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Calle pédale s'abstenir

Revue N° 12 Page 10

Par ce titre, je ne veux pas séparer les cyclistes en classes distinctes. Je veux simplement dire qu'il est un domaine pour lequel les chaussures classiques sont préférables.

Depuis que la marine m'a appelé à Toulon, je ne connaissais que le soleil. En début de mois d'octobre, c'est bien agréable et le temps est idéal pour ressortir mon vélo. Ainsi, un vendredi soir, je réglais mon réveil sur le soleil et me couchais. Dans la nuit, ce fut le déluge, la tempête : le vent hurlait, la pluie dégringolait; adieu montagne, vélo, soleil. Vers 6 heures 30, le réveil sonne; j'avais oublié de l'arrêter. Je me lève pour constater les dégâts dehors : miracle ! Plus un nuage, le soleil va se lever en maître, lui debout, on a le Mont Faron à portée de la main tant l'air est limpide. Le petit déjeuner est englouti, les bagages sont prêts. J'enfourche le vélo et en route vers Carqueiranne. Je rejoins Hyères par le Col du Serre. Une pause à La Londe pour acheter le pique-nique du midi et je repars.

La route est encore assez peu peuplée, aussi bien en automobiles qu'en cyclistes. Quelques deux roues me dépassent le nez dans le guidon, sans un signe, d'autres roulent avec moi, bavardent, jusqu'au croisement où nos routes se séparent. Nous sommes tous du même royaume, pourtant un monde semble séparer les premiers des seconds : quel dommage !

Il fait un temps splendide, la vue sur la mer est souvent extraordinaire. L'île de Porquerolles paraît à deux pédalées. A la Verrerie, je prends à gauche vers le Col de Gratteloup et j'enchaîne pour aller jusqu'au Col de Babaou : ils étaient deux, avec la Mouillère d'Aubert, à portée de roue. De plus, d'après le catalogue, un muletier se trouverait quelque part sur la droite de la route ; je n'ai pas vu la trace de ce qui pourrait être un col. J'ai rejoins ensuite Gratteloup après un arrêt casse-croûte, et j'ai attaqué sur Cago-ven et Landon. Entre les deux, les points de vue sur l'île du Levant sont sublimes : à travers les branches, on voit les mouettes semblables à des flocons à la surface de l'eau et l'île paraît naviguer dans le ciel. Mais où est passé l'horizon ?
Le Col du Landon n'est pas sur la route, mais un peu plus haut à gauche, sur un chemin. Je pousse le vélo jusqu'au sommet, distant de 10 à 20 mètres et alors, surprise, le chemin se poursuit. J'ouvre la carte (IGN 1 /100 000 n° 68) : un trait noir circule à travers la forêt domaniale du Dom, passant par quatre croix : c'est ma représentation des cyclo-muletiers. Je m'assieds sur un rocher, observe la mer, le ciel; les oiseaux chantent, il n'est pas tard. Je change de chaussures et pars sur ce chemin par la gauche. J'atteins vite le Col de Labade. Ensuite, pour rejoindre le Col du Pommier la descente est parfois périlleuse. Je dépasse une voiture tout terrain remplie de chasseurs en train de déposer une partie de sa charge en des points stratégiques. Au Pommier, je tends le bras droit et roule, saute de cailloux en cailloux, vers les Cols des 4 chemins et de Port-Man. Jusque-là, pas de problème; ma foi, encore 3 ou 4 kilomètres dans cette forêt et je retrouve la route. Mais voilà, cela se corse : le chemin grimpe, se rétrécit. Je dépasse un bon nombre de chasseurs en poste. Au bout d'un moment, tout de même, je m'arrête près d'un groupe d'entre eux, accompagnées de magnifiques chiens, et leur demande le chemin pour retrouver le Col du Landon. Ils sont cinq et dans leur langage qui fait rougir le soleil, ils me proposent cinq avis différents, en fonction du chemin le moins long, le moins difficile, le plus beau... pendant que je flatte leurs bêtes. Je choisis celui qui m'éloigne le plus de leur chasse et repars sous les yeux des chasseurs étonnés de trouver un tel énergumène en un tel endroit. Au Col de Landon, je prends à gauche vers le Canadel pour rejoindre ensuite la côte, le Lavandou (bien plus jolie ville d'en haut que d'en bas !). Rendu à Bormes, je prends à gauche pour terminer ma série par le Pas de la Griotte. Puis je file vers la Londe et retour à Toulon; ce qui clôture une fort belle journée, bien remplie de paysages d'odeurs et de chants d'oiseaux.

Ce que je puis dire pour conclure, c'est que le domaine du cyclo-muletier ne se limite pas aux plus de 3 000. Dès 300 mètres, on peut trouver le même plaisir, moins grisant il est vrai. Mais, comme on dit, l'appétit vient en mangeant, alors ceux qui ne veulent pas emmener l'igloo, mais testez malgré tout la chose, essayez les petits cols et trouvez le plaisir de communier avec la nature, le plaisir de l'aventure.

Philippe JAVAL

GRAÇAY (18)


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