Page 04 Sommaire de la revue N° 29 Page 06

La quarantaine volage...

Revue N° 29 Page 05

Ma draisienne n'a pas la ligne mannequin. Avec trois roues et 17 kg bien tassés sur la balance (et encore toute nue !), elle ne fait pas le poids à côté des fringants coursiers d'aujourd'hui. Et pourtant, je l'aime, euh !... je l'aimais.

Six ans de vie commune peuvent se résumer en quelques chiffres, somme toute, éloquents : Nous avons parcouru ensemble 53 000 km. 221 km était notre plus longue sortie sur la journée (moyenne : 15,6). Pour ce qui est de la vitesse de pointe, son poids était plutôt un avantage (80,2 km/h). Nos meilleures moyennes oscillaient sur parcours vallonné entre 19 et 22 km/h sur 60 à 100 km. Nous nous sommes hissés jusqu'au sommet de 140 cols (malheureusement en Bavière, les cols ne pullulent pas) et les pourcentages à deux chiffres (19 % maxi) ne nous faisaient pas peur, pourvu que nous allions à notre rythme (5, 4, 3 et même parfois, nous l'avouons, 2,5 km/h). Notre col le plus élevé (un autrichien) culminait à 1900 mètres et le plus dur (un allemand) grimpait à 16 % sans répit pendant quatre kilomètres.

Pour vous permettre d'apprécier ces chiffres, il nous faut les remettre dans leur vrai contexte. Je suis handicapé physique, souffre d'une paralysie incomplète de mes jambes, mais complète de ma vessie et des derniers dix centimètres de mon intestin. Ma draisienne n'est autre qu'un cycle à bras, sorte de vélo couché avec pédalier ''devant le nez'' et des développements adaptés à la masse musculaire plus réduite des membres supérieurs (24-34-40 / 12 à 32). Et là réside la pomme de discorde.
Je vous le dis sans ambages, nous sommes à deux doigts du divorce ? D'ailleurs, vous l'aurez remarqué, j'ai relaté ces six années de vie commune au passé, comme si... je n'y croyais déjà plus. En effet, malgré les séances quasi quotidiennes d'élongation de la musculature sollicitée par le pédalage avec les bras, le constat est incontournable : même en les ménageant, ceux-ci ne sont pas faits pour supporter sans dommage de tels efforts répétés de longues années durant. Je commence à en faire l'amère expérience.

Ma chance se trouve inscrite dans le préfixe ''IN'' du mot ''incomplet''. Mes genoux étant intacts, ainsi que les extenseurs de mes cuisses, il est raisonnable de penser, qu'une fois les pieds calés avec leurs attelles dans les pédales modernes, je puisse re-pédaler avec mes membres inférieurs. Dans ce cas, je me verrais bien ''cycloter'' sur un vélo couché (un vélo classique n'est pas envisageable du fait de l'atrophie complète de mes fesses)...

Oui, le voilà, l'objet de mon inconstance ! Alors, chimère ou futur proche ?
En tout cas, lorsque vous lirez ces lignes, le rêve sera envolé ou... en vélo.

François MIROUX N°4900

de KAUFBEUREN (Allemagne)


Page 04 Sommaire de la revue N° 29 Page 06