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LE COMPTE N’EST PAS BON…

Revue N° 19 Page 27

Bien rares sont les individus qui ne sont abonnés à aucune revue.
L'abonnement étant volontaire, lorsque la date de parution prévue approche, c'est chaque jour avec une fébrilité croissante que je me précipite vers la boîte à lettres pour voir si, sous le monceau quotidien de tracts publicitaires, ne se dissimule pas l'ouvrage tant attendu.

L'impatience est d'ailleurs proportionnelle à la périodicité de la revue. La nôtre est annuelle et, dès les premiers beaux jours du printemps, c'est avec le même enthousiasme que je bondis vers le courrier de la semaine et que j'enfourche ma bicyclette le dimanche.

De façon toute logique, on lit une revue comme une lettre ou un livre : on commence par la première page et on poursuit docilement jusqu'à la dernière. J'avoue humblement que pour notre bulletin, j'ai le réflexe inverse et, dès sa réception, je me précipite vers les dernières pages, celles du classement bien entendu. Je pense d'ailleurs que la plupart des sociétaires de notre club ont la même réaction.

Mes cols sont soigneusement répertoriés ; j'en connais le total par cœur. Je peux donc vérifier rapidement si je n'ai pas été oublié sur la liste et si le préposé aux homologations est bien d'accord avec moi.
Le nombre me saute aux yeux : 984.
Je me replonge dans mes dossiers pour constater que ma mémoire m'est bien fidèle : j'en avais déclaré 994. Dix cols ont donc disparu !

Etant donné que je coche rigoureusement chaque nouveau col escaladé sur le guide Chauvot, il me semble peu probable d'en avoir déclaré dix en double. Je soupçonne une faute d'impression dans la revue. J'envoie donc un courrier à Henri Dusseau pour avoir l'explication de notre désaccord.

Dans la vie d'un cyclomontagnard, le millième col est une étape marquante qui mérite d'être fêtée et appréciée à sa juste valeur. Mais la saison est déjà commencée et, comme chaque année, je descends en vélo, avec un groupe de camarades de mon club, à la concentration pascale en Provence ; nous franchissons quelques nouveaux cols dans le Massif Central et les Alpes.
A cette époque, je n'ai pas encore reçu la confirmation que c'est l'imprimeur qui a inscrit un 8 à la place d'un 9. Alors, quel col est véritablement l'élu du hasard ? Celui que je crois être le millième n'est peut-être que le neuf cent quatre vingt dixième et celui que je prends pour le mille-dixième est peut-être le véritable franchissement millénaire.

Ne pouvant fêter et immortaliser deux fois de suite l'heureux évènement, je les escalade tous les deux avec le même simple plaisir que me procure chaque ascension de col, qu'il soit petit ou géant, anonyme ou célèbre, dans un décor toujours différent.

J'apprends un peu plus tard que le bon compte a désigné un passage discret et champêtre à 834 mètres sur un charmant chemin vicinal de l'Ardèche qui a sans doute droit à cette particularité pour la première fois : le Goulet de la Soulière, N°07-84.
Et deux jours plus tard, le dimanche de Pâques, j'atteins le 200.000e kilomètre de mes aventures cyclotouristiques, 10 Km avant de pointer à la table de contrôle de la concentration de Lourmarin.

Ce qui me donne en fait la moyenne fort modique de un col pour 200 Km. Un bilan actuel qui fait resurgir des souvenirs et des images d'une variété infinie, glanés au cours de vingt années de brevets montagnards, de randonnées permanentes ou de voyages itinérants, en France et dans les pays voisins.

Une gamme personnelle dont la première note est la Bocca di a Guardia (19 mètres d'altitude !) en Corse du sud qui n'a de col que le nom, et la dernière note (provisoire, je l'espère) est le Pico de la Veleta dans la Sierra Nevada espagnole dont les 3300 mètres ne sont pas un col mais la plus haute route revêtue d'Europe.
On peut toujours rêver ! Alors pourquoi ne pas imaginer que je franchirai mon 300.000e kilomètre et mon 2.000e col en l'an 2000 ?

Ce serait un bel aboutissement pour marquer mon entrée dans le Club des Demi-Siècles et également une motivation supplémentaire pour continuer ces dix prochaines années à vagabonder dans nos montagnes d'un attrait intarissable.

Jacques BRETON

A.S. des Graves, Vichy.


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