaient pas très bien mes motivations. Mais quand j’ajoutais qu’il y avait 100 cols à franchir, ils étaient plus attentifs. Et quand je précisais que cette Randonnée permanente du Club des Cent Cols suivait la ligne de partage des eaux Atlantique-Méditerranée, j’avais droit à un « Ah, bon ? » d’étonnement.

C’est vrai que ce parcours est original, mais il a une histoire que Biki, Bernard Pommel, le créateur de cette randonnée raconte volontiers :

«"Quand j’étais petit garçon" comme dit la chanson, la Ligne de Partage des Eaux symbolisait pour moi les vacances. En effet je passais mes vacances à St-Cirgues en Montagne où mes grand-parents villégiaturaient scrupuleusement tous les étés depuis les premiers congés payés. Habitant à Joyeuse, versant méditerranéen, la montée à St Cirgues à Montagne était l’occasion quand on ne passait pas par le tunnel du Roux d’un arrêt rituel à la pancarte « Ligne de Partage des Eaux » au-dessus de Lalligier pour une « halte technique » assortie des commentaires paternels ou grand paternels " pense que la moitié des gouttes va se retrouver dans la Méditerranée et l’autre dans l’Atlantique !" ou comment passer du trivial à une vision quasi-planétaire !

Pendant les vacances, passées du côté « Atlantique » de la LPE, il y avait aussi les sorties au Gerbier de Joncs, au Col de la Chavade par la montée de Mazan (notre Galibier à l’époque) etc… Plus tard chassant les cols j’ai vu que cette Ligne de Partage des Eaux ne se limitait pas, bien entendu, à ce petit secteur de l’Ardèche mais fascinait les hommes au point de se retrouver sur de nombreuses pancartes. Quel col peut être plus indubitable que celui qui envoie les eaux dans deux destinations aussi éloignées ?

Et quand il s’est agi de trouver une idée de Randonnée Permanente... »

Le parcours est proposé de Cluny au Port de Pailhères. Pour des raisons de logistique, j’ai choisi le sens sud-nord avec final à Macon ; du même coup, j’ai ajouté un col !

Comme je suis un brin casanier, je ne voulais pas faire trop long. Le choix des hébergements m’a conduit à faire la randonnée en neuf jours. Disons que c’est un peu court, car plusieurs étapes dépassaient les 150 km et compte tenu du profil, ce fut parfois rude ! Le dénivelé annonce, avec prudence « plus de 16 000m » ; je pense qu’on est loin de la réalité. On descend parfois très bas pour franchir un pont dont l’altitude n’est pas prise en compte ; sans parler du toboggan de la dernière journée ! Le dénivelé que j’annonce dans mon compte rendu a été calculé d’après les données de l’organisateur.

Un seul col (Pailhères) dépasse les 2000 m d’altitude ce qui n’empêche pas certaines grimpées d’avoir un pourcentage respectable (Col de la Croix de Deux-Sous, Col d’Ajoux). Malgré mon 30x26 et mes roues de 650, j’étais un peu juste.
Pour l’hébergement, j’ai choisi la formule hôtel, gîte ; pour midi, pique-nique classique ou restaurant (deux fois). Il faut dire que l’itinéraire n’emprunte guère que des petites routes, dans des lieux hors du flux touristique et qu’il vaut mieux avoir du ravitaillement dans la sacoche. Même chose pour l’eau des bidons. Ce n’est pas le désert, mais, par endroits, ce n’est pas loin !
J’ai voyagé entre le 26 août et le 2 septembre, sans une goutte de pluie ; un peu de vent, souvent de 3/4, jamais de face ; pas de fortes chaleurs, parfois même un peu frais. Donc conditions climatiques excellentes. De plus, à cette période, les hébergements sont plus faciles à trouver.

1er jour : Ax les Thermes-Limoux (116 km ; 2231m)

D’entrée, j’attaque par le point culminant de la randonnée : le Pailhères, ses 2001m d’altitude et ses pourcentages respectables à la station d’Ascou-Pailhères. Pas de répit dans la descente car il fait très froid et remontée immédiate vers le Pradel (7,500 km).
La descente dans les gorges de Rebenty et leurs défilés étroits est un agréable moment. Puis on monte sur le plateau de Sault. Après le col de Coudons, c’est une succession de petits cols sans grande difficulté.

Très peu de villages où se ravitailler. A signaler le Relais du Pays de Sault à Espezel où l’on déjeune très correctement pour 13 €, vin et café compris. Limoux n’est pas sur l’itinéraire, mais la ville offre plusieurs hôtels et un vélociste membre du Club des Cents Cols (Jean Dejean, route de Pieusse).

2ème : Limoux-Mazamet (150km ; 1138m)

Beaucoup de petites côtes en début de parcours ; un peu de plat entre le seuil de Naurouze et Sorrèze ; longue montée dans la forêt vers Arfons et le col de Fontbruno. A signaler, dans la descente vers Aiguefonde la possibilité d’ajouter un col (Le Col F 81 0535) facilement accessible (2 km aller-retour).

Plusieurs hôtels à Mazamet, recommandés FFCT.

3ème jour : Mazamet-Col du Cabaretou (95 km ; 2376m)

D’entrée, c’est le Pic de Nore, j’ai choisi de l’attaquer en douceur par la D54 et la RF vers le carrefour de Treby. Eviter la montée par les Yés…

Ne pas négliger le col de la Croix de Deux Sous et ses pourcentages (15%). Passage au col de Sales, non homologué mais présence d’un panneau du GR. Puis parcours agréable jusqu’à Courniou où, faute de mieux, j’ai mangé au restaurant. La suite m’a paru assez difficile avec la chaleur, la digestion, les pourcentages. Fin d’étape à l’auberge du Cabaretou : (chambres tranquilles et confortables, repas correct, mais sans plus…)
4ème jour : Col du Cabaretou-l’Esperou (150 km ; 1917m)

Jour de galère ! Mais les paysages sont superbes et variés ; on passe des monts de l’Espinouse, au plateau du Larzac par une succession de petits cols, puis on arrive à Alzon où tout se gâte ! La route forestière est dégradée et le pourcentage sérieux. Au col de l’Homme Mort, regardez la carte plutôt que la pancarte qui indique « l’Espérou 18 km », vous allongeriez votre galère de 10 km !
Pour l’hébergement, il y a des gîtes et des hôtels à l’Espérou.

5ème jour : l’Esperou-Le Bleymard (133 km ; 2118m)

La montée au Mont Aigoual ne présente pas de difficulté, même sur le petit-déjeuner ; le temps n’y est pas toujours au beau fixe ; j’ai eu droit au brouillard et je n’ai pas vu l’observatoire. On entre ensuite dans les Cévennes et j’ai beaucoup aimé : les panoramas sont magnifiques.
Au Pompidou, on peut séjourner dans un gîte très sympa.

A Barre des Cévennes, l’épicerie ferme à midi pile ; il ne reste alors que la boulangerie.

Passé le col de Jalcreste, la route de crête franchit quatre cols et offre de magnifiques panoramas. Au Pont de Montvert, il faut penser à se ravitailler car il reste le Mont Lozère dont le sommet dénudé est balayé par le vent. Nuit au Bleymard à l’Hôtel « La Remise »

6ème jour : Le Bleymard-Sagnes et Goudoulet (118 km ; 1966m)

Le schéma du profil de la journée fait penser à la mâchoire des loups, qui sévissaient dans cette région jusqu’à la fin du XIXme siècle. On le croise encore sur les panneaux à Loubaresse, en occitan « le pays des loups », au Pas du Loup et au col du Cros (le creux) du Loup.

Donc ça monte et ça descend et beaucoup plus qu’on ne le voudrait ! Mais les paysages sont toujours aussi remarquables avec des gorges sauvages, des points de vue, des forêts où poussent des cèpes particulièrement recherchés en cette période de l’année. Nous en mangeons, en omelette, le soir même. Hébergement à l’Hostellerie Chanéac, réserver.

7ème jour : Sagnes et Goudoulet-Le Bessat (142 km ; 1633m)

Première partie assez tranquille sur le Mézenc ; le Gerbier de Joncs est atteint facilement, la Chartreuse de Bonnefoy et la recherche du col de la Clède font un bon intermède avant le col de la croix de Boutières qui depuis Les Estables n’est pas un épouvantail. Petite déception, la descente n’est pas terrible ! Par contre, plus loin, on dégringole jusqu’à 541m pour remonter à 1241m au col de la Charousse. Nouvelle descente pour mieux remonter vers le Col du Grand Bois et une pensée à Vélocio.
La Fondue Chez l’« Père Charles » Grand Rue, Le Bessat

8ème jour : Le Bessat-Les Sauvages (115 km ; 1048m)

Super descente pour commencer la journée, c’est comme au Tour de France les jours d’arrivée à St-Etienne, sauf qu’aujourd’hui on évite la ville. Le plan fourni par l’organisateur permet d’échapper assez rapidement à l’agglomération stéphanoise. Le paysage a changé, mais reste varié et très verdoyant. A Sainte-Catherine une fresque peinte sur la façade d’une maison rappelle que nous suivons la ligne de partage des eaux, l’effet est surprenant. Au village des Sauvages, c’est le toit de l’église qui marque cette limite.
Accueil très sympa à l’Hôtel St-Pierre aux Sauvages

9ème jour : Les Sauvages-Macon (160 km ; 1040m)

Pour faciliter notre retour en train, nous choisissons de finir à Macon, mais nous suivrons scrupuleusement le parcours jusqu’à quelques kilomètres de Cluny. Le paysage et les maisons changent encore. Aujourd’hui, c’est comme les veilles de vacances, il faut mettre les bouchées doubles pour boucler le parcours. Pourtant tout commence bien, c’est après que ça se gâte ça monte, ça descend « et ça continue encore et encore » comme le chante Cabrel. La route forestière après Propières est calme, ombragée, bucolique (?)…mais pentue ! Nous avons peu apprécié la chasse au col des Vaux, après nous être égarés dans un chemin de terre, puis englué dans la circulation à la sortie du lycée agricole voisin.

Quant au final après Mont, mon compagnon de route se revoyait sur les routes de Paris Brest Paris, les connaisseurs apprécieront. Et nous qui croyions que ça descendait depuis le col de Champ Juin !

Ce n’est pas à des cyclos que je dirai qu’aujourd’hui ce qui compte le plus c’est le souvenir d’une randonnée originale qui traverse, par des petites routes tranquilles, des paysages variés où la forêt est très présente. Prenez votre temps, des petits braquets et tous les jours vous pourrez vous soulager : une goutte dans l’Atlantique, une goutte dans la Méditerranée. Je sais, ce n’est pas très distingué comme chute, mais je n’ai pas pu résister.

Georges Golse

CC n°1183


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