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Les Gones inaugurent Lozanne-Lausanne.

Revue N° 24 Page 24

Foin de ruban tricolore, ciseaux et autres parlottes. Chez les cyclos-Gones, les inaugurations se font sur la bécane acque les guiboles et seule la trogne, dans les grimpées difficiles, prend des couleurs.

Devant "Les Moulins de Lozanne", nous sommes huit pédaleurs de charme et une pédaline à nous faire tirer le portrait afin de passer à la postérité. Trois fenottes et leurs galapiats suivent, ou précèdent, en carrioles à moteur acque les sacs et les cabas tout cafis de l'en-cas de 10 heures et du machon de midi (rosette, Jésus, salade de museau, cervelle de canut, etc... tout y est). Le temps est correct, sans plus. Pas vraiment chenu acque un soleil aussi rare qu'un pot de beaujolais sur la consulte d'un curiste de Charbonnières.

Il est huit plombes et demie lorsqu'on démarre pour Lausanne, en Suisse, à 270 bornes de là. Près d'Anse, Bernard, dit le jeune, détrancane sa selle. Aussitôt, Bernard, dit l'ancien, s'arrête pour l'aider à la rafistoler. Vu que ce sont deux costauds, nous, nous continuons tout doucettement jusqu'à Villars les Dombes où l'arrêt casse-croûte de 10 heures est prévu. Quand on arrive sur la grand-place du village, surprise ! Le couple des Bernard est déjà là. Tout seuls, sans carte, sans itinéraire, ils se sont perdus. Alors, ils ont rejoint Villars par des routes éloignées et ils ont dû faire rougir le 13 dents. Ils en ont plein les fumerons. Ca leur apprendra à ne pas lire le beau dépliant de la randonnée. Enfin réunis et rassurés, on se prend trente minutes pour faire taire notre estome et on repart, relax.

Première tamponette de la carte de route à Chalamont où les autos-tamponnantes de la vogue nous attirent bien un peu, mais on aperçoit déjà...les Monts du Bugey. On termine la traversée des Dombes en arrivant à Ambronay où la fontaine et sa pissette font l'admiration des touristes. Pourtant ça n'est que de l'eau, ce qui n'intéresse guère les vrais "Yonnais" que nous sommes. Dans ce coin, la circulation devient aussi bruyante et dangereuse qu'un bistenclaque de canut croix-roussien. On dégotte vers treize plombes, un coin pour le machon. Devant le cuchon de victuailles qui sort de nos glacières, on ne pense guère aux 50 kilomètres difficiles qui nous attendent.

Quel retour de trique l'après-midi, le ventre tout gonflé, dans l'ascension du col du Sappel ! C'est pire que la montée de la Grand-Côte, et ça dure 3 kilomètres. Bien qu'étant passés par la terrible vieille route du Cerdon, Georges, dit le Grimpeur ailé, et Jean-François dit le Colombien, nous font une démonstration d'escalade plus vite que la Ficelle de Saint-Just branchée sur du 380. Heureusement, Saint Silex veille. Le pneu de Christophe, dit l'Espoir, éclate à 100 mètres de la cime du Sappel. Ca nous permet, à cacabozon dans l'herbe, de reprendre nos esprits. Un peu requinqués, on passe au col suivant, Grappeloup, sous les ombrages. Ascension de deux nouveaux cols. Le second, le Bérentin nous permet de débarouder sur Saint-Germain-de-Joux par une route étroite, bosselée et gravillonnée qui vous sigogne les vélos en tous sens. Au passage, on zieute la nouvelle autoroute de Genève : un bel ouvrage suspendu avec ponts, goudrons et béton. Ca nous rappelle la sortie du tunnel de Fourvière à Perrache, en mieux.
Notre repos est prévu à Plagnes. La route qui y mène est un vrai Gourguillon de 2,5 km. Ca gongonne sec chez les cyclos quand nos quinquets aperçoivent cette côte hors itinéraire. On la monte tout de traviole. Suzanne dit la Pédaline, Jean-François dit Faites Place et Bernard, dit le Jeune, grimpent plus souvent à ripatons qu'en vélo. Heureusement, en haut, au village c'est la vogue et son guinche. Avec Jean du Midi, nous allons au pied humide du coin nous rincer le corgnolon pour compenser la suée qu'on a prise. Pas de grâton ou de matefaim dans ce pays mais un bon canon bien mérité. Les Fenottes et leur calèche se font attendre. Nos madelons nous prennent pour des guignols, râlent les cyclos-maris. Heureusement, la bringue du soir permet le rabibochage.

Le lendemain matin, en ouvrant les volets, la vue du brouillard et de la radée qui dégringole nous met le moral comme la bourse de Gnafron à la sortie du bistrot, au plus bas. Malgré le café chaud et les miches beurrées, on fait de ces gobilles au petit déjeuner!

A 8 heures, on part presqu'à borgnon, dans l'air chanin, acque les vaniotes d'hiver, ce qui nous empêche pas d'être tout benouillés après quelques kilomètres. Pourtant pas question de grolasser. On pédale ferme à travers les plus chenus paysages de la Randonnée qu'hélas, on n'espanche guère avec toute cette lavasse qui tombe des cieux. Cependant, à cha peu, on progresse. Saint Claude puis Morez sont traversées. Dans les poches des maillots, tout est petafiné. Vers midi la faim nous tenaille. Par chance on découvre un tabagnon de montagne pour le casse-croûte. Le patron, une espèce de caquenanô, ronchonne à la vue de nos Opinels qui pourraient esquinter ses tables. Pour le faire bisquer, on lui laisse suffisamment d'équevilles pour remplir deux grands bagnons. Dehors il pleuvine bien moins. On grimpe la route forestière jusqu'au Chalet du Ministre et l'on plonge sur la frontière. On est tellement peu ragoûtant sur nos vélos tout gabouilleux que les douaniers nous regardent passer sans contrôle.

Le Marchairuz, dernier col de la ballade, fronce ses deux chevrons pendant trois kilomètres surtout. La Pédaline est cuite comme un marron de vogue automnale. Elle songe un moment à tout arrêter, mais la pluie l'ayant fait avant elle, on lui explique gentiment qu'en cas d'abandon elle recevra dix coups de tavelle en bois d'arbre, comme dit Gnafron. De cette manière on arrive tous au sommet puis à Lausanne, au bord du lac, après 50 kilomètres de descente rapide, sèche et quelques pistes cyclables aussi fréquentées que Saint-Jean un soir du 8 décembre.

Lorsqu'on stoppe au débarcadère d'Ouchy et comme de grands gognants on se fait à nouveau mettre dans le kodak devant le panneau de la ville. 270 bornes accomplies. L'an prochain, ce sera sans doute Thurins-Turin si Saint Plex, le dieu des cyclos, ne déraille pas jusque là.

Jean DEVILLE N°1714

VAUGNERAY (Rhône)


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