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Ce col qui aurait pu être le dernier

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En quittant la ville de Tournon en ce dimanche de Pentecôte, je suis loin de me douter de l'aventure qui va m'arriver.

Il fait très beau, la chaleur n'est pas encore caniculaire, je vais enfin pouvoir découvrir les routes du département de l'Ardèche dont on m'a tant parlé mais sur lesquelles je n'ai jamais roulé. J'ai établi la veille un circuit de 120 km me permettant de mettre dans mon escarcelle un total de 13 cols.

Après le col de Fontay, je rejoins dans l'ascension du col du Marchand un cyclo qui me conseille de faire le plein à la fontaine de Saint-François-Régis à la Louvesc, son eau étant particulièrement bonne. Je suis ses conseils et après nous être désaltérés, nous nous quittons, son goût pour les cols semblant plus modéré que le mien.

Je passe le col du Fau et peu après un insecte me pique à la tempe. Quoi de plus banal pensais-je alors et je continue ma route vers le col du Buisson. Au fil des kilomètres, je sens des démangeaisons sur les bras et les jambes ; en y regardant de plus près, je m'aperçois que mes bras sont couverts d'urticaire. En me désaltérant, je sens que ma lèvre supérieure est raide. Je ne sais plus trop à quel saint me vouer : est-ce dû à la piqûre ou bien l'eau n'était peut-être pas aussi pure qu'indiquée ?

Je continue ma route à bonne allure dans cet endroit assez désertique, pressé de savoir ce qui m'arrive. J'ignore alors que j'accélère ainsi la diffusion du venin. La nausée commence à m'envahir au moment où j'arrive au village de Nozières. Un restaurant est ouvert : je vais enfin en avoir le coeur net.
A peine me suis-je assis que tout devient trouble autour de moi : je perds connaissance ! En revenant à moi quelques instants plus tard, la patronne de l'établissement me dit que les pompiers ont été prévenus. N'ayant pas conscience de mon état, je lui affirme que ce n'est pas nécessaire car tout va bien désormais. Je n'ai pas le temps de discuter, car une nouvelle fois je perds connaissance.

Lorsque je me réveille, je suis allongé dans une civière de pompiers, le masque à oxygène sur le visage : ma tension est de 5, mon pouls est très ralenti.

Toute sirène hurlante, nous rejoignons l'hôpital de Lamastre où je suis pris en charge par le médecin de service qui m'affirme que j'ai été victime de l'oedème de Quinck ! Comme je ne connais pas ce personnage, pour me réconforter, le médecin m'indique que cela se manifeste de trois façons : simple urticaire, perte de connaissance ou bien décès. Je l'ai échappé belle car si je n'avais pu rejoindre le village et trouver ainsi assistance, je ne serai pas là aujourd'hui pour vous raconter cette histoire.

Après quelques heures de repos et une perfusion de corticoïde suivi d'une collation, une ambulance me ramène à mon point de départ. S'ils lisent un jour ces lignes, que les différentes personnes qui m'ont aidé (patronne du restaurant, pompiers, personnel hospitalier..) soient chaleureusement remerciées.

Jean-Marc Guzzo

CC n°4904


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