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Ça m'oblige !

Revue N° 31 Page 26

Ça m'oblige ! Quel drôle de titre pour un article dans notre revue patronnée par Mère Liberté ? Et pourtant... Le fait d'être membre de la confrérie des 100 Cols, ça m'oblige, chaque mois de janvier, à adresser ma liste des cols escaladés l'année précédente; mais ça, c'est pour le côté administratif.

Par contre, mon plaisir c'est - hormis la découverte de cols "inusités" et donc peu courus -de "remplir des lignes" sur ces listes, c'est-à-dire de faire du palmarès (sic !) ...routier. Du routier seulement conformément à l'idée originelle de Jean Perdoux quand le VTT n'avait pas encore droit de cité : "cycle mû par sa seule force musculaire" car loin de moi l'idée de porter le vélo sur l'épaule dans la pierraille ou dans les champs à chèvres (pourquoi pas une machine à laver ou un piano ?). Et alors là, ça m'oblige !

Ça m'oblige à connaître la France (très) profonde. Peu m'importe l'altitude du col franchi et tant pis si mon compteur reste bloqué à un "x99" (les plus de 2000 m se font de plus en plus rares dans notre beau pays et je n'ai pas les moyens de faire goudronner les muletiers !).

Ça m'oblige à lire et déchiffrer les cartes afin de dénicher de nouveaux cols mais, comme tous ne figurent pas sur la Michelin ou l'IGN, ça m'oblige à dépiauter, voire à analyser le Chauvot (essayez donc de trouver le panneau directionnel ou de sommet indiquant la Fieyre (34-145), le Golet du Tilleul (01-239), le Trescol (34-245), le Saint-Alban (07-280), le Tracol (63-362), la Pierre Brune (38-375), le Pas du Lièvre (73-1060), le Giralenque (30-1270) et bien d'autres, pour qu'ensuite, sur le terrain, ça m'oblige à découvrir ces lieux, ces sites, ces dépaysements relatifs, ces reliefs et ces géographies dont j'ignorais l'existence.
Ça m'oblige aussi à sortir de ma Savoie dont tous les cols ou presque ont été gravis... et ça m'oblige aussi à tutoyer les cols les plus bas, ceux dont personne ne veut…

Ça m'oblige, pour certains d'entre eux, à en déterminer très précisément les coordonnées et de ce fait à discuter éventuellement avec "l'autochtone local", ça m'oblige à fuir rapidement le chien que je dérange, ça m'oblige à humer une nature aux senteurs et aux arômes parfumés, ça m'oblige à slalomer entre les vaches qui obstruent la chaussée (très souvent des RF ou des CV !), ça m'oblige à écouter le ruisseau qui gargouille, ça m'oblige à découvrir des panoramas et des environnements nouveaux, ça m'oblige à être à la merci d'un soleil ardent ou d'une averse sournoise...

Bref, ça m'oblige à être heureux d'évoluer dans un cadre inédit, bien souvent seul, dans un univers de collines et de montagnes où le visuel dispute à l'olfactif et à l'auditif un bien-être indicible...

Alors, voilà, être membre des 100 cols, ça m’oblige !

PS : Et dans ce monde d’éternels assistés, ça m’oblige à ne pas rester devant la télé et à lever le cul de la selle !

PPS : Ah j’oubliais ! Ce propos, ça m’oblige à penser déjà à la prochaine escalade.

Jean RICHARD

CC 1394


NDLR : Cette image est due à André Voirin qui associait, lui, le piano à queue à une armoire normande ! Dans le n°353 de «Cyclotourisme » de mars 1988, A. Voirin explique que quelques années après cette phrase fameuse, il a franchi, vélo à l’épaule, le col de la Temple et en concluait que dans notre Confrérie, chacun pratique dans les limites qu’il se fixe lui-même. Quant à l’idée originelle : des photos de Jean Perdoux franchissant le col de la Petite Cayolle démontrent à l’évidence qu’il ne se limitait pas aux seuls cols routiers.


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