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Corse : le col de Cappiciolo

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Pour clore ma saison de chasse aux cols, j’ai découvert au dessus de Porto, un paysage unique et déchiqueté, d’une grande beauté. Sitôt franchi le col de Cappiciolo, j’ai rebroussé chemin avec l’impression enivrante, en descendant, de plonger dans la Méditerranée. Sur le chemin du retour, le pittoresque village d’Ota, baigné d’une douce lumière d’automne. A l’arrivée, un femme radieuse car il reste un après-midi pour la plage : il y a une vie après le vélo.

En 1993, une des premières semaines printanières de chasse aux cols imaginée par François nous avait emmenés à la découverte de la Corse. Au fil de quelques 800 kilomètres parcourus sur des routes d’une étonnante beauté, nous avions tout de même franchi la bagatelle d’une centaine de cols. Fastueux tableau, sauf aux yeux de mon fils Maxime, membre du Club également mais encore lycéen à cette époque : combien de fois ne l’ai-je pas entendu ironiser, un rien envieux, en évoquant
les 19 mètres du col le plus bas de Corse et la facilité de quelques autres.

Toutefois quelques blancs subsistaient, que j’ai remplis au gré d’une semaine de vacances passées en Corse avec une épouse n’appartenant pas à la gente à deux roues. Le premier défi en pareille circonstance : dissimuler mon vélo dans les bagages. Deuxième défi : négocier quelques sorties d’une demi-journée entre randonnées pédestres, plage et baignade dans une mer fort agréable en cette fin novembre. Troisième défi : ne pas trop s’éloigner des horaires convenus.

En guise d’introduction à la Corse, un magnifique circuit de sept cols aux senteurs de maquis et aux couleurs automnales d’une infinie richesse, autour de Propriano. Puis, deux jours plus tard, au départ de Porto, ce petit port pittoresque que la pluie et le temps maussade nous avaient dissimulé en 1993, la magnifique ascension du col de Cappiciolo, 547 mètres, sur la route d’Evisa et de la forêt d’Aitone. Un vrai bonheur, que ce dernier col de 2002, avec en prime la promesse tenue, que j’avais faite à ma femme de boucler mon circuit en deux heures pour profiter ensuite de la plage et des Calanches de Piana.

Départ à 8 heures sous les eucalyptus, une double haie comme un havre de fraîcheur à la sortie de Porto et j’attaque aussitôt les premières pentes, bien sûr en moulinant un confortable 13-14 km/h sur mon VTT pneus slike. Une ascension en compagnie des cochons corses que je surprends à chaque virage : marrant, le petit timide, s’ébrouant dans une bauge en bord de route et qui, à mon passage a détalé en éclaboussant et en patinant dans la boue. Réconfortant pendant l’effort, de se dire qu’il y a encore de la vraie Coppa et du vrai Lonzo mais bien choisir et se méfier des imitations. Après les cochons, les chèvres comme accrochées au rocher, qui détalent sans détaler, et la plus vieille au bord de la route, qui n’a plus la force, qui semble se délecter du spectacle et de la vigueur des jeunettes et que mon passage laisse bien indifférente. Jean, te souviens-tu de la vieille chèvre des Lindarets, sur le chemin du col de Joux Verte ? elle t’avait tellement attendri que c’est miracle que nous soyons arrivés à Avoriaz avant la nuit. Cette chèvre avait de la conversation…
Revenons à notre ascension, avec à gauche, la vue sur le très beau village d’Ota, comme accroché au flanc de la montagne et magnifiquement inondé du soleil matinal. Plus loin, je laisse à gauche et pour le retour, le chemin d’Ota puis je continue par une route en corniche, dans un décor de rochers roses, tous étrangement ciselés, de brèches laissant passer la route, de petits ponts étroits, de murets de soutien dominant des à pics. En toile de fond, le golfe de Porto, sa tour génoise comme un point sur un i, et la mer comme roussie par le reflet des montagnes. Une montée somme toute assez douce, bien exposée au soleil dans cette partie vertigineuse. Et, au passage d’une brèche, ce qui devait être le col de Cappiciolo, mon dernier col de 2002. Mais au fait, René Poty, est-ce bien un col ? j’aurais aimé avoir le géographe avec moi et qu’il m’explique cette étonnante imbrication de crêtes, d’arêtes, de brèches, peut-être ce confluent de vallées…

Contemplation, rêveries, le plein de belles images pour affronter l’hiver. Descente jusqu’au chemin d’Ota, puis jusqu’au nouveau pont qui, dans une épingle à cheveu, franchit la rivière. Tout près, en aval, un élégant pont génois à peine dissimulé par la végétation. Remontée assez rude jusqu’à Ota, palabre avec la propriétaire d’un gîte qui me narre son coup de foudre pour l’endroit. Et j’encape à fond les manettes pour Porto. Il est dix heures trente. Le temps est au calme. La paix règnera dans un ménage au moins. Sous le chemin corse, la plage. Tout baigne.

« Ota, sur sa pente… comme écrasée sous la cime chauve qui la domine de mille mètres… est une véritable oasis méditerranéenne, enfermée entre deux hautes murailles, pays laborieux qu’une agriculture avisée a transformé. »

Propos du géographe Raoul Blanchard, inscrits au fronton de l’école du village. (La Corse-1926)

Ota dont la beauté mériterait bien un séjour ; à défaut, un arrêt : Chez Marie, au bar des chasseurs, également gîte d’étape, par exemple.

Michel GAY

CC n°3862


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