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A LA MANIERE DE GEORGES PEREC (Si c'est possible !)

Revue N° 19 Page 08

Je me souviens avoir découvert le Club des Cent Cols par un dossier paru dans une revue "Cyclotourisme" qu'un ami m'avait prêtée en avril 1988 et avoir tout de suite été séduit.

Je me souviens m'être souvenu à cette occasion que l'ami Hubert m'avait déjà parlé de ce club quelques mois plus tôt alors que j'envisageais de "faire de la bicyclette".

Je me souviens de mon premier col (Col de France, 371 m, Ain, 10 juin 1988) et de mon dernier (Col de l'Epine, 470m, Ardèche, c'était hier).

Je me souviens n'avoir pendant longtemps pas su quel était mon centième col, certains des cols que j'avais franchis étant en cours d'homologation.

Je me souviens que mon quatre-vingt-dix neuvième col est actuellement le col de Grosse Pierre (Vosges) et que j'ai pensé, en le gravissant, à mon ami Alain, propriétaire de la Grosse Pierre (Chiroubles), qui préfère faire la marmotte que le B.R.A.

Je me souviens avoir fait un petit crochet pour glaner deux cols supplémentaires lors du rallye du Beaujolais 88 (2.000 participants) et être revenu sur le circuit principal pour me retrouver bon dernier et gravir les cols du Joncin et du Chatoux en solitaire, avant de rentrer sous des trombes d'eau.

Je me souviens aussi d'une fructueuse randonnée de 20 cols en 200 Km dans ce même Beaujolais en 89, randonnée abandonnée au bout de vingt kilomètres et zéro col, toujours sous des trombes d'eau.

Je me souviens qu'il a plu aussi au sommet du Granon et que j'ai bu mon Coca avant qu'Hubert riait eu le temps de décapsuler le sien.

Je me souviens qu'il a plu aussi au sommet de la Croix de Fer lors du B.R.A. alors que l'on avait cru mourir de chaleur en bas.

Je me souviens être passé à 300 mètres du Glandon sans y monter et sans le regretter puisque je sais qu'il m'attend là-haut.

Je me souviens avoir mis une heure pour pousser mon vélo dans les deux derniers kilomètres du Cormet de Roselend recouverts par les congères de neige à la mi-mai 89.

Mais je me souviens aussi du soleil au Col de Conchis (Ardèche), et au Pas de l'Echine, et au col du Fréjus, et à tous les autres.

Je me souviens être tombé en glissant sur du verglas dans la descente du Col (du Calvaire) de Portes, 1010 m, Ain, en décembre 88 et avoir compris à cette occasion pourquoi les cyclos faisaient moins de vélo en montagne pendant l'hiver.

Je me souviens du Col de l'Arénier (quel drôle de nom pour un col, pourquoi pas libellule ou parpaillon...) et de la bergère rencontrée là (70 ans bien sonnés) qui m'avait dit que son plus grand voyage avait été lors de son mariage pour aller "de là" (montrant un versant du col) "à là" (montrant l'autre versant).

Je me souviens avoir gravi trois cols ardéchois lors de mon enfance, cols que je n'ai pas avoués à Henri Dusseau.

Je me souviens avoir fait le projet de franchir tous les cols de l'Homme Mort et que mon épouse m'avait dit que ce nom devait venir du fait que les gens faisaient leur infarctus au sommet des cols.

Je me souviens que j'ai déménagé de l'Ain sans avoir pu finir de franchir tous ses cols mais je ne me souviens plus s'il m'en reste trois ou quatre.

Je me souviens que quand je suis arrivé à Aubenas il y a six mois, il y avait trente cols que je n'avais pas franchis dans un rayon de vingt kilomètres, et je me souviens que je me demande parfois s'il ne faudra pas que je déménage...
Je me souviens être resté longuement assis deux kilomètres en-dessous du col du Coq en me demandant si j'allais pouvoir rentrer à Grenoble, et je me souviens avoir écumé le soir même les restaurants de la ville à la recherche d'un coq au vin pour pouvoir dire, comme Pierre Desproges, "ça fait un partout".

Je me souviens avoir pensé lors d'une randonnée dans les Vosges que j'avais passé deux cols de Porte, un col du Plafond, que je franchirais certainement un jour le col de la Fenêtre et que ce serait sympa de poursuivre la liste par les toilettes et la salle de bain...

Je me souviens des courriers échangés avec René Poty où j'ergotais pour quelques millimètres sur une carte Michelin et où nous discutions des mérites comparés du col de l'Eyrolle (07.30, 548m, devenu 07.34a, 595m en 89, redevenu 07.30, 548m en 90) et du col d'Eyrole (07.40a, 615m).

Je me souviens que mon troisième col est à plus de 1000 mètres (Mézilhac, 1110m, Ardèche), et qu'aujourd'hui je ne me lancerais pas dans une telle randonnée avec aussi peu d'entraînement.

Je me souviens de l'Arpettaz et du Berthiand, de la Fayolle et de la Croix de Bauzon et de quelques autres où je me suis arrêté.

Je ne me souviens pas avec précision de tous mes cols et pourtant je n'en ai guère plus de cent.

Je ne souviens qu'une de mes deux seules crevaisons en 89 a eu lieu dans le Grand Pertuis (01.29a, 1096m, "R1").

Je me souviens d'avoir grimpé l'Iseran en 32x24 et en avoir été très fier.

Je ne souviens pas m'être adonné avec autant de passion à un autre loisir que la chasse aux cols.

Je me souviens avoir remarqué que le plus quelconque des pâtés commerciaux prenait une autre saveur au-dessus de 2000 mètres.

Je me souviens de ma joie à la découverte sur une carte d'un "col" non répertorié sur le Chauvot (Pas de l'Yeuse, 07.0-a, 230m).

Je me souviens de l'orage de grêle lors de la randonnée sur la ligne des crêtes de Sestrières et du paysage lunaire que cela avait donné.

Je me souviens de la cyclote qui m'a demandé si je trouvais son vélo joli alors que je le contemplais longuement sans le voir au sommet du Grand Colombier lors du B.C.M.F. 89.

Je me souviens lui avoir répondu que je ferais la même tête s'il y avait une locomotive à la place de son engin.

Je me souviens lui avoir lancé, alors que tout ragaillardi je la doublais dans la descente, "qu’elle avait tout de même un beau vélo" et je me souviens de son éclat de rire.

Je me souviens avoir vu beaucoup de motards cet été au sommet des cols alpins revêtus ou non.

Je me souviens de mes Galibier (qui ne se souvient pas de son Galibier ?) et d'avoir eu envie de me souvenir de chaque mètre de ces ascensions.

Je me souviens m'y être repris à trois fois pour pouvoir passer le Golet du Géla (01.2, 356m) avec à chaque fois plusieurs dizaines de kilomètres en voiture.

Je me souviens toujours avec émossion que la Drôme, département voisin, compte plus de cinq cent cols et que je n'en ai gravi que deux.

Je me souviens de tous les cols que j'ai envie de franchir.

Bernard Pommel N°3094


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