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Un inédit cycliste

Revue N° 14 Page 18a

Le Professeur Jean Bécane, de l'Université de SaintJean-du-Gard, vient de découvrir un manuscrit d'une importance capitale, qui bouleverse toutes nos connaissances sur l'histoire de la bicyclette. Il ne fait aucun doute maintenant que la draisienne existait avant le baron Drais puisque le poète français Villon pratiquait déjà le vélo au XVème siècle. C'est une preuve irréfutable que cette Ballade du Portet d'Aspet, calligraphiée (sans doute par le poète lui-même) et, à l'évidence, un des chefs d'oeuvre du célèbre escholier. Avec une grande simplicité, Villon nous dit ses limites de grimpeur : il n'a jamais fait souffrir Eddy (est-ce le même qu'un certain Merckx ?) dans le col de Jalcreste (ce qui montre qu'il vint pratiquer le cyclisme dans les Cévennes) ; il était même moins bon que Zaaf, que Petit-Breton ; il était évidemment inférieur à Bartali,Gaul, Anquetil (on remarquera que le I final ne devait pas se prononcer alors), qui furent sans doute ses compagnons de randonnées ; il nous dit même qu'un certain Quidam le battit un jour "aux bords de Neste", indication précieuse et qui nous révèle que Villon pratiqua également la bicyclette dans les Pyrénées.
Mais cette modestie du poète (égale à celle du Poupou dont il nous parle et que les historiens n'ont pu à ce jour identifier) s'efface ensuite devant son orgueil : il n'a certes vaincu aucun des inconnus que nous venons de citer, il n'a certes vaincu ni Coppi ni Bobet qui semblent avoir été de bons grimpeurs, mais il tire une grande fierté de sa victoire sur Petit Jacques au sommet du Portet d'Aspet. Qui était ce Petit Jacques ? Sans doute un grand champion puisque le poète proclame dans chaque strophe de sa ballade sa joie de l'avoir vaincu (de manière "honneste" dit-il - le Professeur Jean Bécane pense que par cet adjectif, Villon veut dire qu'il n'a pas sucé les roues de son rival). En tout cas, Villon est assez fier de sa victoire pour penser que les poètes futurs la chanteraient plus que la Passion de Jésus, plus que la Quête du Graal. C'est dire que ce poème oblige la critique moderne à reconsidérer la connaissance que l'on avait à ce jour de Villon. Mon ami le Professeur Jean Bécane est formel : il pense même que le célèbre poète doit être désormais considéré comme le premier membre du Club des Cent Cols. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'il m'a confié l'original de cette admirable Ballade du Portet d'Aspet pour que j'en fasse don à la Revue du Club des Cent Cols, ce que je fais bien volontiers. Et, comme toujours, ad majorem cyclorum gloriam.

Pierre Abriquet, docteur ès-lettres.





N.B. Jean Bécane me suggère de donner le sens des quelques mots (le français du XVe siècle diffère un peu du nôtre) qui pourraient faire difficulté. Voici ce mini glossaire : oncques : jamais ; féal contreste : loyal combat ; faiste : faîte ; Evereste : il s'agit bien entendu de l'Everest, que Villon écrit avec un e final (cela montre que notre poète cycliste s'efforçait de collectionner des "plus de deux mille" !). On remarquera pour terminer que Villon omet le pronom sujet de la première personne et que son orthographe maintient des s où nous écrivons ê (ex : mesme pour même). - Par ailleurs, cette ballade peut se chanter sur l'air composé par Brassens pour la Ballade des Dames du Temps jadis du même François Villon.

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