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MARXA CICLISTA INTERNACIONAL EN ANDORRE

Revue N° 10 Page 62

2ème MARXA

Le 1er de «setembre», mon fils Roland et moi, sous le maillot des «Cyclos de la Vallée de Thônes» (Hte Savoie), nous franchissions la frontière pour «aller voir» avec les mollets, si vraiment comme un Certain l'a dit « il n'y a plus de Pyrénées» et bénéficier de la Tradicional hospitalitat de la Principauté.

L'attente n'allait pas être déçue. Dès l'entrée d'Escaldès, une immense banderole de bienvenue «Benvinguts à la Marxa» accueillait les cyclistes. Une seconde bannière les guidait vers le Sprint Club Andorra où l'on pouvait retirer les feuilles de route. Partout de grandes affiches aux couleurs du club, représentant un Don Quichotte cycliste aux prises avec le Tour du Globe annonçaient l'événement.

Il faut dire que c'est bien un événement pour ce petit pays dont tous les hôtels, organisateurs de la Marxa, affichent complet malgré la fin de la saison touristique. Les plus débordés sont les marchands de cycles : nombreux sont les concurrents, espérant bénéficier de tarifs exceptionnels sur un matériel de qualité faisant la queue jusque sur le trottoir pour ramener du Zeus ou autre Colnago...

Heureuse nation qui vit en paix depuis 11 siècles, époque de sa libération par le Gran Carlemany, sacré Charlemagne ! Pas de guerres donc pas de taxes... On vit ici dans la dernière cellule du monde féodal existant encore en Occident et les coutumes et lois sont d'origine médiévale, bien souvent... Curieuse île au coeur des Pyrénées !

Si l'an prochain vous désirez participer à la 3ème Randonnée et tel est mon espoir pour vous, amis cyclos, vous recevrez un dépliant couleurs de 10 pages vous indiquant en plus du parcours, la liste des hôtels qui vous offrent beaucoup d'étoiles contre peu de pesetas. Bercés par le Gran Valira, torrent bordant la rue centrale sans fin, vous pourrez, après une bonne nuit, vous rendre à 7 h au Parc de la Mola pour la «sortida», départ échelonné sur une demi heure, because l'étroitesse de la cité antique.

Mais votre attente ne sera pas ennuyeuse : vous aurez d'abord à garnir poches et sacoches avec le contenu du sac de victuailles qui vous sera offert.

Si vous êtes du genre «à sacoches et garde boue» vous vous sentirez bien esseulés. Ici mentalité et climat méditerranéen ont engendré une technique spéciale consistant à fixer le sac plastique soit au guidon, soit à la selle. Et pourtant, ce sac volumineux contient : un sandwich au jambon, un sandwich-fromage, un paquet de gâteaux, un sachet de sucres, de la confiture ! des noisettes, amandes salées et des figues. Vous recevrez un 2ème ravitaillement identique 96 kms plus loin...

Vous serez aussi assaillis par des distributeurs de photos de champions courant pour telle ou telle marque. Loin d'être interdite ici, la publicité y est florissante, l'ambiance étant propice. Les maillots rutilants ne sont pas simplement à la gloire de telle fabrique de meubles, de plastiques ou même de gin, mais vous en avez une pleine page sur le dos et la poitrine, en catalan ou en espagnol.

Mais vous aimeriez peut être nous voir enfin pédaler ? En selle donc, pour traverser la ville endormie dans le frisquet d'un petit matin, avec comme premier objectif 22 kms de descente, histoire de s'échauffer, si l'on peut dire.

Voici Saint Julia de Loria et sa douane espagnole, véritable souricière pour contrebandiers, enserrée entre les rochers. Puis Séo d'Urgell dont l'évêque est le co prince de la principauté et l'homologue de notre président de la République. Je sors de la cité 1er pointage achevé alors que Roland, toujours prudent en descente y fait son entrée. Nous remontons à présent le cours du Rio Ségré dont les gorges étroites créent des bouchons à l'oxyde de carbone dus à cette heure matinale ; en priorité aux voitures suiveuses. L'envers des Pyrénées est désertique côté montagne et verdoyant partout où circule un efficace système d'irrigation. Il fait bon rouler et après la province de Lérida voici celle de Gérone. Des chants espagnols s'élèvent du peloton scandés par des «Ollé» qui donnent un frisson de corrida au niveau des poches arrières du maillot. A quand les Allobroges à «notre Circuit du Reblochon» ?
Après la traversée du Rio Carol, nous revoici en France au poste frontière de Puigcerda. La collection des cols va pouvoir reprendre : une pensée aux copains du «Club des 100 cols». Voici d'abord le gentil col de Llouss tout timide puis le col de la Perche plus célèbre dans les manuels scolaires que dans la rubrique des «Cols Durs».

Les vraies difficultés vont surgir après le contrôle de Mont Louis. Je vous ai donné le menu, j'ai omis la boisson : chacun a droit à son litre d'Aigua d'Andorra, bien fraîche, pour les bidons et éventuellement le shampooing. Quelle merveilleuse organisation, sous des tentes des lits de camps vous ouvrent leurs brancards pour une sieste ou un massage.

Pour une fois, je suis dans les temps, il n'y a qu'un 1/4 d'heure que le contrôle est ouvert, mais j'ai un motif à ce départ rapide : un récent B.R.A. avec un certain col du Mollard, en prime, que certains ont qualifié de «la plus grosse embuscade de l'année» (cf. officiel du cycle n° 50) m'a laissé une douleur au genou qui me donne la hantise de terminer hors des délais. Maintenant, il va falloir s'accrocher. Déjà, le Col du Calvaire de Font Romeu annonce la couleur. De la couleur, il y en a. Vers Pyrénées 2000, on a eu l'idée de jeter le long de la route des graines de lupins multicolores.

Après un regard au célèbre Four solaire commence une longue descente. Je m'abrite un long moment derrière la voiture du «Director de Equipo» magnifique plaque héritée, sans doute, de la Vuelta, d'autant plus que pilote et co pilote sont deux ravissantes blondes oxygénées. Quand je vous disais que l'organisation était parfaite, le voilà bien le vrai doping... inoffensif, du moins à première vue !

Brusquement, c'est le Puymorens. La veille, en voiture, je l'avais jugé insignifiant, le tapis d'asphalte est merveilleux. Las ! bientôt le soleil et la pente et le genou me clouent, misérable papillon, épinglé sur ce tapis trop bleu... Ne rien regarder d'autre que la roue arrière du vélo de mon fils qui m'a rejoint bien à point et qui, lui, digère froidement les lacets. Et surtout, surtout ne pas loucher sur ces grappes de grimpeurs aux maillots brillants mais complètement «essorés» qui passent accrochés aux portières ou aux galeries des voitures remonte pentes.

J'ai souvenance d'une camionnette d'une marque espagnole de chaussures remorquant froidement les cyclos portant des couleurs des deux côtés du véhicule. Bien sûr, les semelles en question doivent faire beaucoup plus d'usage que les autres. Dans de telles conditions, on s'étonne que «Midi Libre», journal patronnant l'épreuve, annonce encore 140 abandons sur 527 participations.

Le passage du Pas de la Casa et du Col d'Envalira, malgré ses 2407 m, par contre sera beaucoup plus aisé. Une légère pluie nous accueillant en haut, le climat redevenait plus adapté à nos tempéraments de «nordiques» et puis il y avait de la distraction pour estomper les pentes. La distraction, c'était 3 rangs de voitures descendantes (ou plutôt qui auraient bien voulu descendre) vers la frontière andorranne et ce sur plusieurs kms. Un joyeux pédaleur (tiens un cyclo qui parle français !) avait beau chanter à l'adresse des automobilistes : «et la chenille redémarre !...» La chenille n'avançait point.

Enfin la longue descente sur Soldeu (Soldéou !) toute dégagée fut un régal au point que les plus intrépides pouvaient craindre de dépasser les 70 kms/h, vitesse maximale en Andorre.

Et c'était la banderole de l'«Arribada» et nouvelle surprise : avec le dernier tampon et le dernier litre d'Agua minérale nous étaient offerts, en plus de l'énorme médaille de bronze, présentée sous écrin, deux disques de chanteurs modernes et un diplôme géant attestant que le dit «sympatitzan de la bicicleta» a bien participé à «la Gran Diada de Germanore» (la grande journée de la fraternité). Avouez que choyés de la sorte, on n'a guère de peine à devenir «un enamorat de la petita Reina».

Et puis dernière surprise, nantis de cartes d'invitations, on se retrouvait le soir dans les salons de l'hôtel Paris Londres pour un «vin d'Honor» et recevoir pour notre bon club de la Ville de Thônes la Copa al Club Francès mès Llunyà (le plus éloigné). La Belgique recevait la Coupe de la Nation la plus lointaine et il y avait même une coupe à la desgracia ! (la malchance).

René CHASSIGNOL

THONES (74)


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