Page 53 Sommaire de la revue N° 13 Page 57

Hong Kong - quelques cols chinois !

Revue N° 13 Page 56

Nous avons quitté hier la Chine populaire, en traversant, le vélo à la main, les couloirs compliqués du bâtiment des douanes. Après une nuit à Macao, les vélos soigneusement ficelés sur le pont de l'hydroglisseur croisaient leur première jonque, ce matin, en rade de Hong-Kong. Nous avons gagné l'hôtel, l'"Airport Méridien", en apprenant la conduite à gauche, les bus à impériale qui viennent tout droit de Londres, la couleur et le bruit des rues de cette fourmilière qui appartient encore à sa Gracieuse Majesté jusqu'en 1997. Ensuite les cols de Hong-Kong deviendront des cols... Mao, si du moins le Grand Timonier n'est pas totalement oublié à cette date.

Car des cols, il y en a, à Hong-Kong. La carte au 1:25000e que l'on achète à l'office du tourisme, à la sortie du "Starferry" n'a rien à envier à nos cartes IGN, agréable à lire et précise. Nous braverons donc la circulation infernale du centre ville pour sacrifier à notre passion collectionneuse.

15 Janvier - Nous quittons l'hôtel pour le trafic dense et bruyant de Prince Edward road qui longe l'aéroport. La route est à 3 voies et nous rasons soigneusement le trottoir de gauche, en surveillant les bus qui se succèdent. Quelle joie ! La montée vers les hauteurs des "nouveaux territoires" commence juste après l'échangeur, entre des HLM immenses, piqués sur le flanc de la montagne.

Nous peinons dans la longue côte, alors que les Chinois, peu habitués à voir des étrangers sur des vélos ici, nous dévisagent sans sympathie. Un premier col : Cha Liu Au vers 160 mètres et la route plus calme de Clear Water Bay, qui suit les crêtes, jusqu'a un petit parc national qui termine la presqu'île. A notre gauche, les célèbres studios de Hong-Kong où les séries historiques "Kung Fu" se tournent par centaines... La route monte, descend, remonte, comme toutes les routes des crêtes. La ville est loin et a laissé la place aux splendides villas et aux broussailles qui mènent à la mer, cent mètres plus bas. C'est un peu Collioure ou la Corse du Sud. Seuls quelques arbustes tropicaux nous situent sur le globe.

Au quinzième kilomètre, voici Tai Au Mun, un deuxième col. La "baie de l'eau claire" est devant nous. Des fragments de plage et ce curieux bus anglais qui fait si anachronique sur cette route de corniche. Tai Miu Au, dernier col de la route, face à une île rocailleuse : Tung Lung Chau. Pour aller plus loin, nous passons une espèce de porte sans trop nous soucier des gesticulations d'un automobiliste arrêté sur le bord. Nous n'avons pas fait cinq cent mètres qu'un camion venant à notre rencontre nous rappelle à l'ordre fermement : les talkie-walkies ont fait leur travail et on ne plaisante pas avec les voies privées, ici.

Retour au nord. Nous refaisons une partie de la route inverse et plongeons rapidement vers Sai Kung. Le port de pêche est pittoresque, avec ses jonques à moteur entassées en longues rangées. Pour quelques dollars et avec un long marchandage, on peut faire un tour du port sur un petit sampan piloté par une chinoise au chapeau traditionnel. Nous flânons un peu dans le marché aux poissons, animé, grouillant de monde qui nous bouscule à tout instant. Dans de grandes bassines en plastique, des huîtres géantes, des serpents de mer, des crabes colorés, des coquillages. A la sortie, un petit temple consacré aux déesses de la mer.
Après un achat de rafraîchissements (les délicieux jus de fleurs de chrysanthèmes !), nous reprenons la route du bord de mer, vers le parc et le réservoir de "High Island". Les bords de la route sont équipés de petites aires de pique-nique et de barbecues de plein air. En ce dimanche après-midi, ils sont tous pris d'assaut par des jeunes, des familles qui déjeunent de brochettes. La route continue à serpenter sous les arbres et devient finalement interdite aux voitures en entrant dans le parc naturel de Sai Kung. Nous accédons aux bords du High Island Réservoir, au milieu des marcheurs. Deux barrages de quelques centaines de mètres de long ont délimité cet immense plan d'eau, entre l'île de Leung Shuen et le continent. A 70 mètres au-dessus du niveau de la mer, rempli par les pluies diluviennes de la mousson, il lutte contre le manque d'eau de Hong-Kong : 5 millions d'habitants et pas une source ! La promenade est splendide, entre ces barrages où les 8 km2 du lac surplombent la mer, en admirant les découpures compliquées de la côte basaltique.

Retour encore, vers Sai Kung, puis enfin un col sérieux avec le Tai Lo Au. Le pourcentage est respectable, et au-dessus de 300 mètres d'altitude, nous voilà seuls sur une route minuscule qui domine la mer de très loin. La végétation est plus dense, luxuriante. A 520 mètres d'altitude, nous voici sur Tung Shan Le soleil se couche sur Kowloon et Hong-Kong et des centaines de gratte-ciel se découpent en contre-jour sur la mer, en dessous de nous. La piste de l'aéroport s'avance comme un doigt dans la baie et nous distinguons à peine les avions, minuscules jouets qui atterrissent toutes les trois minutes, frôlant les toits. Nous paressons longuement, perchés au-dessus de l'une des villes les plus folles du monde, très irréelle en contre-bas de ses pics désertiques.

Nous descendons - Tiu Tso Ngam, Sha Tin Pass, tous freins serrés car la route est vertigineuse et étroite. Un bidonville peu attrayant et nous descendons toujours, maintenant au niveau des toits des gratte-ciel d'habitations. Les derniers kilomètres sont bien à 20%, avant de retrouver la circulation, les longs bambous horizontaux à chaque fenêtre sur lesquels sèche le linge, les enseignes lumineuses. Un décèle de rues commerçantes et nous rentrons dans l'hôtel, après avoir effleuré la célèbre Kowloon City, le repère des truands évoqué par les bouquins d'espionnage, qui se rétrécit comme une peau de chagrin sous les coups des bulldozers. Demain, se sera l'emballage des vélos, et l'avion du retour. Pourquoi faut-il que se terminent les vacances ?

Joëlle et Philippe GIRAUDIN

Paris (75)


Page 53 Sommaire de la revue N° 13 Page 57