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Escapade dans la Fournaise

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En début d'année 2004, Jeanine m'avait convaincu de faire un voyage à la Réunion, île magnifique il est vrai, île volcanique aux paysages sublimes, uniques, où il devait vraisemblablement y avoir... des cols ! Et voilà que la revue «Club des 100 cols » dans son édition 2004 (page 74) a la bonne idée d'en dresser la liste : 11 au total dont 4 à plus de 2000 m. Quelle aubaine ! Il suffit alors de les repérer sur l' I.G.N. pour constater que 3 de ces derniers sont situés pratiquement côte à côte à l'extrémité d'une route forestière montant vers le ... volcan de la Fournaise ! Comment ne pas envisager une telle aventure à vélo ?

C'est ainsi que le mercredi 3 novembre au matin, dans la plaine des Cafres au coeur de l'île, je me suis mis en quête d'un engin uniquement mû par la force musculaire pour satisfaire un incontournable rendez-vous qui ne se reproduira sans doute plus pour ce qui me concerne.

Louer un V.T.T. est chose facile du côté de Bourg Murat, village situé au pied du «monstre», compter 15 à 20 € la journée il faut bien en vérifier le fonctionnement : les freins, les passages de vitesses, l'absence de jeu dans les roulements, la présence de très petits braquets, le bon état des pneumatiques (on a parfois des surprises !) et l'équipement annexe indispensable (pompe, trousse de réparation ...) ; prévoir un vêtement de pluie, même s'il fait très beau car là-haut ce sera forcément différent.

Au coin de la Maison du Volcan (on peut y voir sur grand écran le cratère en direct), emprunter la R5 forestière qui s'élève progressivement à travers pâturages où paissent de coquettes vaches laitières ; pour le peu, on se croirait en Savoie... mais bien vite apparaît la forêt de conifères d'origine japonaise : adieu veaux, vaches et contemplations, fini de rigoler .. la route, parfaitement asphaltée, se redresse soudain brutalement en lacets serrés, incroyable montée, flirtant sans doute avec les 20%, à négocier sur environ 3 kilomètres. Le 24(devant)/ 28 du V.T.T. permet juste de ne pas mettre pied à terre.

Le souffle court, les jambes au bord de la rupture, on atteint alors le «Nez de boeuf», à plus de 2000 m. déjà, point stratégique doté d'un belvédère unique sur la «rivière des remparts» qui, au fond d'une profonde gorge entre deux murailles basaltiques, plonge à l'infini vers l'océan.
La pente s'adoucit alors sensiblement et traverse un paysage offrant de beaux dégradés du vert au gris couverts de landes plus ou moins éparses qui succèdent à la forêt. Au fur et à mesure que l'on approche de «la montagne fumante», la lande se raréfie puis disparaît, faisant place à d'impressionnants chaos de basalte.
Les derniers kilomètres précédant le Pas des sables (2350m) sont pratiquement plats. Là, on reste ébahi, figé face à l'extraordinaire panorama lunaire de la Plaine des sables qui, 200 m plus bas déroule un vaste tapis uniforme de couleur rouille évoquant une aire d'atterrissage pour extra-terrestres. Plus le moindre bruit, plus la moindre plante, plus un oiseau dans le ciel, nous sommes vraiment sur une autre planète !

Le petit kilomètre de route (toujours bitumée) pour y descendre est une véritable falaise reléguant les lacets du Galibier dans la catégorie des faux plats ! le 24/28 du VTT sera d'ailleurs insuffisant lorsqu'il faudra remonter au retour. L'asphalte disparaît de niveau de la dite plaine à partir de la est tracé un chemin non revêtu, genre large piste du désert, très cyclable que l'on peut classer en R1 (la cotation "Chauvot" en S1/S2 est à mon avis erronée). Grâce aux nuages bas et autre brouillard stagnant en permanence, ce chemin est toujours plus ou moins humide, ce qui évite les nuages de poussières que ne manquerait pas de provoquer le passage des voitures.

Après quelques vallonnements faciles à franchir au milieu de ce paysage fantomatique, on parvient au Pas de Bellecombe (2311m.), terminus de cette chevauchée hors du commun. Nous voici enfin sur le bord de l'immense cirque naturel que constitue l'enclos Fouquet (8 km de diamètre) destiné à contenir les effusions de lave du cratère de la Fournaise placé en son centre. Pour l'ère actuelle, les coulées s'orientent vers l'océan Indien, au sud-est de l'île, l'agrandissant à chaque éruption.

S'il est encore relativement tôt et que vous avez conservé de bonnes jambes à l'issue de cette grimpée, vous pouvez sans crainte abandonner provisoirement le vélo au niveau de la petite maison d'exposition qui siège là et entreprendre la randonnée pédestre aller-retour jusqu'au piton de la Fournaise, une balade extraordinaire de 5 heures pour laquelle on aura pris soin de prévoir de bonnes chaussures, un coupe-vent et de la... crème solaire, même si le temps est comme souvent en ces lieux, à la grisaille !

Pour tout vous dire, lorsque j'ai effectué cette rando à V.T.T., il y avait une telle purée que je n'ai pratiquement rien vu. Ce n'est que le lendemain, en remontant en voiture cette fois, que nous avons pu, le ciel en soit remercié, découvrir ce fabuleux spectacle naturel et accomplir la rando pédestre vers le charismatique piton volcanique.

Pierre Etruin

CC n°341


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