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Le Karakoram

Revue N° 29 Page 33

"Cyclo-Randonneur de 56 ans recherche coéquipier(e) pour gravir les plus hauts cols de la planète, situés dans la chaîne Himalayenne : Inde, Pakistan, Chine. Voyage en autonomie complète. Nécessité impérative de participer à l'organisation préalable. Il ne s'agit pas d'un voyage organisé !"
Telle est l'annonce que vous avez pu lire dans la revue "Cyclotourisme" de décembre 1998.

Une semaine fut nécessaire pour me décider à adhérer à ce projet.
C'est donc trois randonneurs expérimentés qui se sont retrouvés, sans se connaître, au départ de cette aventure : un Isérois, un Bordelais, un Champenois.

Tout était défi dans ce périple : le physique pour cycler quatre mois durant aux plus hautes altitudes, dans la chaleur et le froid, parmi la foule ou dans le désert, en mangeant et buvant ce que...l'on trouvait, le relationnel pour vivre ensemble aussi longtemps sans avoir au préalable roulé de concert.

Nous avons donc eu plus d'un an pour monter ce parcours tout en sachant qu'il y aurait de l'inconnu.
L'organisation a été préparée d'un commun accord et, dans les grandes lignes, a été....respectée.

Rien ne nous a été épargné : dénivelé, kilométrage, routes défoncées, chaleur, froid, mal d'altitude, ennuis gastriques dus à la difficulté de s'alimenter correctement, blessures physiques, ennuis mécaniques.

Et, moralement, il fallait tenir le coup pour surmonter tous ces aléas !
Notre parcours commence à Delhi (où le thermomètre affiche 45°) pour remonter vers le nord (Himachal Pradesh) en passant par les vallées du Lahaul, du Kinnaur et du Spiti où nous rencontrons beaucoup de routes coupées par des coulées de boue ou obstruées par de la roche.

L'arrivée au Ladak est effective après avoir franchi des cols à plus de 4000 mètres (dont un à 5065 m) souvent sur des pistes caillouteuses (où seul le VTT pouvait passer ; nous, nous n'avions que des randonneuses !) envahies par des camions civils et militaires qui envoient des gaz d'échappement et des fumées nauséabondes et noires issus de moteurs hoquetants et fatigués. Pistes qui ne sont ouvertes que quatre à cinq mois par an.

A partir de Leh, agréable capitale du Ladak, nous prenons d'assaut les cols les plus hauts du monde : le Kardung La (5602 m), le Chang La (5599 m) non sans avoir essuyé de mémorables "coups de barre" . Puis, nous redescendons vers le sud (Kargil) par la piste qui longe la frontière Indo-Pakistanaise et sujette à des incursions de chaque côté. Nous entrons alors au Zanskar où, à partir de Padum, la capitale, nous effectuons un trek de 9 jours pour rejoindre Darsha. Nous à pied, les vélos à cheval ; c'est d'ailleurs d'être transportés ainsi qu'ils ont le plus souffert !
Du trek, nous en rapportons le souvenir d'une vie fruste à plus de 3500 mètres, loin de toute civilisation et dans des conditions proches des indigènes.

Après avoir rejoint le Pakistan (vélo, train, bus), nous utilisons l'avion pour atterrir à Urumqi, dans le Xinjiang en Chine, afin de prendre à revers la Karakoram Higway (KKH) ; c'est-à-dire, direction nord sud.

Après bien des péripéties, nous remontons sur nos vélos à Kashgar pour rejoindre Islamabad avec un détour par le Baltistan. C'est un voyage fabuleux qui nous conduit des hauts plateaux chinois au Kunjeras Pass (4602 m) pour regagner, par une route mythique et impressionnante le Pakistan.

Nous avons ainsi traversé, le plus souvent, des zones minérales et désolées ; mais quelle grandeur !

Que retenir ? Avoir côtoyé les monts du Pamir ou les glaciers accessibles du Karakul sous un ciel bleu intense ? Avoir traversé la chaîne du Karakoram au pied de montagnes géantes telle le Nanga-Parbat (la montagne tueuse à 8126 m) ou le joli Rakaposhi ? Avoir longé l'Indus ?

Tous ces souvenirs s'entrechoquent dans nos mémoires. Heureusement, les photos nous permettent de retracer notre parcours et de nous dire : oui, nous avons vu tout cela , ces paysages, ces habitants.

Nous n'oublierons pas non plus l'accueil qui fut partout chaleureux, que ce soit en Inde, en Chine ou au Pakistan. Jamais nous ne nous sommes sentis en insécurité, sauf peut-être au Kohistan où les enfants ont la mauvaise manie de jeter des pierres sur les touristes de passage. Nous avons été respectés, comme nous avons respecté les us et coutumes des autochtones : leur habillement, leurs croyances, leurs rites.

Nous rentrons chez nous, en France après avoir révisé certaines idées reçues et tous les à-priori.

Fiers d'avoir vécu, ensemble, une belle aventure dans laquelle le vélo est un très appréciable élément de rencontre avec d'autres peuples. Peut-être, aussi, avons-nous eu la chance d'être partout bien reçus à cause de notre âge et de nos cheveux blancs (moyenne d'âge 60 ans) ?

Tentez l'expérience. Allez voir sur place ; cela vaut le déplacement !!!

Robert DERVAUX N°2303

de ROMILLY (Aube)


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