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Le Boulon

Revue N° 31 Page 61

Ce n'est qu'à Saillans que nous décidons du sens de rotation de notre circuit. Nous partirons le long de la Drôme puis de la Roanne. De la sorte, nous roulerons sur la grande route au début de la randonnée. Et dans les premiers jours d'octobre, à huit heures du matin, il y a encore assez peu de circulation.

L'itinéraire est fixé dans ses grande lignes : passage prévu au col de Pennes et au col Jeannin. Finalement cela laisse assez peu de place à la fantaisie. Après Pont-d'Espenel, nous sommes tranquilles. Ce ne sont plus que petites routes et chemins.

Depuis que j’ai adopté une selle cuir, j'ai des ennuis avec la tige de selle. Il semble y avoir incompatibilité entre les produits anglais et extrême orientaux : depuis ce mélange, le chariot de ma Brooks est devenu coulissant. Cela fait plusieurs fois que je dois jouer de la clé à 6 pans pour revisser définitivement ce fichu boulon.

Nous remontons la vallée de la Roanne. Voilà Saint-Benoit. Nous laissons sur notre gauche la route qui monte vers Rimon et Savel. Nous roulons encore un moment le long de la rivière. La prochaine route à gauche est pour nous. Elle part à l'assaut de la montagne en direction du col de Pennes. C'est une tradition dans la vallée de la Roanne : toutes les petites routes à gauche partent à l'assaut de la montagne. Depuis un moment je sens que ma selle est mal réglée. Elle me donne l'impression de piquer du nez ou de relever du bec. Elle me semble aussi être trop en avant, voire trop en arrière. Enfin elle n'est pas comme il faut !

Je m'arrête pour remédier à ce problème. Michèle continue. C'est l'affaire de deux minutes. J'enlève la sacoche, sort la clé Allen et fait le diagnostic : il faut avancer la selle et relever le bec. C'est du classique depuis quelque temps. Je dois donc dévisser le blocage du chariot. Hop! Un petit coup sur la clé, souple et déterminé. Rien ! Ben, il est bien vissé le boulon. Et malgré cela, la selle glisse ? Allez, on recommence, en plus énergique. Ha ! Le système se débloque et bouge. Je peux régler la selle. Il ne me reste plus qu'à rebloquer le tout. Mais quand je visse, l'écrou tourne. Réflexion : avec un morceau de bois, je coince l'écrou. Ca marche. Je visse, je visse. Mais rien ne se bloque et ma selle bouge toujours. Constat : le filetage de l'écrou alu a foiré ! La cata, c'est la cata ! Et Michèle qui continue, tranquille.
Cela fait déjà dix minutes que je bricole. Heureusement dans ma trousse de réparation, j'ai quelques colliers en nylon. On peut tout réparer avec ces accessoires. Tout, sauf les chariots de selle ! Cela permet cependant de solidariser un peu l'ensemble. Je remballe le matos et part à la poursuite de Michèle. Cette selle "mobile" est très désagréable et je n'ose appuyer trop fort sur les pédales. J'ai déjà "pété un boulon", alors prudence... Je crois que la balade va tourner court. L'objectif est maintenant de rejoindre Michèle, aller au col et faire demi-tour. Ce ne sera déjà pas facile.

Au lieu d'admirer les flamboyantes couleurs automnales, je scrute le fossé en espérant trouver "la chose" qui améliorera mon sort : fil de fer, fil électrique, tige de selle au bon diamètre. D'habitude, les bas-côtés regorgent de "matériel de réparation". Mais ici, c'est désespérément propre. Michèle, inquiète, m'attend à proximité du village de Pennes-le-Sec. Même en regardant, à deux, le bord de la route, nous ne trouvons rien. Voilà le sommet du col et son panneau. Dans le sud, on voit la magnifique route qui serpente vers Aucelon et que nous ne suivrons pas aujourd'hui.

Je fouille le parking désert, à la recherche de l'objet miraculeux. Rien ! Michèle va de l'autre côté, une barrière puis le panneau du col. La pancarte est fixée sur un poteau en alu, au moyen de deux colliers, bloqués par des boulons : "André, il y a des écrous sur le panneau". J'accours. Ils me semblent un peu gros et bien rouillés. Je vais chercher le boulon et ma clé à molette. Miracle ! C'est le même filetage. Et j'arrive même à dévisser l'écrou. J'installe ce nouveau matériel. je bloque: impeccable !

Tout à coup, je trouve le paysage beaucoup plus beau. Aucelon, Pradelles, Saint-Nazaire et le col Jeannin redeviennent accessibles. C'est quand même chouette que l'Equipement ait pensé à mettre des écrous au standard des tiges de selle. Et quelle efficacité : rien n'a bougé pendant le reste de la balade.

Naturellement, une fois à la maison, j'ai mis en lieu sûr le précieux écrou. J'irai le remettre à sa place à la belle saison. Quelque autre malheureux cyclo peut en avoir besoin à son tour. Je ferai bien attention, lors de cette opération, que personne ne me voit. Le passant ne connaissant pas l'évènement pourrait alerter la maréchaussée et dire : "au Col de Pennes, un cycliste saccage le matériel".

André Peyron

CC 317


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