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Vaut quand même le détour.

Revue N° 30 Page 68

Amoureux depuis toujours des Cévennes et des régions qui les entourent et bénéficiant de l'immense avantage de posséder des amis sur le Causse Méjean, il devint vite obligatoire, pour le couple passionné de vélo que nous sommes, de rallier à plusieurs reprises Villeneuve-sur-Lot à Meyrueis via les Monts d'Aubrac en trois étapes, toujours pendant le week-end de l'Ascension. Mais malheureusement, le temps en cette saison ne nous fut pas toujours favorable.

En 2000, profitant de l'hospitalité de nos amis du Causse, nous pûmes réaliser un splendide tour de Lozère étalé sur trois jours par l'Aubrac, la Margeride, les Gorges du Tarn... une vraie merveille ! De plus, la retraite nous laissant plus de possibilités, nous optâmes pour la 2ème quinzaine de juin, ce qui nous permit de bénéficier d'un temps splendide.

Cette année, nous décidons d'un parcours qui nous conduirait aux Gorges de l'Ardèche en traversant le massif Cévenol, à l'aller comme au retour, et nous permettant de glaner quelques cols au passage.
Un petit problème cependant. Lors de la réservation des hôtels, aucune possibilité d'hébergement sur la Grand-Combe, terme de notre deuxième étape ! Nous devrons donc " pousser " jusqu'à l'auberge du col de la Baraque, ce qui porte à près de 150 km la distance de l'étape. On se console comme on peut en pensant que le lendemain ce sera autant de moins à faire !

Le premier jour se déroule sans problème ; le temps est magnifique. Nous passons Florac, Pont de Montvert, Génolhac, Les Vans, avant d'arriver à Joyeuse, terme de cette étape de 135 km.
Le deuxième jour doit donc nous conduire au col de la Baraque par les Gorges de l'Ardèche ; parcours que j'avais jugé un peu prématurément " facile ". L'avenir prouva vite le contraire !
Passons directement à la troisième étape qui se déroulera normalement. Nous franchirons les cols de Pendedis et du Plan de Fontmort. La route pratiquement déserte permet d'apprécier les profondes vallées et les châtaigniers recouvrant les sommets. Nous terminerons par le Perjuret qui conduit chez nos amis Caussenards.

Je reviens donc à ce deuxième jour où en quittant Joyeuse dès 8 heures, le soleil ne laisse déjà aucun doute sur ses intentions futures... Un petit crochet imprévu nous permet d'apprécier les magnifiques petites Gorges de Ruoms. Nous traversons Vallon-Pont-d'Arc avant d'attaquer la très rude montée qui va nous permettre d'admirer le splendide panorama qui s'offre à nos yeux. Les eaux vertes de l'Ardèche scintillent au fond de son impressionnant canyon. On nous avait prévenus : le site en vaut la peine, mais il se mérite !

En effet, ce n'est qu'une succession de petites descentes rapides et surtout, de grimpettes ardues ! Il est déjà midi lorsque nous arrivons à Saint-Martin qui marque la fin des gorges et il nous reste une sacrée distance pour atteindre le but. Le temps d'un rapide casse-croûte à la terrasse d'un bar et de refaire le plein de nos bidons en eau fraîche, et nous reprenons la route. Nous apercevons dans le lointain les monts Cévenols que nous devons atteindre, mais, ils semblent si loin !

Nous progressons au milieu des vignobles "Côtes du Rhône", le soleil est au zénith, la route surchauffée. C'est alors que commence la véritable course à la canette. Nous guettons le moindre point d'eau... ; dans les bidons le liquide devient vite imbuvable ! Quelques champs de lavande apportent une touche de couleur dans ce paysage brûlé de soleil. De sévères raidillons nous rapprochent des premiers contreforts montagneux dont les verdoyantes forêts nous laissent espérer un peu de fraîcheur.
C'est à ce moment-là que survient un incident qui nous perturbera un bon bout de chemin. Suite à un coup de frein un peu sec, je casse mon câble arrière sans aucune possibilité de réparer dans l'immédiat. Je n'ose en parler à Annette... on verra bien... Nous attaquons le col des Brousses où dans les derniers lacets, le bitume est littéralement liquéfié et où au sommet, nous ne manquons pas de faire le plein à la fontaine que nous avait indiquée un cyclo un peu avant. Ici commence pour moi la longue et difficile descente avec seulement... le frein avant. Annette est complètement paniquée et c'est finalement sans encombres que nous débarquons à la Grand-Combe. A notre grand soulagement, nous trouverons un vélociste qui nous dépannera gentiment.
"Vous n'avez plus que dix kilomètres nous dit-il, mais la montée est rude !"

C'est totalement rassurés que nous reprenons la route. Et nous voici enfin sous les châtaigniers tant espérés..., mais la fraîcheur n'est pas au rendez-vous. Nous nous hissons tant bien que mal, car la fatigue commence à se faire sentir ; voilà près de 150 km que nous roulons sur un parcours qui s'est révélé plus difficile que prévu, sans compter sur la forte chaleur qui accentue l'impression de lassitude. Enfin nous voilà au sommet du col de la Baraque et l'auberge est là, au fond du parc. Ouf ! Nous allons pouvoir récupérer !

Annette s'assoit sur les marches de la terrasse tandis que je monte vers la réception. Surprise ; sur la porte, un écriteau me prie de passer par le bar ! Or les volets en sont solidement fermés, je frappe, pas de réponse ! A ma mine déconfite, mon épouse comprend qu'il se passe quelque chose d'anormal. Nous faisons le tour du bâtiment : personne ! Annette a déjà pris sa décision : "je ne ferai pas un km de plus !" (d'ailleurs, pour aller où). Il nous reste quelques fruits secs et, s'il le faut, nous dormirons sur la terrasse !

Je risque un coup d'œil par une fenêtre et finis par apercevoir un couple au fond d'une cour. Je crois d'abord à un mirage ! Ou à quelque hallucination due à la fatigue..., mais non..., ils se sont retournés à mon appel.
Stupéfaction de la dame ! ?
- Mais, que désirez-vous ? Nous sommes fermés.
- Madame, nous avons réservé une chambre pour ce soir !

Confusion de la patronne qui se confond en excuses ; elle nous avait oubliés.
Sitôt la chambre ouverte, nous prenons une douche réparatrice pendant qu'elle nous mijote un repas de gourmets... avec cèpes cueillis le matin même.
Tout en nous restaurant, nous bavardons et partageons l'amour de cette belle région avec la patronne, et c'est par des éclats de rires que se termine cette journée pourtant riche en péripéties.

Rien de tel qu'une bonne nuit pour remettre les organismes en état et quelle merveille, le matin, d'ouvrir les volets sur ces Monts Cévenols déjà dorés par le soleil levant.

Malgré le moment de panique en voyant l'hôtel fermé, et pour reprendre l'expression consacrée, chère à certains guides touristiques, je crois pouvoir dire :
"Oui, l'auberge du col de la Baraque vaut le détour".

Annette et Gilbert LACHAIZE N°4151 et 4152

de VILLENEUVE-sur-LOT (Lot-et-Garonne)


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