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Gros braquets s'abstenir...

Revue N° 13 Page 28

Nos vacances l'an dernier (celles que j'ai passées avec ma femme en septembre et non avec vous-autres au mois de mai) nous ont amenés à visiter les monts du Cantal et une partie du Pays Basque. C'est de ce dernier que je veux vous entretenir.
Je connais presque toutes les Alpes, presque tout le Massif Central et la moitié sud des Vosges (à vélo, s'entend) mais je vous jure que les Pyrénées vous réservent des surprises, même en dessous de 1000 mètres.
Nous étions donc au camping de Etche Quequechose à Cambo-les-Bains, une fort gentille et accueillante petite ville, même en ces temps troublés et de ce camping on voyait une colline avec deux gros réflecteurs métalliques au sommet. D'après la carte, ce devait être le mont Artzamendi (926m) et je décidai d'aller y faire un tour en glanant quelques petits cols au passage.

Pour ceux qui ne connaissent pas, il faut dire que le Pays Basque est très vallonné. Ce n'est qu'une série de petites croupes, donc de descentes et de montées courtes : 500 à 1000 mètres de long pour 50 à 100 mètres de dénivelée, ce qui donne un pourcentage moyen de 10%, mais nous savons tous que la moyenne est une vue de l'esprit, ce qui fait que le 15% est courant à mi-hauteur de la sinusoïde (diable, je ne fais pourtant pas un cours de maths !). Pour résumer, disons que le Pays Basque, ça monte ou ça descend et, comme on passe plus de temps à monter qu'à descendre, surtout sur des pentes abruptes, eh bien ! Ca monte tout le temps. Voilà !

Me voici donc parti vers Espelette, une bien jolie bourgade avec ses maisons blanches à volets rouges (la Bretagne c'est blanc et gris, le Pays Basque c'est blanc et rouge) et ses industries artisanales, dont la culture et le séchage du piment rouge aussi, naturellement.
Dès la sortie d'Espelette je vois mon premier col, les Trois Croix (511 m) mais je suis obligé de regarder la carte IGN au 100.000e de très près pour y parvenir car il me faut suivre un dédale de chemins vicinaux en mauvais état, pour finir par du non goudronné très pentu, donc très raviné, donc très très caillouteux. La vue est belle, le temps étant bien dégagé et au loin on distingue la côte Basque, que je n'ai pas encore visitée mais les trois croix doivent être virtuelles, car je n'en trouve pas une.

En regardant le terrain et la carte, il me semble que le GR10 est cyclable et que le suivant pendant 5 km je pourrais arriver au col de Veaux (555m), au pied du Mont Artzamendi, tout en glanant au passage les cols de Zuharrateaco (566m) et de Gorospil (662m), au lieu de redescendre dans la vallée et de faire un détour de 15 à 20 km. Alea jacta est ! C'est parti mon kiki. Le premier kilomètre est en descente assez rapide (sur caillasses, naturellement) et je me dis que je devrais peut-être envisager l'achat d'un mountain-bike, mais pourquoi donc, puisque ça fait des années que nous, collectionneurs de cols, faisons tout ce que nous voulons avec nos vélos habituels, n'est-ce pas Michel Verhaeghe ?
Les 500m suivants, par contre, ça grimpe et ça grimpe bien; qu'importe, je les ferai à pied mais le moins possible car, je dois bien l'avouer, j'ai horreur de marcher; non pas que je trouve ça déshonorant, non, du tout, mais tout simplement parce que grimper une pente raide en poussant un vélo qui sautille sur des cailloux est encore plus désagréable que de pédaler en cahotant sur le 26/26.
Du col de Zuharrateaco (ah ces noms basques !) au col de Gorospil, le GR10 est quasi plat, sinuant le long de la courbe isométrique. Je pédale donc à l'aise sur un sentier herbeux sur le flanc d'une pente abrupte. J'entends un bruit de moteur et vois bientôt dans un pré en contrebas un paysan maniant avec difficulté une moto-faucheuse sur une pente de bien 30%. Tout à coup il m'aperçoit pédalant bien tranquillement bien au-dessus de lui et je me dis que s'il doit avoir l'habitude de voir des cavaliers sur ce chemin (j'ai trouvé pas mal de crottin en route), il n'a pas du en voir beaucoup sur une monture bicycle !

Mais prenons un raccourci dans mon histoire : me voilà au col de Veaux, sur du goudron de nouveau et au pied de la route montant à la station radio-électrique du Mont Artzamendi. Je suis à 555 mètres, le sommet est à 926 mètres mais la route descend encore un peu avant de remonter et, à la regarder, elle a l'air ensuite de bien monter. Le bout de roue-libre étant terminé, je mets tout à gauche et j'attaque - oh ! Tout doucement. La carte Michelin indique trois chevrons et ajoute même en clair : 14%. Mon expérience me dit que Michelin est bien en dessous de la vérité. De temps en temps, je m'arrête un instant pour reprendre mon souffle et puis je continue. Il n'y a que 3 km à faire mais ils valent leur pesant de sueur.
Alors que je suis à 500 mètres du sommet, je vois une fourgonnette des Télécoms qui redescend et je l'arrête pour savoir à quoi servent les curieuses antennes au sommet. Le chauffeur me dit qu'il s'agit de la liaison troposphérique des PTT avec le Portugal; il me complimente ensuite sur mon courage et me dit que la pente moyenne est de 18% avec des passages à 23%. Enfin, peu importe le chiffre exact du pourcentage, c'est raide, ça je peux vous l'affirmer.
Enfin le sommet. Je pose mon vélo, vide mon bidon et fais un tour à pied pour jouir de la vue dans toutes les directions. Et puis je retourne au camping, en attrapant mal au mains à force de serrer les freins sur la descente. Je n'aurai fait que 40 km mais des bons, de ceux qu'on se rappelle !

La fin de l'histoire, c'est que revenu au camping j'ai voulu emmener Nicole, mon épouse, jouir de la vue du Mont Artzamendi en cette belle fin de soirée. Nous voilà donc parti en voiture, ce n'est qu'à 20 km. Eh bien ça fait 7 ans que j'ai ma 504 et c'est la première fois que j'ai vu le radiateur bouillir ! Cela ne m'était jamais arrivé auparavant, même en tractant une caravane en plein été ! Nous avons donc laissé Idéfix (la voiture) le nez au vent et le capot ouvert pour retrouver son souffle pendant que nous faisions le tour à pied du sommet et, au retour, j'ai refait le plein du radiateur avec le jerrican d'eau que j'ai toujours dans le coffre depuis la Randonnée des Trois Cols (Bonnette, Larche, Lombarde) pour des cyclistes assoiffés.
Oui, les Pyrénées existent bien et si vous en doutez, venez y faire un tour. Mais avec de tout petits braquets...

Philippe MEYER

Leognan (33)


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