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Le millième col

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Que je vous le dise tout de suite : il n'est pas venu tout seul et j'ai du patienter longtemps avant d'atteindre enfin cette consécration. En effet mes résultats 1988 (865 cols et 128ème) et 1989 (968 cols) pouvaient me laisser espérer le passage du millième col courant 1990.

Un premier avertissement me fut donné par la revue des "Cent Cols" parue en mars 1990 : bien qu'ayant envoyé liste, récit (serai-je enfin publié cette année après 3 récits censurés sur 5 ans ?) et photos, je n'apparaissais pas dans le classement final mais dans une liste à part (en page 2) des sociétaires dont on avait perdu toute trace... Je n'existais plus pour notre confrérie ! (Bien que membre depuis 12 ans).

En même temps, pour des raisons personnelles, je sombrais dans une grave dépression qui me fit perdre toute énergie physique et mentale. Malgré ce vide, je réalisais cependant une petite partie de mon programme 1990 : 20 cols (sur la centaine prévus) et retrouvais au prix de longues soirées d'hiver et d'efforts intellectuels insensés quatre cols de ma jeunesse (les années 1970) et oubliés malgré ma vigilance accrue dans ce domaine.
Je retrouvais ainsi dans la revue éditée en avril 1991 avec 992 cols à la 114ème position.
Or mon état dépressif durait depuis un an et pour la première fois depuis 10 ans, je n'avais ni réalisé, ni diffusé (moi le meneur) de programme des réjouissances 1991.

Je passais en compagnie de mon épouse, mon fils aîné et quatre amis le week-end de Pâques aux Echarmeaux (Beaujolais) et fit une centaine de km en VTT. Je m'offris deux nouveaux cols sur GR (en 1980, j'avais gravi 37 cols du Beaujolais dans la journée dont le célèbre Patoux et il ne me restait plus grand chose à conquérir). Plus que 6 cols avant les 1 000.
Rien de tout le printemps 1991.

Pour les vacances de juillet, pas de grand projet et nous avions décidé de retourner en famille à Super Dévoluy (au Nord-Ouest de Gap) avec les VTT.
Il me restait en effet quelques cols muletiers accessibles à gravir et en particulier un circuit très rentable au Nord de Veynes avec une vingtaine de cols sur routes forestières en moins de 100 km, le cap des 1000 semblait donc bien à ma portée.
Malheureusement l'énergie faisait défaut.

Le 19 juillet, je gravissais avec mon fils Eric (13 ans) le Col du Charnier 2100 m au pied du Grand Ferrand. Nous devrions enchaîner avec Aurias, la Croix et les Aiguilles (belle boucle avec 2000 mètres de dénivelée) mais Eric ne voulut pas continuer (beaucoup de poussage sur des blocs, ce qui n'est pas très drôle sauf pour certains fous de mon espèce... ). Donc retour et 3 cols perdus.
Le 20 juillet, toute la famille (7 personnes) partit en direction du Col de Rabou 1892 m. Moi seul emmenais mon VTT en haut : 996 cols.
Le 27 juillet, ascension du Col de la Gardette 2150m au dessus de Chorges (1300 mètres de montée) avec J.C. Jacquetin (sociétaire N° 2597 avec 146 cols) : 997 cols, plus que trois !

Nous devions finir nos vacances par un séjour de trois jours dans le Queyras à Molines (tout près de Saint-Véran) et je me voyais bien passer mon millième.
Patatras ! A Embrun, le timon de la remorque portant les vélos se casse en deux et nous devons laisser la remorque au garagiste de Crots (très sympa). Le Queyras sans vélo alors que des superbes cols (à plus de 2000 mètres) me tendent les bras, c'est dur.
Je rentre de congés assez découragé : comment trouver mes trois derniers cols vu ma faible énergie du moment et le peu de cols jurassiens (déjà tous gravis) existant autour de moi ?
Autour du 15 août, je remonte sur mon vélo de route et passe quelques bosses dont le très célèbre Grand Colombier face Ouest (1300 mètres d'ascension dont 4 km à 19% et un à 14%. Ce n'est pas du gâteau).
Je décide alors de participer à un raid de VTT en Haute-Saône à Vesoul : Indiana Saône. 180 km de VTT sur deux jours, chaque concurrent emporte sa nourriture et son couchage sur lui, le parcours n'est pas balisé mais découvert grâce à un road book, des épreuves spéciales (grimpée de côte, équilibre, pont de singe, rappel avec VTT, traversée de rivière, gymkhana) permettent un classement de 560 concurrents.

Je ressors de ce week-end soutenu regonflé à bloc et de nouveau plein de vie et de projets. Moi qui n'avais plus parcouru 200 km d'une traite depuis plus de deux ans, je ressors mes cartes.
En effet toutes mes cartes sont couvertes de petits cercles rouges indiquant les cols Chauvot. Une fois gravis le cercle est rempli de rouge et devient un rond rouge, symbole de la conquête sur l'agréable et l'inutile !
Je retrouve grâce à mon ami Michel Mouget (sociétaire N° 2721 avec 551 cols) un secteur de cols dans le Jura Suisse entre Pontarlier et Neuchâtel à moins de 100 km de chez moi (Lons-le-Saunier). Je fixe au samedi 7 septembre la date de cette randonnée cyclo qui doit enfin m'offrir mon millième col.
Je cherche des candidats pour m'accompagner (je n'aime pas la solitude) et mon fidèle compagnon J.L. Luberne (sociétaire N° 1432 avec 551 cols) accepte de partager avec moi cette belle journée et cette belle aventure.

Samedi 7 septembre 1991 - 7h30 : nous quittons Mignovillard (entre Campagnole et Pontarlier). Le temps est beau mais la température assez basse contrairement à la douceur des semaines précédentes. Grande "caillante" donc sur le CD47 menant à Pontarlier. Nous passons au pied du sublime Château de Joux (à visiter absolument), passons la frontière suisse à Verrière-de-Joux (998ème col) et montons à gauche sur le Bayards, le Cernil (999ème col) et la Brevine. Nous attaquons alors le millième col qui, s'il présente dans des conditions remarquables (temps superbe, route impeccable, décor champêtre et boisé de rêve), a l'inconvénient de ne pas être un très grand col : 120 mètres de montée sur 5 km, c'est quoi ça ? Mais qu'importe la qualité, je débouche sur le COL DES SAGNETTES vers 10h45, dans un calme et une solitude dignes des grands moments de l'histoire.

Ça y est : la barre des 1 000 cols est franchie ! Et après ? Et bien l'aventure n'est pas finie.
En effet, trois de mes amis que je dominais encore tout récemment sont passé devant moi
- Josette Mathieu sociétaire N° 1106 avec 1067 cols
- Michel Mathieu sociétaire N° 1107 avec 1076 cols
- Claude Morin sociétaire N° 222 avec 1207 cols.

Il me faut donc sans tarder les rattraper, les dépasser pour atteindre avant eux et avant l'an 2000 la barre des 2000 cols ! Que de beaux voyages et de belles suées en perspective...

PS : pour information, le 7 septembre je pus gravir encore 14 cols dont les noms suivent:
- La Tourne 1172 m
- La Nouvelle Censière 1116 m
- La Tornade 1258 m
- Mauborget 1200 m
- Les Etroits 1153 m
- Aiguillon 1293 m
- Le Praz 1279 m
- Jougne 1025 m
- Petra Felix 1144 m
- Mollandruz 1151 m
- Près de 1'Haut Dessus 1292 m
- Près de l'Haut Dessous 1314 m
- Les Croisettes 1304 m
- Landoz Neuve 1260 m

Bref les Cents Cols, c'est l'école de la vie et vive la vie !

François POUESSEL

Amicale Laïque Lons-le-Saunier


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