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Le col d'Hector

Revue N° 30 Page 44

A propos d'un sondage organisé et détourné en un vague hommage à Brassens et aux cols, si tant est qu' il existe entre ceux-ci et celui-là le moindre rapport.

En cette tour de Babel
Lequel est le plus bel,
Le plus désirable parmi
Les cols de mes amis ?

Est-ce le col d'Allos, grimpant avec dextérité les abruptes parois ubayennes ? Où alors, et qui lui ressemble comme un frère, la Cayolle émergeant du sombre Bachelard, pour s'épanouir aimablement sur les crêtes des premières montagnes azuréennes ? Mais la Bonette, dit-on communément, a une autre ampleur et tant un versant que l'autre, chaotique de ci, verdoyant de là, le cycliste qui s'y aventure est toujours grandement impressionné, par le paysage d'abord, par lui-même ensuite.

Pour ne pas quitter ces parages, la Moutière, en venant du sud n'est pas mal non plus, surtout en vélo routier, lorsque poussant finalement le dit vélo pour rejoindre la route de Jausiers, on s'est déjà habitué à mettre pied à terre, tant ça monte sur ces raidillons de la Haute Tinée.

La Couillole aussi me plaît bien, quand, parvenant enfin au sommet, on découvre dans un site majestueux, l'imposant mont Mounier qui vous verrait arriver là, d'un air presque condescendant.
Aux Aravis également, on découvre, et le mot est faible tellement il se laisse voir, autre et prestigieux sommet : le Mont Blanc lui-même, éclatant de lumière par une belle journée d'été.

Du Parpaillon-tunnel on ne découvre qu'un tunnel fermé ; le spectacle est alors avant. Tout en pédalant dur, il ne s'agit pas pour autant de le manquer, car à la redescente il vaudra mieux fixer son attention sur le chemin. On découvre en cette montée, par exemple le superbe Brec de Chambeyron et le reste... et quel reste, autant de près que de loin. Tout ! Sauf le sommet occulté.

Aux Garcinets... (Garcinets, dites-vous ?) oui oui : le col des Garcinets : 05-1185. Ca ne vous dit rien ? La route vient buter sèchement contre la montagne. Ca va passer ? Oui oui ! Mais plus questions de lacets, ce sont des zigzags par où la route se trace sur cette raide pente. Et alors... quelle allure !

La Colombière aussi a de l'allure. C'est de la belle et classique image de col. Parlons cyclo : c'est beau, c'est dur, c'est haut.
Et l'Izoard donc, avec (comme au Ventoux) toute cette caillasse en prime... et la présence des grands qui sont passés ici, récoltant sur ces terres difficiles l'auréole des champions, autant qu'au Tourmalet, vrai col lui aussi, franche bascule à cheval sur une fort haute ligne de crêtes où quelque chose va changer, sauf la gloire omniprésente (même pour moi, allez, humble pédaleur qui bascule à 7,5 km/h).
J'aime une belle inconnue : la Cine 04-1505. Mélange subtil de Tourmalet, de Garcinets, d'Allos et d'Aubisque... On y découvre du sommet, le col suivant (du Diable je crois) qui est bien au diable et que donc on n'atteindra pas -entre les deux, la route, le chemin, tout est parti en un gigantesque éboulement.
A la Madeleine on ne court pas ce risque. La route est solide, la montagne tout autant. Et la réputation du col. Seules les jambes du vaillant cyclo ne le sont plus.

Avant d'atteindre l'altière Lombarde, lorsque la route -après la station de ski- retrouve enfin sa vraie nature, sauvage, étroite, pleine de bosses et de trous, la roche est là aussi, d'une présence âpre et rougeâtre en cette montagne escaladée, quand la route se fait longue depuis la profonde Tinée et que nous voici aux portes du Piémont.

Pas loin de là, au Col Saint-Martin, les paysages traversés sont plus pastoraux, comme aux Aravis ; cependant le ciel est ici différent, plus bleu, plus fort et la tomme de chèvre ou de brebis remplace le reblochon.
Je parlerais du col d'Eze pour dire simplement qu'il s'élève au-dessus de la mer, que par une froide et ensoleillée journée d'hiver, on peut apercevoir de ses dernières rampes, les sommets enneigés d'une île lointaine.
Et que dire de cette envoûtante Croix-Saint-Robert, traversée dans le brouillard où, impassibles dans une herbe haute et mouillée, des chevaux étonnés vous regardent passer comme une bête curieuse ?
Après c'tour d'horizon des mille et un' recettes
Vai'je tirer au sort en secouant ma casquette ?

Eh oui ! Choisir quoi ? Des pâturages des Aravis à la rudesse de la Lombarde, d'un paysage où, dans une brume bleutée, ondulent des collines de l'austère haute montagne, de la douceur de l'un à la froide et rigide beauté d'un autre. Du seigneur Izoard ou de la reine Bonette ? Des zigzags ou d'un coup de coeur ? La bascule du Tourmalet ? L'éloignement du col des Champs ? Le... La... Les... et le Galibier ? me fait remarquer quelqu'un. Au Galibier on trouve tout réuni. Il y a tout !
Oui... mais je ne suis jamais allé au Galibier, il ne peut donc pas être mon plus beau col !
Devant tant d'embarras, je n'ajouterai rien, sauf comme disait l'autre : le plus beau col, c'est celui qui reste à faire ?

Alors, rêvant déjà à la saison à voir
Sur mon brin de lauriers (des 100 cols)
Je m'endors comme un loir.
Grimpettes
Vraiment trop aimées
Vous faites
Très mal aux mollets.
Mais d'ici là, du coup de coeur organisé
Analysant toutes les ambages,
Je ne serai plus à même de décider.
Rendez-vous au prochain sondage.

Jean-Jacques DUBAR N°5046

de DIGNE (Alpes de Haute Provence)


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