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En montant la Ramaz...

Revue N° 24 Page 22

6 heures, le bip du réveil retentit, le ciel est clair. Il n'y a pas de vent; il fait frais. Seules quelques silhouettes mal réveillées rôdent autour du bloc sanitaire. Le petit déjeuner copieux est rapidement avalé et nous nous mettons en route.

L'air est frais, les muscles répondent bien, la route s'élève, calme et sinueuse au milieu de petits villages savoyards en pleine mutation. Les fermes se transforment en résidences. De magnifiques chalets font face au lac Léman dans ce bel amphithéâtre naturel.

La route toujours calme et bien revêtue domine la profonde vallée de la Dranse. Le paysage est verdoyant et une multitude de hameaux parsèment les flancs des monts qui deviennent de plus en plus hauts. La pente est régulière, elle va nous permettre, après une halte ravitaillement à Bellevaux, d'atteindre sans difficulté le col de la Jambaz. La descente en forêt sur l'autre versant est très agréable.

Après Megevette, une route minuscule conduit de fermes en hameaux au milieu de vergers et de prés, découvrant un immense paysage de monts et de vallées. Nous rattrapons un groupe de jeunes en VTT qui se livrent dans une discipline relative sur cette petite route à une bonne partie de toboggan.

Voici Mesy. Là, les choses sérieuses vont commencer. En levant la tête, bien haut, nous reconnaissons la falaise de la Ramaz, les tunnels, la route... Le revêtement est bon, nous nous élevons régulièrement grâce aux larges boucles qui se dessinent au milieu des prés. Nous avons trouvé notre rythme, les muscles tournent à l'aise. Nous échangeons nos impressions sur ce paysage splendide et notre joie de nous retrouver en haute montagne. Très peu de voitures viennent troubler le calme de ces lieux, la végétation variée compose des cocktails de parfums très agréables.

Progressivement les lacets deviennent plus serrés, la pente s'accentue, nous entrons dans une zone boisée, nous apprécions l'ombre. Les pédales résistent de plus en plus malgré nos petits développements, chaque lacet nous élève sérieusement, il faut serrer le guidon. Les monts qui tout à l'heure nous dominaient, sont maintenant à notre hauteur. L'horizon devient de plus en plus vaste, laissant voir une multitude de sommets enneigés parmi lesquels nous reconnaissons le Mont Blanc. Nous voici dans la falaise, le soleil nous brûle, la route se dresse devant nous, l'effort est intense.

Un taon qui me pique m'oblige à lâcher un instant le guidon, la sueur coule et pique les yeux. Colette est toujours dans ma roue. Plus un mot, nous avons besoin de toute notre énergie, il est inutile de communiquer car nous savons que nous éprouvons les mêmes sensations. Une buse crie au-dessus de moi, elle monte aussi, mais sans aucun effort car elle sait utiliser les ascendances, elle !!

Les muscles de mes cuisses sont tendus au maximum, j'ai l'impression qu'ils vont claquer. Les galeries pare-avalanches apportent un peu de fraîcheur dans cette étuve.
La progression est lente, le coeur reste régulier, le souffle s'est un peu accéléré mais maintenant la tension musculaire devient douloureuse. Chaque tour de pédale nécessite un effort de volonté, il ne faut pas s' arrêter sinon nous ne repartirions pas.

Le goulet terminal apparaît: encore 50m... 40m... 30m... La soif empâte ma bouche mais il n'est pas question d'attraper le bidon et la faim commence à faire souffrir mon estomac. Colette, dans ma roue, est toujours silencieuse. Le paysage est grandiose, nous sommes suspendus, seulement séparés du vide par un ridicule petit muret, au pied de notre falaise surchauffée. Enfin le goulet, il est interminable, ses 200 m se dressent devant-nous, j'ai envie de mettre pied à terre, ce serait ridicule, si près du but alors je fixe une marque rouge dans la roche, là où la pente semble devenir moins inhumaine. Chaque tour de pédale m'en rapproche au prix d'un effort qui me parait de plus en plus violent.

Ca y est ! Nous avons atteint le replat, la descente de nos machines est douloureuse, nous avalons le contenu de notre bidon, qui même tiède, nous parait excellent.

Il nous faut repartir avant que la fringale ne fasse son effet, il est midi trente et il reste la grande boucle dans l'alpage à escalader. Malgré une bonne pente, tout nous semble plus facile et nous terminons notre ascension dans un air plus frais et vivifiant.

L'arrivée au sommet du col de la Ramaz 1557 mètres est féerique, quelle récompense ! Tout le massif du Mont-Blanc avec ses sommets prestigieux étincelle au soleil devant nos yeux. A nos pieds, la station de Praz de Lys est blottie dans un amphithéâtre de prés bien verts. Un bouquet de sapins et un tapis de mousse vont nous offrir un lieu de pique-nique rêvé.

Après ce moment de récupération, nous descendons à la station de Praz de Lys faire tamponner ce B.P.F. si durement gagné. C'est le désert, les immeubles ont mal vieilli. Quel gâchis dans cette nature si magnifique !

Nous repassons le col pour nous lancer dans la descente d'abord vertigineuse puis grisante avec sa succession de lacets sous le ciel toujours bleu, constellé des voiles multicolores des parapentes.

A Mieussy et à Saint-Jeoire (588m), la chaleur est étouffante. Heureusement, après un petit casse-croûte, nous allons remonter le col de la Jambaz. Dans la fraicheur des profondes gorges du Risse et de la forêt, nous avons retrouvé miraculeusement notre cadence et la randonnée est agréable. Après le passage de la Jambaz, nous nous élançons dans la longue descente sur le Léman, très agréable.

Nos compteurs afficheront à l'arrivée 133 kilomètres. Nous jurons que plus jamais nous ne remonterons la Ramaz, mais je crois bien qu'il y a dix ans nous avions déjà pris cette décision !

Michel ALLARD N°3692

CHATELLERAULT (Vienne)


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