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De plus en plus haut !

Revue N° 26 Page 57

La loi des Quatre ans. Pour ceux qui aiment le vélo, il ne faut pas chercher des buts pour continuer à pédaler, la sensation de liberté, l'air frais et la fatigue sont suffisants...

Malgré cela un peu d'humour m'aide en faisant ma collection de cols : "de plus en plus haut !" Le sens est bien clair. Pour ce qui concerne le nombre de cols, il est nécessaire d'effectuer des petits voyages afin de trouver de nouvelles routes, mais pour ce qui concerne l'altitude, le problème devient crucial. Après le Stelvio (2758m) en Italie, la Bonette (2802m) * en France, et malgré que j'avais gravi la Veleta (2902m) en Espagne, je n'avais jamais dépassé les 3000m sur une route goudronnée. "La loi des quatre ans" veut dire que tous les quatre ans nous effectuons une randonnée remarquable de 2 ou 3 semaines de vélo dans une région du globe.

La loi des quatre ans est le résultat d'un très difficile jeu de funambulisme entre le coeur et la raison. L'un dit : "toutes les années", l'autre dit : "de temps en temps, l'année prochaine".. La guerre est dure parce que le coeur est seul. La raison au contraire a beaucoup d'alliés : l'argent, le boulot, la famille... Les désirs du coeur sont bien expliqués par l'épisode suivant : il y a quelques années, mon ami Enrico (Henri pour les français) et moi nous étions à la chasse en territoire français sur le col des Champs (2095m, l'altitude d'un col au dessus de 2000m doit toujours être indiquée, c'est un titre nobiliaire !). Nous fûmes étonnés de l'inscription sur le vélo d'un autre gaillard: "l'Errant". Quand on lui a fait remarquer le curieux nom du fabriquant il a répondu avec orgueil: "l' Errant, c'est moi !" Il a bien de la chance, lui!

C'est pour les deux lois sus-dites qu'après 20 ans de chasse aux cols en Europe, j'ai décidé de traverser l'Atlantique et de grimper sur les Montagnes Rocheuses aux Etats-Unis. Le "col" le plus haut a été la préparation du voyage à travers Internet, voyages sur les cartes, auberges, transport de vélos... hélas le transport ! Le vélo est un être vivant qui, comme son propriétaire aime les espaces ouverts. Quand on le chevauche, il est docile, il obéit aux ordres, il est un prolongement du corps. Mais quand il faut le transporter, il se rebelle, frappe partout et même quand on le démonte, il ne veut pas entrer dans la valise faite expressément pour lui. Quand finalement j'ai remonté mon vélo sur le territoire américain, la "descente" était déjà amorcée !...

La consultation des cartes était parfois excitante à cause des noms sauvages que je rencontrais: Beaver Lake, Bear Creek, Roaring River, Never Summer Mountain... Il a été difficile d'établir un parcours pour la simple raison que j'ai dû choisir, et choisir signifie exclure... On ne peut pas exclure un col! Un col est comme un fils ! M'a aidé et encouragé l'histoire des deux cent colistes qui sont allés dans les Montagnes Rocheuses : Madame et Monsieur Farcy de Lille (voir bulletin n°22 de 1994). Merci pour vos informations. A propos : "Avez-vous fait le retour vers le Colorado pour rencontrer l'ours brun "?
La troupe était formée par le soussigné, Enrico, sus-mentionné, Agostino et Nicolas (mon fils 15 ans). Les deux premiers sont d'anciennes connaissances, avec eux j'ai affronté différentes fatigues cyclistes. Nicolas je le connaissais comme fils, mais pas comme cycliste. Je l'avais initié au vélo, et avec lui j'avais fait quelques randonnées dans les dernières années mais j'avais des doutes sur sa résistance à cette altitude.

Agostino, le médecin de l'expédition était plus inquiet que moi ; Pourtant, toutes les fois qu'on a commencé à monter une rampe, Nicolas s'est échappé et je n'ai pu réduire les écarts qu'en évoquant des raisons de sécurité : "Va doucement, la route est longue, nous ne devons pas nous séparer..." Mais lui par contre... scélérat !

Après deux jours d'acclimatation bien nécessaires, nous avons rejoint le "Red Robin : Colorado bicycle tour". C'est une randonnée organisée annuellement par le "Make a wish fondation", une organisation dont le but est de soulager la douleur des enfants malades en phase terminale (adresse internet: www.cyclery.com/btc/itin). Ce fut une très belle expérience : organisateurs aimables et disponibles, aucune compétition et pas de chutes collectives, pourtant avec 900 participants...!

Je peux dire franchement que la beauté des Alpes, soit italiennes, soit françaises ou suisses n'a rien à envier à celle des Montagnes Rocheuses : c'est l'espace qui fait la différence (ce qui s'ajoute à l'altitude des cols bien sûr). Dans certains cas, on peut rouler pendant des kilomètres sur un plateau sans fin à une altitude supérieure à 3000m. Notre "petite boucle" a commencé et s'est terminée à Breckenbridge (140 km à l'ouest de Denver). Les lieux d'étape furent : Eagle Vail, Glenwood, Paonia, Gunnisson, Buena Vista. Les principaux cols gravis furent : Frémont: 3737m, Tennessee:3177m, Mac Clure: 2670m, Black Mesa: 2800m, Monarch: 3450m, Trout Creek: 2850m, Hoosier: 3518m.

Après le Red Robin Tour nous avons gravi pour notre compte le Squaw Pass et, grâce à l'acclimatation nous avons dépassé les 4000m. Il s'agit de la route goudronnée du Mont Evans (observatoire) altitude 4300m avec une dénivellation depuis Idaho Spring de 2000m. Au total nous avons parcouru 1200km.

Considérations finales : Même si cette année les deux lois (loi des "quatre ans" et "toujours plus haut") ont été respectées, l'avenir se présente difficilement surtout pour Nicolas qui, avec l'expérience des 4300m à l'âge de 15 ans, devrait, pour respecter la règle du "toujours plus haut" attendre que le col du Sud (8000m) entre l'Everest et le Lothse soit goudronné...!

Roberto ORECCHIA N°3601

de CHIAVARI (Italie)




* note: 2802m correspondent à la Cime de la Bonette, le col du même nom est à 2715 m.

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