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A chacun sa croix !

Revue N° 27 Page 26

Rien de plus haut qu'une croix pour contempler le monde.(Les 7 piliers de la sagesse) T.E. LAWRENCE.
Croix Montmain, Croix de Thel, Croix-Rosier, Croix des Fourches, Croix de Chabouret, Croix Régis, Croix de Berthel, Croix-Fry, Croix de Fer, Croix des Moinats, la Croix, Croix Paquet, Kreuzweg, Croix Jubaru, Burdincurutcheta, Croce Domini, Crocen di Salven etc... etc... etc.

Dans le Massif Central, les Alpes, les Vosges, les Pyrénées, en Italie, en Belgique et ailleurs, tôt ou tard où qu'il aille, le "cent-col" sera amené à franchir un col portant le nom d'une croix.

Quand au cyclotouriste ayant un penchant pour les plaines, son passage sera tout autant jalonné de témoignages évoquant le symbole de la chrétienté. Souvent sous d'autres aspects ; parfois sous des formes originales qui sont de véritables appels au voyage. En Vendée, il découvrira la Croix-de-Vie. Il sentira et appréciera la beauté de la Ste-Croix-Vallée-Française en plein cœur des Cévennes. A deux pas de St-Tropez et de son golfe légendaire, la Croix Valmer se blottit au pied des somptueuses collines du massif des Maures. Et encore! La Croix de Noailles dans les Yvelines, la Croix-Verte dans le Val-d'Oise. La Croix Bayard dans l'Isère etc...

Au fait, que sait-on des croix ? Pourquoi sont-elles la plupart du temps érigées à une bifurcation ou à la croisée des chemins ?

Dans le haut Moyen-âge, les croix étaient des signes de délimitation de franchise. Elles pouvaient être des signes de pardon et de réconciliation entre les proches de la victime d'un meurtre ou d'un homicide et l'auteur du méfait. C'était des croix expiatoires ou de pénitence.

En exemple, citons un fait historique:
"Afin de s'emparer du pouvoir, Jean sans Peur, Duc de Bourgogne, fit mettre à mort, dans l'an 1407, son neveu co-régent Louis d'Orléans. Il fut lui-même assassiné en 1419 sur le pont de Montereau par les partisans de sa victime. En signe de désaveu de ce meurtre, le roi Charles VII fit ériger sur le même pont une croix expiatoire. Par cet acte, le roi voulait inciter à des prières pour le repos de l'âme du défunt, mais aussi rappeler par un signe tangible, la faute commise et sa nécessaire réparation".

On constate que les croix expiatoires sont apparues en des temps où les intérêts, les passions et les intrigues s'affrontaient avec violence et où l'on ne faisait aucun cas de la vie de l'être humain. En outre, la coutume voulait que des croix de pénitence soient placées à des endroits particulièrement éprouvés par des épidémies de peste et de choléra. On appelait ces croix, "des croix de peste". Notons encore les croix de supplice auxquelles on attachait les condamnés à mort, ainsi que les croix de justice lorsque le tribunal siégeait en plein air, et qui étaient souvent placées sur une élévation.
Mais la plupart du temps, la signification variait selon les pays ou les régions. En pays de montagne, elles indiquaient le plus souvent le chemin. Elles étaient érigées aussi, pour servir de repère en temps de neige ou de brume et pouvaient également faire fonction de borne-frontière.

En bordure de mer et en plaine, les croix prennent parfois des formes stylisées. Deux exemples :
En Bretagne, les croix font souvent place à des calvaires qui sont la représentation de la légende d'un saint ; ce qui n'est pas la règle générale. Ainsi le calvaire de Plougastel qui a été édifié en 1602, mémorise le passage d'une épidémie de peste. Souvent, il s'agit d'autels celtes qui ont été retaillés au début de la christianisation par des prosélytes acharnés venus de Grande-Bretagne.

En Wallonie (Belgique), la campagne est parsemée de portales. Ces minuscules constructions, surmontées d'une croix et qui abritent une niche, se camouflent en général derrière les haies ou à l'ombre des arbres séculaires. Il n'est pas rare non plus de les rencontrer à la croisée des chemins. Les origines sont diverses mais la plupart du temps sont liées à un rite religieux (imploration à une guérison, remerciement, lieu de pèlerinage...)

Ce rapide tour d'horizon à propos des croix latines n'est pas exhaustif. En effet, il en est au moins encore une que j'ai omis de citer. Il s'agit de la croix funéraire ou croix de passion.

Or, si ma bonne étoile m'eût abandonné, en été 95, dans le massif de l'Assietta, il y a gros à parier qu'une telle croix aurait été plantée parmi les éboulis au fond d'un ravin de la Cima Ciantiplagna. A ma mémoire in saecula saeculorum et pour épitaphe "Ad Honores".

Et vous auriez été privés du divertissement d'un croisé de la petite reine !
Aussi, croisez vos doigts et le mauvais œil vous sera épargné sans peine !

José BRUFFAERTS N°1997

de BRUXELLES (Belgique)


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