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Un col politiquement correct

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En Pologne, comme en France, les cols portent des noms dont l’étymologie est topographique ou s’inspirent d’un substantif ou d’un adjectif (przelecz dziurawa, col du trou – przelecz biala, col blanc – przelecz czerwona, col rouge). Exceptionnellement, un col peut porter le nom d’une personnalité historique. Tel est le cas, dans les Beskides, un massif à quelques kilomètres au sud de Cracovie qui constitue, en quelque sorte, les « pré-Tatras », du col Rydz-Smigly. Le col forme une dépression entre les sommets Mogielica et Lopien, à l’est du village de Jurkow. Comme la plupart des ascensions de la région, il s’agit d’une montée brève mais rude qui amène la route à l’altitude de 800 mètres.

C’est à la suite des efforts de la population de la région de Limanowa (la ville la plus proche) qu’a été édifié en 1938 un obélisque dédié au maréchal de la IIème République polonaise. Mais, dans les années 70 et 80, avec un entêtement digne d’une affaire d’Etat, le nom du col avait été supprimé des cartes touristiques par la censure: Rydz-Smigly restait en effet dans l’Histoire comme un des vainqueurs des troupes soviétiques lors de la guerre contre les bolcheviks.
Comme les noms communs, les noms propres se déclinent en polonais et le col figure sur les cartes sous l’appellation przelecz Rydza-Smyglego (prononcer : pchéouintch ridza chmigouégo), mais le monument porte les mots inversés : Smyglego-Rydza. Précisons enfin que ce patronyme signifie littéralement « lactaire élancé », mais je n’ai pas cherché à vérifier si une telle appellation était de bon augure pour les chasseurs de champignons locaux.

Michel RAINERI

CC n°3561




Edward Rydz-Smygly, 1886-1941, maréchal de Pologne. Après des études de philosophie à Cracovie il termine en 1911 l’école des officiers de réserve à Vienne. Dans l’armée autrichienne en juillet 1914 (la partie sud de la Pologne se trouvait, après les trois partages de 1772, 1793 et 1795, dans l’Empire autrichien), il est transféré en août dans les Légions Polonaises où il va occuper diverses fonctions. En 1918 il sera ministre de la guerre du gouvernement provisoire de I. Daszynski (« gouvernement de Lublin »). Il s’illustra ensuite particulièrement dans la guerre contre les bolcheviks (1919-1920), dont il battit la 12ème armée avant de prendre Vilnius. Après la guerre, devenu inspecteur de l’armée, il se montrera un des meilleurs partisans de Pilsudski, qu’il soutiendra notamment lors du coup d’Etat de mai 1926 en mettant des troupes à sa disposition, et conformément aux vœux de celui-ci il deviendra inspecteur général des forces armées en 1935, avant d’être désigné en 1936 maréchal de Pologne. Après avoir soutenu Moscicki à l’élection présidentielle il deviendra le deuxième personnage de l’Etat, et l’un des défenseurs d’un rapprochement avec la France. Participant à la vie politique il fondera le Bloc de l’unité nationale. Commandant en chef de l’armée polonaise en 1939, il se réfugiera en Roumanie et sera interné. Il reviendra en secret à Varsovie en 1941 où il mourra dans la clandestinité, sous le pseudonyme de Adam Zawisz.

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