Double-échec à Port-Cros

A la lecture de la revue N° 12 j'ai été fort amusé par un passage d'un article (*) où l'auteur décrit les difficultés qu'il a éprouvées pour franchir le Col des Quatre Chemins et le Col de port Man quelque part dans le maquis du Massif des Maures, non loin de la route des crêtes qui relie Bormes-les-Mimosas au col du Canadel. Or il y avait belle lurette que j'avais repéré ces deux cols sur l'île de Port-Cros. Et à moins d'un mouvement géologique analogue à ceux qu'évoquait par ailleurs J.F. Mermet, je ne voyais pas comment ces 2 cols avaient pu quitter cette île pour la terre ferme de la forêt du Dom.

Il s'agit bien entendu d'une erreur, d'autant plus amusante qu'elle vient d'un appelé de la Marine Nationale et dont l'origine se trouve dans le guide Chauvot. En effet, ces deux cols y sont repérés aux numéros 83.6 et 83.7, avec les coordonnées suivantes : 3446 E 228(20) et 3446 E 236(17). Mais l'île de Port-Cros est en réalité à l'extérieur de la case 3446 E du quadrillage IGN, dans une case non numérotée et d'ailleurs à peine amorcée sur la carte N° 68 et qui pourrait logiquement porter le N° 3447 E. Ainsi notre jeune marié est bien passé aux points géographiques 3446 E 228(20) et 236(17) ou du moins à proximité immédiate mais il n'en a pas pour autant franchi le col des Quatre Chemins pas plus que le col de Port Man.

Pour ma part et après cette lecture, j'ai décidé d'y faire une tentative alors que je traînais du côté du Lavandou pour le week-end du 15 août. A cette date là, il était hors de question pour moi d'embarquer un vélo sur la vedette des Iles d'Or surchargée de touristes. Je comptais naïvement emprunter un vélo sur place, histoire d'épingler à mon palmarès ces deux cols, peu impressionnants au demeurant. Malheureusement je n'ai pu trouver aucun vélo sur l'île, pas même un mini-vélo et de plus j'ai appris qu'en raison du classement de l'île de Port-Cros comme parc national, la circulation y était réglementée et exclusivement réservée aux piétons. Faisant contre mauvaise fortune bon cœur je me suis résigné à les faire en courant. Le terrain s'y prête d'ailleurs admirablement bien avec un réseau de pistes forestières bien entretenues au milieu d'un paysage très boisé et très parfumé. J'ai donc gravi la seule portion de route goudronnée qui mène au col des Quatre Chemins, poussé jusqu'au Fortin de la Vigie pour bénéficier du coup d'œil tout en reprenant mon souffle puis, après le passage de Port Man, je suis descendu d'où j'ai gagné la Pointe de la Galère avant de revenir vers la plage du sud par le Vallon de la Solitude.

Ce fut un bel effort, entièrement gratuit de surcroît, puisqu'il ne me permet même pas d'accrocher les deux cols en question à ma liste. En tout cas, voilà bien un contre-exemple à opposer aux béotiens qui affirment que les cols peu élevés ne devraient pas compter en raison de leur trop grande facilité. Je prétends que le col des Quatre Chemins et le col de Port Man du haut de leur centaine de mètres d'altitude, sont bien plus difficiles à faire (à vélo) qu'un Galibier ou un Tourmalet. En effet il faut d'abord arriver à les situer sur la carte ce qui n'est pas évident même à l'aide du pourtant réputé guide Chauvot. Or tout le monde sait bien où est le Galibier. Ensuite lorsqu'on les a repérés, il faut passer clandestinement un vélo sur l'île de Port-Cros et là braver les règlements du Parc National. Alors que rien ni personne ne vous empêchera jamais de grimper le Tourmalet à vélo, sauf peut-être la caravane du Tour de France (et encore une caravane... ça passe).

Pour "vaincre" ces deux cols je ne vois qu'une manière : organiser discrètement, à la morte saison de préférence et à l'insu des autorités, un débarquement de vélos dans une petite crique bien abritée de l'île de Port-Cros. Et je me demande si l'organisation d'une telle opération ne pourrait pas être confiée par exemple à certain ancien de la Marine qui aurait là une occasion de se racheter !

(*) Calle pédale s'abstenir par P. Javal

Claude BENISTRAND

CLERMONT-FERRAND (63)