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La Collade des Roques Blanches... Enfin !

Revue N° 25 Page 32

Il est des lieux dont on rêve si fort et si souvent qu'ils nous deviennent obsessionnels et presque plus connus que s'ils nous étaient réellement familiers.

Ainsi pour moi de la Collade des Roques Blanches, serpentin blanchâtre combien de fois parcourus des yeux sur la carte pyrénéenne, reliant la Preste, en haute vallée du Tech, au très difficile col de Mantet (un dur à franchir, celui-là) par delà Sahorre et Py.

C'est bien au terme de l'ascension de ce col de Mantet que la magique pancarte "Collade des Roques Blanches" avait, pour la première fois, éveillé en moi l'obsession de cette escalade. Le VTT n'était pas, alors, l'allié qu'il est aujourd'hui de nous tous, chasseurs de cols.

Je savais que mon vélo de route, roues de 700x23, n'était pas digne d'un tel parcours et les 2252m de la mythique Collade me paraissaient alors bien inaccessibles.

En décidant de vacances en Vallespir, bien inspiré par Roland Roméro le poète, je m'étais promis de ne pas laisser passer l'occasion de goûter à cette Collade et de m'en enivrer à plus soif (nos cols et leurs espaces ne sont-ils pas une drogue, n'en sommes nous pas "accro" ? Pensez-y, vous verrez que si !)

21 juillet, 5 h. C'est le grand jour. La montre réveil est aujourd'hui amie. L'heure de route pour rallier le refuge des Forquets, au-dessus de la Preste (je sais... mais le VTT sur le goudron...) fait monter la pression. 6h30 : c'est le grand jour qui se lève. Les premiers hectomètres sont parcourus avec délectation, vous savez, celle qui nous fait penser tout haut: "mais si, c'est vrai, je suis bien dans la Collade des Roques Blanches".

C'est tout comme je n'osais l'imaginer : le soleil levant qui caresse les herbes puis se repose sur les pierres, le silence et ses images qui font d'émotion les larmes couler, les ruminants aborigènes à qui l'on demande humblement le passage sur des terres qui leur appartiennent, l'effort dans la pente, la trajectoire que l'on dessine, les lacets que l'on devine.

Après le col des Basses (1785m), le col de Bise (1915m) dans une petite escapade herbeuse sur la droite de la piste, c'est le premier 2000, le col des Molles (2085m) dans une luminosité matinale toujours aussi grisante. La pente est marquée, sans plus, la piste inégale mais correcte. Je la devine bientôt puis la distingue, la dévore des yeux puis m'en saisit, je la franchis enfin, la Collade des Roques Blanches (2252m), silencieuse, très éclairée, majestueusement plane, avec ses deux panneaux directionnels en bois "Prats de Mollo" et "Mantet" Pose photo pour immortaliser l'émotion.
Le chemin pour atteindre la Collada Verda (2282m) puis la Collada Del Vent (2229m) et Pla Guilhem est plus caillouteux, plus tourmenté mais son profil moins accentué.

Pla Guilhem (2200-2300m) à 9h du matin: la griserie et l'apaisement du plateau d'altitude ensoleillé et désert, le silence, des chevaux qui paissent, toujours le silence ; des sentes tracées dans la terre noirâtre, où l'on passe de l'une à l'autre par amusement une fois, par nécessité une autre fois. A quelques centaines de mètres à gauche, le refuge de Pla Guilhem si le temps se détériorait...

La carte Top 25 est alors une alliée précieuse pour atteindre, en poussant et portant parfois, la curvité du col des Boucacers (2281m). Arrêt resto le bienvenu. Pas âme qui vive à l'horizon, un panorama qui vous prend la tête et dont on se dit qu'il faut se le fixer sur notre pellicule intérieure pour s'en imprégner à jamais. Balayées les fumées de la ville et les volutes des gaz d'échappement.

La Collade de la Roquette ou de la Croix des Lipodères (2083m) est atteinte, dans le sens descendant, par un chemin tumultueux qui rejoint, beaucoup plus bas le col de Jou.

Et re-Top 25 pour découvrir la Collada de Dona Pa (2055m), un 2000 de plus, ça ne se refuse pas !
Retour à Pla Guilhem, puis à la collade des Roques Blanches, en oubliant au passage la Collade des Voltes (2188 m), étourderie que l'on ressasse ensuite pendant l'hiver, au moment du décompte, vous connaissez ?

Il est 10h30. Trop tôt pour redescendre déjà vers les Forquets. Et va pour l'aller-retour du col de Mantet, la descente pour l'aller, la grimpée pour le retour. La piste est barrée par d'énormes rochers, obstacles infranchissables pour les 4x4, mais n'est-ce pas la raison de leur présence ?

La piste, défoncée au début, transformée en sentier, est magnifiquement roulante ensuite, jusqu'au col de Mantet. Le retour à la Collade, dans le sens remontant, me sera plus difficile ; j'y grillerai mes dernières cartouches avant de replonger, bondissant de cailloux en cailloux, vers les Forquets et la fin d'une matinée comme l'on aimerait en voir (en vivre) plus souvent.

6 heures d'une ballade jouissive, 9 cols dont 7 + de 2000 m, auxquels il est possible d'ajouter la Collade des Voltes et même, si l'on osait, le col de Mantet (1761m)


PS : cette randonnée est millésimée 95 ; fin avril 96 un motocycliste irresponsable (parce qu'ayant pris la fuite) m'étala pour le compte sur le bitume d'une petite route de campagne et me priva ainsi de 5 mois de plaisirs cyclistes et de la presque totalité de ma moisson annuelle de nouveaux cols.

Bernard GACON N°1975

de ROZIER en DONZY (Loire)


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