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Gravillons !

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En été, c'est une pancarte qui fait un tabac sur le bord des routes hexagonales. La France est en effet l'un des derniers pays d'Europe Occidentale à répandre des graviers roulants sur ses routes, non seulement pour boucher un trou sur une surface limitée : les fameuses "rustines", mais aussi pour renouveler le revêtement d'usure sur toute la largeur de la chaussée.

La plupart des autres pays ont depuis longtemps adopté la mise en place d'une couche d'enrobé, bien lisse, sécurisant, silencieux et confortable, pour remédier aux dégradations des chaussées. En France, non ! Vous n'aurez souvent droit qu'à une horrible graviasse, dangereuse, accidentogène comme on dit maintenant, inégale et inconfortable, au calibrage plus ou moins important en fonction de l'humeur de la D.D.E. du coin, pour prolonger l'existence du revêtement précédent. A la première canicule, le goudron repassera par-dessus et tout sera à refaire, mais ce n'est pas grave !

Si vous exprimez votre surprise ou votre désappointement auprès des technocrates du bitume ou des responsables départementaux de la voirie, ceux-ci vous répondront que les budgets des routes sont votés en dernier lieu lors des sessions budgétaires du Conseil Général, et qu'ils doivent bien faire avec ce qu'on leur donne. Les budgets sociaux, version française du tonneau des Danaïdes, qui comme chacun le sait était sans fond, absorbent voracement la plus grande partie des impôts locaux, et ne laissent que la portion congrue pour l'entretien des routes du département.
Alors, que cyclistes et automobilistes doivent se contenter d'un revêtement qui fait regretter de ne pas habiter n'importe où ailleurs en Europe, passe encore. Mais qu'en plus, ces gravillons soient roulants, cela dépasse les bornes ! Toujours pour des raisons d'économie de bouts de chandelles, les entreprises de travaux publics se contentent de répandre une épaisse couche de gravier sur une couche de goudron, et le tour est joué. Pas besoin de compactage ou de balayage de l'excédent, c'est l'automobiliste qui fera le boulot avec sa voiture, et tant pis pour lui s'il dérape sur la caillasse, il n'avait qu'à faire attention. Et tant pis pour les cyclistes qui s'aventureraient dans ce no man's land pédalant, bravant les pancartes annonciatrices de ce désagrément, ils n'ont qu'à passer ailleurs, quitte à se rallonger d'une dizaine de kilomètres. Inutile d'aller réclamer ou quémander à la D.D.E. locale si vous avez pris une gamelle, plié votre vélo ou raclé les graviers avec votre épiderme, ils n'en ont rien à cirer ! Fallait faire attention et ne pas se trouver au mauvais endroit au mauvais moment. Et si vous insistez, vous comprendrez rapidement la vanité des efforts du citoyen contribuable, mais néanmoins électeur, réclamant des comptes à l'administration toute puissante.

Si l'Équipement arrose certaines routes empruntées par les coureurs du Tour de France pour éviter qu'ils n'aient trop chaud, le pédaleur de base, lui, doit se contenter d'évoluer sur ce qu'on veut bien lui donner. Et même si les descentes de col de votre cyclomontagnarde favorite ont été abondamment gravillonnées la semaine précédant la randonnée, ne protestez pas, le Ministère de l'Équipement a ses raisons que la Raison ignore, et de toutes façons, il fait ce qu'il veut.

En résumé, pédalez, payez vos impôts, évitez les secteurs gravillonnés, et taisez-vous !

Jean-Louis ROUGIER N°2236

d'ANGERS (Maine-et-Loire)


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