Page 16 Sommaire de la revue N° 24 Page 18

Sauvé par les hirondelles.

Revue N° 24 Page 17

Permettez-moi, chers confrères, d'apporter ma modeste contribution à l'étude scientifique du harcèlement par certains représentants de l'ordre des diptères, autrement dit les mouches, sur des spécimens de l'ordre des primates, genre homosapiens-cyclo.

Monsieur Chauvot et son catalogue des cols routiers dictant depuis quelque temps déjà sa volonté sur la situation géographique de mes vacances, je me trouvais ce jour de juillet 1995 en train de gravir le col de la Lombarde.

La forte chaleur ambiante, la vitesse modérée (en tout cas inférieure aux 13 km/h préconisés par l'étude méritoire de Paul Maillet - revue du Club des Cent Cols n° 23, page 40 -), l'oubli impardonnable du flacon de lavandin, la sueur abondante du sportif prétentieux un tantinet en surchauffe, et surtout le passage quelques heures plus tôt d'un troupeau de vaches transhumant vers les alpages de la Lombarde, ayant excité les monstres ailés ivres de senteurs psychédéliques, concourent pour que mon purgatoire se mue en sévices dignes de l'enfer.

En effet, mon pied droit appuyait sur la pédale suffisamment pour ne pas chuter, pendant que ma main gauche chassait les squatters de l'oreille du même côté, concomitamment à une forte expiration nasale pour éjecter les intrus déjeunant dans mes narines.

Mes paupières battaient frénétiquement pour tenter de conserver un fragment de route en vue entre 12 paires de pattes velues et 4 abdomens proéminents et noirâtres, tandis que les muscles peauciers de mon cou se convulsaient à la sensation de piétinement passant par le col et se dirigeant sous le maillot ouvert.
Je n'ose imaginer ce qu'il arriverait si nos cuissards étaient béants !

Bref, l'horreur, 275 watts par minute dépensés pour progresser et 325 pour la lutte contre les fauves, la fin était proche...

Dans un état semi-comateux, mon attention auditive fut attirée d'abord par un frottement aérien, ailé, puis par des pépiements joyeux.

Pour participer à la recherche d'information ordonnée par le cerveau en réveil, mes yeux captèrent bientôt le piqué incessant de stukas à plumes à quelques centimètres de mon crâne nu. Et quel ne fut pas mon étonnement de constater qu'en quelques secondes, j'étais débarrassé de mes tortionnaires.

Ayant l'esprit curieux, je remarquais alors que je venais de pénétrer sous un ouvrage paravalanches truffé de nids d'hirondelles, et que ces dernières venaient de faire une orgie de mouches. J'étais sauvé !

En conclusion, je puis formuler l'hypothèse suivante. Pour lutter efficacement contre les mouches, il faut:

- Se munir d'un flacon de lavandin. - Ne pas sentir mauvais si l'on transpire, le lavandin devenant inefficace. - Rouler à plus de 13 km/h dans les cols, sinon rester en plaine. - Choisir son itinéraire en fonction des paravalanches habités de nids d'hirondelles en activité.

Bernard GIRAUDEAU N°3872

Ajaccio (Corse du Sud)


Page 16 Sommaire de la revue N° 24 Page 18