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Le Mont-Blanc sans effort

Revue N° 30 Page 56

C'est pendant un voyage au PEROU que j'ai pu gravir le Mont-Blanc sans effort (ou presque).

En cette année 2001, j'ai décidé de faire un "break", six mois de congés sabbatiques pour faire le tour de notre Terre. Mais sans vélo, un voyage autour du Monde en avion et en routard. Ce voyage longtemps et mûrement préparé devait s'avérer trop court tant par la richesse des sites, paysages et rencontres effectuées au gré des pays traversés, que par ses surprises. Et des surprises, vous en avez forcément lorsque vous êtes routard et fuyez les tours operators au long cours.

Mais revenons au PEROU et à ce qui nous intéresse ici, le vélo et... un col.
Tout commence par un trajet en bus pour relier Arequipa, la ville blanche aux 300 jours de soleil par an à Chivay, petit village du bout du Monde. Le bus, cahin-caha, montait déjà péniblement depuis quelques heures lorsqu'il me sembla, à moi pauvre passager réfléchissant sur ma présence dans ce bus et à la fin probable de ma vie dans le prochain virage, qu'avant de redescendre de l'autre côté de la vallée, le bus avait franchi ce que l'on a coutume d'appeler un col. Feuilletant rapidement mon guide de voyage, j'apprenais que la route franchissait le col de Patapampa sis à 4800m, le Mont Blanc sans effort. Aussitôt une idée germa, celle de le gravir à vélo. Je recherchai donc, à l'arrivée, fébrilement quelqu'un qui puisse me prêter ou louer un vélo.

Après quelques minutes infructueuses, je tombai sur une tenancière de restaurant qui ne comprenant pas tout à fait ce que je voulais, me désigna une personne qui parlait français. C'est ainsi que je fis la connaissance de Valérie, une française tombée amoureuse d'un péruvien. Ce péruvien prénommé Fredi pratiquait le vélo à ses heures perdues. Fredi me mit au courant de la montée et des difficultés de celle-ci, que j'avais à priori sous estimées. N'ayant gravi le col qu'une seule fois et voulant de nouveau y retourner, il me proposa la sortie à deux que je me dépêchais d'accepter, (on n'est jamais assez pour se soutenir dans les difficultés). Je tins le challenge et le rendez-vous fut pris deux jours plus tard. Il se chargea de me trouver l'équipement ; quant au vélo, celui de Valérie fera l'affaire moyennant quelques modifications !
Rendez-vous pris, le jour arriva d'abord sous les prémices d'orage, puis de soleil voilé. Le vélo réglé 'à la brutos', selon les dires de Fredi, c'est à dire à coup de marteau, mes chaussures de marche aux pieds, une tenue empruntée, et après un bon petit déjeuner, nous commençâmes l'ascension. La route dans le premier kilomètre fut plate puis prit rapidement de la pente et du même coup perdit son asphalte. Nous nous retrouvâmes donc sur un chemin empierré avec des ornières et, en face de nous et nous arrivant droit dessus, des camions bigarrés d'un autre âge. Après quelques coups de pédale supplémentaires, un paysage en kaléidoscope se déroulait devant moi, la vallée en contrebas se rapetissait tandis que les montagnes prenaient de l'ampleur mais continuaient à s'éloigner. Quelques alpagas et lamas s'enfuirent à notre vue et de beaux paysages lunaires parsemés de plaques de neige nous entouraient.

Les derniers kilomètres furent durs. Dans une camionnette, un péruvien, nous voyant essoufflés, offrit de nous emmener à la cime, en nous posant les inévitables questions sur la finalité de notre équipée. "Alors, accrochez-vous à l'arrière" nous hurla-t-il avant de partir dans un nuage de poussière.

Le souffle court, le manque d'exercice et d'oxygène m'imposaient de fréquentes pauses. Et tandis que Fredi m'attendait à la cime, j'arrivai au col de Patapampa, à 4800 m d'altitude, heureux d'avoir franchi ce col non prévu dans mon voyage . Finalement, cet intermède dans mon périple constituerait l'un de mes plus beaux souvenirs. Celui d'une rencontre avec Fredi et sa gentillesse, mais aussi celui de la montagne péruvienne, sur un vélo, avec un défi réussi.

Après les inévitables photos souvenirs, la descente fut douloureuse pour mes mains. Quant à Fredi, ganté, avec son vélo ad hoc, il faisait exploser les records de vitesse et d'équilibrisme.

La journée se terminait avec un repas dans une gargote péruvienne après 4 heures de vélo et un souvenir de plus inscrit dans mon voyage (et non le moindre)."Le col de Patapampa, le Mont Blanc et... des efforts".

Claude CHALABREYSSE N°3359

de LABEGUDE (Ardèche)


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