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Mon club des 100 cols

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Voici 3 ans, je découvrais le cyclisme en haute montagne, en même temps que la montagne elle-même... Est-il utile de vous préciser que depuis lors, j'en suis devenu un inconditionnel à tel point que mes amis stavelotains m'ont affublé du sobriquet "Monstre de la montagne" !

Il y avait bien des années que je rêvais de cette forme de cyclisme mais les circonstances ont fait que je n'ai pu le pratiquer auparavant. Le déclic s'est opéré grâce à un ami, randonneur de haute montagne depuis des années, nonobstant ses... 98 kgs ! Les nombreux récits passionnés de ses randonnées et de ses escalades ont tant fait que je fus moi-même atteint du même virus.

C'est ainsi qu'en début août 1982, au départ de Bagnères de Bigorre, via Argelès, j'escaladais mon premier col : le Soulor, suivi immédiatement dans la même étape par l'escalade de l'Aubisque. Ce fut le coup de foudre C'est ainsi qu'après Soulor et Aubisque, bien d'autres cols ou sommets se sont succédés (certains sommets, même s'ils ne peuvent être comptabilisés pour le Club des 100 Cols, ne peuvent laisser indifférent...).

Mon plus beau souvenir, à ce jour, est ma participation au 19ème Rallye du Parpaillon le 19.08.84, jour de mes 33 ans. C'est alors que j'ai réellement pris conscience de mes qualités de grimpeur. Ce qui importe est l'extrême satisfaction de l'effort accompli et de la journée pour toujours gravée en ma mémoire. Il me faut souligner que nonobstant les conseils prodigués, j'ai effectué ce Rallye, digne de légende, avec une Petite Reine équipée de... boyaux. Et pourtant, pas la moindre crevaison !

Si je devais expliquer "pourquoi je monte", je paraphraserais Michel Sébastien (sommets pyrénéens, Denoël 1983). Je monte parce que j'aime la Petite Reine, l'effort, le dépassement de soi et surtout parce qu'il y a la montagne qui ne peut laisser l'âme humaine insensible. Monter, c'est être curieux, aller voir ce qu'il y a de l'autre côté. Grimper, c'est jouer avec ses muscles et son corps, c'est se dépasser. C'est aussi goûter au beau et au bon. Bref, monter c'est atteindre le carrefour d'un ensemble de plaisirs divers et variés : la curiosité, la fête du corps, la joie esthétique, le dépassement et la recherche de soi. Tous ces plaisirs diffus s'entremêlent en montagne et constituent le pain du randonneur.
Je monte aussi parce que le vélo en montagne donne le plaisir des sens. En voiture, vous n'avez que l'image ; pas n'importe laquelle : une image trop rapide, un peu comme un film muet du début du siècle. A vélo, vous avez une image nette, parfaite par rapport à l'autre. En plus de l'image, vous avez le son et les odeurs. L'oreille écoute le cliquetis du riou et la chanson du vent. L'œil, émerveillé, découvre et apprécie les crêtes incomparables. Les parfums variés et diffus vous enivrent de joie...

Tous ces plaisirs sensuels sont simples et vrais. C'est toute cette simplicité qui justement donne sa dimension à l'effort consenti. La joie de l'effort est à lui-même sa propre récompense.

Quelle grande joie, quel grand plaisir lorsque arrivé au sommet d'un col, je m'attarde durant quelques instants pour communier avec cette nature. J'entre pour quelques instants dans son intimité, celle peut-être de son Créateur. Ces moments de plénitude pour un temps que le sablier ne peut comptabiliser et que le papier-monnaie ne peut permettre d'acquérir sont sains et gratuits. Ils touchent à celui du Grand Lama au bord du Nirvanha...

Mon rêve, c'est de bientôt pouvoir partir en montagne avec mes trois fils, âgés actuellement respectivement de 10, 6 et 5 ans...
Vous comprendrez aisément que le temps consacré au vélo en montagne est des plus limité. Pour ces raisons, j'avoue être fier de pouvoir actuellement me joindre à la grande confrérie du Club des 100 Cols au sein duquel j'ose espérer que vous voudrez bien me compter à l'avenir.

Pierre SCHILLEWAERT

Belgique - Stavelot


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