Le sixième élément

Mes vacances 1998 devaient m'amener à de riches découvertes. En effet, suite à mon expérience réussie entre Strasbourg et Lyon par les massifs des Vosges, du Jura et de la Suisse en solitaire, j'avais projeté de traverser les Pyrénées d'Ouest en Est, mais cette fois-ci, accompagné de trois camarades.

Mal m'en a pris ! Des contraintes professionnelles ont obligé chacun de mes compagnons de route à abandonner le projet, les uns après les autres. Je me retrouvais donc seul. Par prudence (seul, je crains toujours la haute montagne ), j'annulais tout, sauf... mes vacances qui étaient programmées depuis longtemps et ne pouvaient plus être déplacées. Et c'est donc un peu la mort dans l'âme que je partais sillonner d'autres routes de France aux reliefs plus modestes, en prenant le parti de tourner autour de points de chute choisis le plus "efficacement" possible. (Près de 100 cols en deux semaines, pas mal, non ?).

C'est ainsi que je me retrouvais à Romans-sur-Isère, au pied du Vercors, non pas par hasard, mais, pour effectuer une randonnée cyclosportive annuelle. Ma course terminée, je revenais à ma première passion: la chasse aux cols.

J'endossais donc mon maillot et mon cuissard à l'effigie des 100 cols, et me voilà parti direction le col des Limouches, le col de la Bataille et le plateau de Lente. Pourquoi cet équipement, pourriez vous me faire remarquer ? J'ai moi-même eu beaucoup de mal à m'en convaincre, mais, j'éprouve une certaine pudeur vis-à-vis des plus de 1000 cols ainsi qu'une crainte d'incompréhension de la part de tous les autres, cyclotouristes ou pas. Mon adhésion n'est pas éphémère, car la connaissance d'un cent coliste lors d'un brevet grâce à l'autocollant des cent cols, bien en évidence sur son cadre, ne laisse pas insensible et m'a finalement décidé.

Fermons cette parenthèse et revenons à l'histoire. C'est en revenant un peu fourbu d'un périple cyclotouristique, que le 6ème élément m'aborda. Je connaissais déjà les 4 premiers : l'eau, la terre, le feu et l'air, tous aussi importants les uns que les autres. Ma passion pour le cinéma et le génie de Luc Besson m'ont amené à connaître le cinquième. Le vélo, le cuissard et les aléas de la vie, m'ont permis de rencontrer le sixième.

Le sixième homme dans la liste du club, autant dire un instigateur, qui se trouvait ici, à Romans et au même camping que moi. Une rencontre tout d'abord instructive ; je percevais l'état d'esprit dans lequel le club des "Cent Cols" avait été créé il y a près de 30 ans.

Puis ce n'était pas une ambiance pure et dure comme je le pensais, mais un climat plus sportif où l'on ne rechigne pas à faire 200, voir 300 kilomètres la tête dans le guidon, où les courses de côtes et les sprints entre collègues ne sont pas bannis.

Ensuite, une rencontre, que je qualifierai d'apaisante ! Ajoutée à d'autres, qui ont jalonné mon parcours, elle m'a permis d'apprécier mes vacances forcées. Je comprenais alors la chance que j'avais de rouler librement au soleil, à la fraîcheur et dans la tranquillité du mois de septembre.

Une rencontre de deux passionnés, de deux personnes saines de corps et d'esprit qui ont "un petit vélo dans la tête". En l'espace de deux ou trois heures qu'ont duré nos échanges, rien ne venait ébranler ma conviction profonde selon laquelle il n'existe qu'une seule passion, le vélo et 4 ou 5 fédérations pour l'encadrer. En définitive, quel que soit les modes de pratique, du coureur au touriste en passant par le cyclosportif et le cyclocampeur, une seule motivation suffit pour les fédérer : le plaisir de la selle pour découvrir la France. Les petites querelles intestines entre fédérations sont bien loin des préoccupations de la masse cyclo. Le mode de pratique correspond plutôt à l'état d'esprit ou l'état de forme du pratiquant. A la limite, je suis certain que nombreux sont ceux qui rythment leurs saisons ou leurs étages de la vie, en changeant leur façon de rouler. Par exemple, l'interruption momentanée du vélo doit frapper tout un chacun d'entre nous. Cet arrêt correspond à un besoin tant physiologique que psychologique et ne peut que mieux raviver le feu de la passion.

Une rencontre réellement captivante. J'ai littéralement bu les récits d'expéditions plus ou moins réussies de ce "vieux" Cent Cols . J'ai l'impression d'avoir déjà vécu chacune de ses souffrances sur le vélo, tant il savait les raconter. Et son histoire de col franchi en rêve éveillé, restera en moi comme de merveilleuses petites anecdotes vélocipèdiques.

Le sixième élément, vous l'avez compris, a marqué mes vacances et ouvert mes yeux sur le vélo comme moyen de rencontre.
Un grand merci à lui.

Franck JACON N°4033

de SCHILTIGHEIM (Bas-Rhin)