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Sourire en Vercors

Revue N° 29 Page 46

"Valence, deux minutes d'arrêt !" ou plutôt trois jours de pause dans le temps, loin des grandes cités, de la pluie, des horaires... et de toi.

Pourtant, je suis heureux de vivre une nouvelle et formidable aventure. Cette année, nous sommes 34 cyclos à avoir répondu à l'appel lancé par Claude et Françoise.

L'élite se retrouve, les membres des Cent Cols se concentrent, les souvenirs communs ressurgissent. C'est beau la Vie ! Et je baigne dans cet environnement, et la bouche grande ouverte, je regarde autour de moi, béat d'admiration comme un gosse, observant des visages familiers, ne perdant rien de la conversation. Des cyclos chevronnés, mais si simples, et si sympas... La Vie est belle !

Et elle peut commencer ! Notre terrain de jeu : le Vercors. Massif montagneux tout vert qui nous accueille le sourire aux lèvres. Et je vois le tien pour la première fois.

La dure réalité me réveille en sursaut. Si tu veux braver la montagne, p'tit gars, n'oublie jamais de t'entraîner auparavant, sinon tu risques d'avoir des surprises. Et tu souffres, et tu sues toute l'eau de ton corps qui se tortille sur cette machine abominable. Mais ton sourire m'encourage et je franchis le sommet. Que c'est dur la Vie !

Alors, je me précipite dans la descente, comme un fou. Et je sens ma machine absorber la route, la dépasser, s'envoler même lorsque je vois ton sourire.
En bas, je ris. De la vitesse que j'ai atteinte, de la joie qui est en moi. Le groupe se reforme et la route continue. Elle s'étire, sinueuse et caillouteuse vers les cols inaccessibles. Toujours plus dur, toujours plus beau. Mais ton sourire reste avec moi.

Le muletier, c'est bien. Car, au sommet, seuls les véritables cyclos se retrouvent. Une sorte de sélection naturelle s'est opérée. A partir de là, il n'est plus besoin de paroles, l'esprit de Vélocio nous habite et nous rapproche. Nous ne sommes plus qu'une seule et même force... et je vois ton sourire.

Le soir, à l'hôtel, je suis joyeux. Les efforts de la journée sont oubliés et je me moque des difficultés du lendemain. Je veux rire et je veux vivre. Tout de même, c'est beau la Vie !
Au petit matin, notre petite troupe se retrouve et s'élève vers le soleil au milieu des sapins verts. Je me sens bien, j'ai envie de pédaler. Mes jambes aussi. Et mes yeux ne voient que ton sourire. La route est longue, et sinueuse jusqu'au sommet. La Vie aussi.

Le paysage est grandiose et je remplis ma mémoire de toutes ces images. Cette après-midi, second rendez-vous avec le muletier et même le cyclo pédestre. C'est très dur, parfois. Mais, je ne suis pas seul, et tu me souris.

La vue sur la vallée est imprenable. Combien de vélos sont montés jusque là avant moi ? Je ne sais pas, et ça m'est égal. La Vie est belle.

La Bataille est gagnée, retour vers la Chapelle dans la douce atmosphère du soir qui s'installe, doucement. Je glisse sur la route et me retrouve dans mon rêve et je vois ton sourire, éclatant.

L'ambiance du dîner est sympa. J'aime écouter les conversations qui le suivent. Il y a tellement de choses à apprendre !

Nous sommes trois pour le muletier qui ouvre la journée. Ca ne fait rien ! Mes compagnons sont formidables. Mais, je me concentre sur le sentier en essayant de glisser mes roues sur les parties les moins accidentées. Dans la descente, nous rencontrons Gérard et sa compagne d'origine québécoise. Lui sillonne le monde depuis pas mal d'années. Elle l'accompagne dans ses aventures. Encore quelques semaines et ils seront partis pour deux ans et demi à la découverte de l'Amérique du Sud. Rencontre extraordinaire sur un chemin tout à fait ordinaire, où personne ne vient jamais. Plus tard, je raconterai cela à mes petits-enfants, au coin du feu, au crépuscule de ma vie.

Je me souviendrai aussi de notre arrivée sur les lieux du pique-nique, au sommet d'un col, de la joie de mes compagnons, le sentiment de la tâche accomplie. Et peut-être ma mémoire se souviendra t-elle de ce sourire que j'ai devant les yeux ? Peut-être...

Jacques SCHULTHEISS N°1694

de STRASBOURG (Bas-Rhin)


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