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L'ascension du Mont Evans

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Echolake Summit 3232 m ... Août 2000, après 4 jours, je devrais être adapté, en théorie...

L'altitude de nos logements s'est élevée graduellement : 2 jours à 2250m à Estes Park dans un chalet au nom symbolique de Columbine Cove ( l'Ancolie est l'emblème de l'Etat du Colorado), ensuite 2 jours à Winter Park à 3036 m, dans un confortable motel de la chaîne Super 8. Nous nous sommes retrouvés au-dessus de 3000m seulement hier en parcourant la Trail Ridge Road dans le Parc National des Rocky Mountains. Le col le plus élevé était le bien nommé Iceberg Pass à 3596 m. Un mont pelé caillouteux balayé par un vent glacial. Cela devrait donc aller. Depuis des mois je crains cette journée. A 4000 m , plus d'une personne sur 4 est malade et nous sommes 5. Je n'ai pas oublié mes comprimés d'Adalat et de Diamox à prendre en cas de gros malaise (nausées, maux de tête, vertiges...)

En plus, il faut payer pour le grimper ce "foutu Mont Evans": une garde du Forest Service bien à l'aise dans son aubette en rondins de pin, me demande 5$US pour le passage. Son sourire en dit long sur la galère qui va suivre.

La route s'élève doucement dans une belle forêt de pins sur les pentes du Goliath Peak (12216 ft). Le dépliant publicitaire sur le Mont Evans indique que plusieurs pins de cette forêt ont plus de 1600 ans !
Mes jambes sont encore lourdes des efforts d'hier. Sur un thermomètre j'ai vu 25°, tout en haut il y a 14°, m'a-t-elle dit. Quand même, nous avons de la chance car les changements de temps sont habituels dans la toundra alpine. Au-dessus de la ligne des arbres, il peut neiger n'importe quel jour de l'année.

Encore 20 km. Dire qu'à cette altitude, il y a seulement 40 % de l'oxygène présent au niveau de la mer ! En y pensant mon cœur bat encore plus vite.

Mon cardiofréquencemètre indique 140 pulsations à la minute, je dois ralentir car je risque de "passer dans le rouge". Mon seuil est certainement plus bas qu'en Belgique (155/min), déjà qu'au repos, je suis à 90/min. Je décide de faire la montée autour de 130-135 puls/min. So I'll be secured.

Christine, mon épouse, André Tignon et Jean Ulrich sont déjà loin devant moi. Je les croiserai sans doute d'ici 2h30. Je pense faire l'ascension en 3 heures.

Le paysage est grandiose, tout est grand aux States, c'est vrai. C'est toujours ce qu'on dit en revenant.
La route est bonne, quelques rares voitures et cyclosportifs me dépassent. Les américains sont "cool" en voiture et très corrects vis-à-vis des cyclo. Les Montagnes Rocheuses présentent un large panorama de type alpin. Les flancs des montagnes sont recouverts de grandes forêts de pins jusqu'à 3500 m environ. Au-dessus de la ligne des arbres, il n'y a plus que de la caillasse. Impressionnant.
La route est encore large, à 2 voies de circulation avec de confortables bas-côtés.
Sur un rocher au bord de la route, une marmotte m'observe. Arrivé à sa hauteur, je stoppe et la regarde à mon tour. Confiante elle reste assise à peine à 2 mètres de moi. Je prends mon appareil photo. Elle s'enfuira effrayée seulement par le flash !

Dans les parcs nationaux, les animaux ne craignent pas l'homme. J'en avais fait l'expérience le 1er jour lorsqu'une meute d'élans se nourrissait dans le jardin du voisin de notre chalet. De même, j'ai rencontré, après un tournant, un mouflon adulte et 2 petits se baladant sur la route ! J'ai pu les approcher à 20 mètres.

A 4000m, il fait un peu plus frais. J'enfile un coupe-vent, encore un souvenir de voyage
(1998 le Beaujolais). Cela me fait penser qu'il faudra bien trouver une dégustation de vin du Colorado dans les jours qui suivent (ce sera chose faite à Colorado Springs).

Avant les dernières rampes, je longe un lac de montagne, l'eau est très froide. Le lac est alimenté par la fonte des neiges dont il reste quelques plaques sur les pentes environnantes.
Alors que le pourcentage avait été raisonnable jusque-là, je peine sur les derniers 350m d'élévation. Cela commence par une longue ligne droite qui me rappelle la première rampe du Galibier après Plan Lachat. Ensuite se succèdent plusieurs lacets interminables.

Je ne vois toujours pas le sommet. Par contre, je croise mes 3 compagnons à 3 km du but.
Arrivé au sommet, je peux contempler le spectaculaire panorama du Continental Divide (ligne de partage des eaux entre les océans Atlantique et Pacifique) que nous avons croisé plusieurs fois au cours de notre inoubliable périple.

Le Mont Evans est parmi les plus hautes montagnes des Etats-Unis : 4438m. J'ai du mal à me rendre compte de ce que cela représente. J'ai dégusté cette ascension comme un grand cru.

Mais cette journée mémorable ne sera pas vraiment comme les autres : il nous reste 5 cols entre 3360m et 2415m dont le Squaw Pass où André Tignon fêtera son 1000 èmecol, Christine aura atteint les 100 cols qui lui permettent de s'inscrire au club du même nom.

Nous aurons à notre palmarès une quarantaine de cols au cours de ce voyage, après lequel il me reste 21 cols pour arriver à mon objectif de l'an 2000 : dépasser les 100 cols en un an.

Pierre VANDEWALLE N°4720

de TOURNAI (Belgique)


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