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Le Cyclogrimpisme au III ème millénaire

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Ce matin-là de 2022, Excel Dupont avait tout prévu dans sa petite tête de vieux routinier cyclogrimpeur...

Alors qu'il descendait dans l'ascenseur, un sac contenant son vélo à la main, l'ensemble de sa journée à venir trottinait déjà dans sa tête.

Il déposa le sac à l'arrière de la petite voiture électrique qui le conduirait à la sortie de la ville, vérifia une dernière fois qu'il disposait de tout le matériel nécessaire pour l'ascension du jour et s'attela à rejoindre le plus rapidement possible le parking suburbain n° 24 où était stationnée sa voiture de tourisme.

Dès son arrivée, il transféra tout ce dont il avait besoin dans son véhicule personnel et rejoignit en dix minutes à peine, la gare TGV la plus proche. Là, il emprunta la bande d'entrée n° 4 où son véhicule prit de plus en plus de vitesse afin de s'intégrer sans problèmes dans le premier TGV passant sur les rails annexés à cette bande.

La Haute Savoie serait à lui dans un peu plus de deux heures. Tranquille, il s'endormit rapidement. Le tintamarre du klaxon de la gare de Chamonix lui fit office de DVD-radio clock et il extirpa rapidement son véhicule dans la bande de sortie n° 2 où celui-ci fut peu à peu freiné.

C'était enfin l'heure du sportif : il lui fallait trouver à tout prix le pied de l'ascension du tout nouveau col revêtu du Mont Blanc, devenu le plus haut col d'Europe avec ses 4693 mètres d'altitude.
Il ouvrit son cartographe GPS, glissé dans le tableau de bord, encoda le nom du col et aussitôt apparut la carte régionale, munie d'une flêche blanche signalant l'endroit où il se trouvait et une flêche rouge stipulant l'endroit qu'il devait rejoindre. Le trajet fut tracé tout de go !

Le pied du col atteint, il déballa ses sacs et bagages et entreprit le démontage rapide de son voyageur à pédales. Quand celui-ci fut prêt, il enfuit dans ses poches arrières, les pastilles de sels minéraux et les barres lipido-glucidiques des bons cyclos, vérifia le fonctionnement de sa chère bicyclette et démarra.

Il appuya aussitôt sur le petit bouton légèrement excroissant de sa guidoline et son mini compteur-ordinateur apparut à l'intérieur du guidon sous une vitre imperméable. Il se brancha sur Internet et écrivit l'adresse e-mail du site européen du cyclogrimpisme. Il surfa quelque peu avant d'atteindre les données graphiques du col du Mont Blanc qu'une pancarte, juste devant lui maintenant, indiquait à une distance de 54 kilomètres.

Il relia son compteur au graphique afin de voir apparaître tous les 100 mètres le pourcentage hectométrique moyen qui l'attendait dans la fournaise de l'ascension, le solde du kilométrage à parcourir et l'état de la route à venir.

Pour le reste, rien n'était jamais acquis. Comme toujours, en vélo! Il lui fallait pédaler avec ardeur, avec passion et cette volonté hors du commun qui fait le "Cent Cols". Un col restera toujours un col à travers les siècles.
De lacets en lacets, il finit par atteindre son record actuel d'altitude européenne. Et il se souvint. Trente ans plus tôt, au mythique Pico Veleta de Grenade dans la Serra Nevada espagnole, il avait franchi la barrière des 3000 m. Aujourd'hui, c'était encore 1000 m plus haut !

La route, attaquée par les Névés, bien que constamment chauffée par en dessous, présentait de fréquentes ornières et un pourcentage frôlant sans cesse les 10 % comme pour atteindre plus rapidement le point de col.

Plus de 4000 m d'altitude ! Un rapide appel vers la météo nationale lui indiqua dans le coin supérieur droit de son écran qu'il pouvait être rassuré. Aucun indice de mauvais temps sur cette route dans les prochaines heures ! Toutefois, la nuit : cela pourrait se gâter ! Il ne faudra pas traîner là-haut !

Soudain, l'hôtel "Au paradis du Mont Blanc" lui apparut, magnifiquement intégré dans le paysage blanchâtre environnant, dont la luminosité restera à jamais gravée dans sa mémoire de cyclogrimpeur.

La récompense avait toujours été au bout des efforts de sa vie. Le vélo en montagne ne l'avait jamais trompé et si tous les accessoires avaient été complètement transformés par les technologies modernes, l'énergie réclamée pour se hisser en haut d'un col était toujours la même depuis plus d'un siècle.

Ivre de bonheur, après avoir récupéré quelque peu, il se dirigea vers l'appareil "Cyclomat-Mister Col" où il glissa sa carte magnétique de membre cyclogrimpeur. L'écran afficha que son ascension avait bien été acceptée. En demandant ses classements instantanés, il constata qu'il était devenu 1456 ème au Club des Cent Cols et BIG6 au Brevet International du Grimpeur. Et cela le rendit fier !

Il ne tarda pas trop dans ce haut lieu car la température devenait fort basse. Il glissa sous sa vareuse le fameux T-shirt thermo-pompe qui lui assurerait une descente bien au chaud. Il s'assura aussi que ses air-bags cyclos latéraux étaient bien branchés dans le cas où la fatigue aidant, il raterait l'un ou l'autre virage de cette interminable descente.

Heureusement, cela n'arriva point. Il réintégra son véhicule, puis le TGV du chemin du retour et enfin, sa voiture électrique là où il l'avait laissée ce matin.

Le soir venu, dans son appartement, il rentra doucement. Son petit garçon l'attendait devant sa play-station. Des images synthétiques le promenaient depuis longtemps dans un dédale de rues macabres où des monstres s'entretuaient.

Son papa le prit dans ses bras et les yeux de l'enfant s'illuminèrent. Après avoir tous les deux utilisé la technologie moderne, Excel lui raconta le reste : tout ce qui n'a pas été dit dans cet article et qui forme le mystère magique des ascensions en vélo. Les yeux émerveillés, son enfant plongea avec lui dans le Royaume du Rêve...

La passion du cyclisme en montagne était en train de gagner une nouvelle génération...

Daniel GOBERT N°2632

de BELGRADE (Belgique)


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