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L'éphémère et l'éternel

Revue N° 13 Page 52

«Je cherche en même temps l'éphémère et l'éternel» c'est de G. Pérec récemment décédé... Et je te cherche, Eve, de Sens, de Sète, de Brest, d'Eze, très belle femme entre les femmes, mère créée et recréée, fête céleste de l'été mêlée de rêve et de réel... L'avez vous remarqué ? Tout ceci n'est écrit qu'avec une seule voyelle : le «e» ! C'est à cela que je m'amusais tout en pédalant vers les sommets après avoir quitté les jardins d'oliviers… Qu'est-ce que le temps ? Le temps d'une grimpée ou d'une vie : une poussière d'éternité... Dans le bal des planètes qui se courent après comme des cyclistes sur un vélodrome, ça s'appelle une syzygie... Et qu'est-ce que le temps historique ? Nous avons la chance ici d'être les descendants de l'homme de Grimaldi et de la femme du Vallonnet de Roquebrune Cap Martin : ils ne se sont probablement jamais connus parce qu'il n'y avait alors ni route du bord de mer ni nationale 7, ni autoroute... Seulement le Pas de la Mort qui devait être à cette époque barbare antérieure à la civilisation des barbelés et des CRS le Pas de la Vie... Ils ne se sont jamais connus parce que l'homme de Grimaldi, qui est une femme d'ailleurs, vivait il y a 20 000 ans et que la femme du Vallonnet exhibait déjà ses seins nus sur nos rivage_ il y a 1 000 000 d'années... Chiffres avancés par le CNRS !

C'est précisément cette femme du Vallonnet qu'Alain Decaux a choisie pour commencer son histoire des Françaises... Il en a eu de la chance Alain Decaux de pouvoir visiter les grottes du Vallonnet... Pas facile à trouver, j'ai fouillé longtemps avant de ne pouvoir que les approcher et je n'ai trouvé précisément qu'un panneau tout rouillé indiquant que ce lieu est placé sous la protection de la gendarmerie nationale et qu'il est interdit de fouiller ! Suivant des articles du règlement avec les sanctions prévues pour les contrevenants... Avec les dévaluations les amendes finiront par ne plus être très onéreuses, mais les peines de prison ne peuvent pas espérer être raccourcies encore que selon le calendrier de référence les mois et les années puissent ne pas avoir la même durée : l'année musulmane est plus courte, c'est bon à savoir, nous sommes en 1402, les Hébreux sont en 5742, les chrétiens en 1982 et encore ça dépend du rite, les républicains sont en 190... Et les Perses ? et les Egyptiens ? et les Bouddhistes ? et les Chinois ?... Et moi, et moi, et moi ? en 49 ! Et en ce mois de Germinal ou d'avril selon d'autres, il m'a plu de tenir le pari que je m'étais fait à moi-même de faire le Pas de la Mort à Noël et.. Le Berceau pour Pâques ! C'est fait, pari tenu, voilà pourquoi ce lundi de Pâques 12 avril 1982 des Belges en vacances ont été bien étonnés d'apercevoir un cyclo entre l'Orméa et le Restaud sur la frontière italienne... Ce sera bientôt en Flandre et en Wallonie la dernière histoire française... Rien d'exceptionnel dans cette grimpée pas très raisonnable ni très rationnelle, pas très catholique non plus selon la plus pure orthodoxie cyclotouriste : chacun ses hérétiques... J'étais là entre le 43e et le 44e parallèle par 7° et quelques de longitude est par rapport au méridien international ou 5° et quelques par rapport au méridien de Paris.. Mon altimètre indiquait 1080 mètres et ma montre 9° ! Oui car elle donne aussi la température. Quant à l'heure ce n'était pas l'heure de colle infligée aux potaches ni l'heure payée au SMIC...
C'était l'heure de vérité, hors du temps chronométré des compétitions et du travail, l'heure exquise, l'heure du bonheur... Et je ne me prends pas pour autant pour un aigle ou tout autre rapace ou carnivore comme aiment à s'appeler la plupart des Cyclos : cannibale comme Merckx, blaireau de Bretagne, aigle de Tolède ou de l'Iseran, aiglons Niçois ou monégasques, taureau du Vaucluse ou du Tessin, sanglier des Ardennes, bête du Gévaudan ou louve du Morvan... Comme à l'habitude j'étais une simple petite fourmi, obstinément indépendante, un peu complexée de n'être pas coccinelle... Une fourmi joyeuse pour qui un coucou n'a cessé de chanter pendant plus d'une heure... Je n'étais pas hors du temps... A 13 heures, j'essayais d'écouter un bulletin d'informations sur mon mini transistor de 32 grammes... Je tombais sur une speakerine italienne d'une volubilité musicale comme j'aimerais pédaler…

Je l'imaginais comme un homme peut imaginer une femme, comme un cyclo peut imaginer une cyclote : bien roulée et bien roulante... N'est ce pas Jacqueline ?

Paul ANDRE

Menton (06)


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