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"Car où est ton trésor, là aussi sera ton coeur"

Revue N° 30 Page 35

Mathieu 6.

Après être entré au club des "100 cols" pour des saucissons (Revue n°21), j'avais découvert au fil des ans et des randonnées, la montagne et une confrérie dont j'allais oublier peu à peu certains préceptes. Il est vrai que nous subissons actuellement les affres d'une société dont la devise est connue de tous : plus haut, plus vite et plus fort.

La jeunesse aidant, j'ai pêché par orgueil ; mais comment ne pas résister à la tentation de retrouver son patronyme au milieu des premières pages du tableau d'honneur ?

A ce petit jeu, je me suis brûlé les ailes, au point de m'écoeurer et de ne plus me souvenir de certaines "campagnes", comme l'an passé. Je m'étais imposé une quête de 101 cols en 420 kilomètres de pistes et d'asphalte sur un VTT pour un dénivelé positif d'environ 10000 mètres ; sur les 28 heures de randonnée, je n'avais consacré que 4 heures aux arrêts et aux visites. Au final, je n'ai gardé de la région parcourue que le souvenir d'une carte quadrillée et disséquée à l'extrême pour rallier un maximum de cols en un minimum de kilomètres et de temps.

Cette année devait être celle de la rédemption. Il me fallait retrouver la Montagne pour ce qu'elle représente, à savoir une formidable école de volonté et d'humilité, et non pas pour le nombre de cols qu'elle pourrait me fournir. Il me fallait retrouver la Montagne pour ce qu'elle recèle de plus beau au fond de ses vallées (presque !) inaccessibles et au sommet de ses pistes rocailleuses et éprouvantes : des sites grandioses, des merveilles d'architecture, une nature souvent sauvage et préservée, des hommes exceptionnels. Il me fallait choisir un dernier chemin de croix pour ressentir la joie ineffable éprouvée au sommet de mon premier col. Je souhaitais une région de haute montagne, une ascension longue mais à visage humain, loin des cortèges de voitures.
Mon choix s'est porté sur cette minuscule D126 qui relie Arthez d'Asson au col du Soulor ; à partir de ce 999 ème col, il me resterait une bonne dizaine de kilomètres de pur bonheur pour atteindre ce fameux 1000 ème col tant convoité : l'Aubisque.

Je me suis délecté du panorama offert avant les tunnels de Bazens. Puis les souvenirs ont resurgi : jamais je n'oublierai le Vercors traversé avec mon père, le Beaujolais sillonné avec ma soeur, le tour des Écrins, le Salève, les Glières et les Aravis avec mon beau-frère, les monts de Tarare et du Lyonnais, la Chartreuse avec des amis étudiants, l'Oisans avec Lily et sa bande du Touriste Club de Lyon, le Jura suisse partagé avec Jean-Louis. Jamais je n'oublierai non plus les pâtisseries et les boissons offertes dans les Vosges, au Pays basque et en Ardèche, les vêtements séchés et parfois prêtés dans certains refuges en haut des cols et l'hospitalité de certains montagnards qui nous offrent un repas le temps que l'orage s'éloigne...

Quelques kilomètres plus loin, mon épouse me réservait un accueil plutôt pétillant et je pouvais bloquer le compteur sur 1000 en observant sans regret aucun, quelques cols muletiers à portée de fusil !

Les autres cols à venir ne seront que pur plaisir ; si la montagne ne m'en offre plus, peu importe il me restera toujours la Montagne...

Eric LASTENET N°3191

de CHATEAURENAUD (Saône et Loire)


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