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A qui se fier ?

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Nul ne peut en douter, il figure très officiellement dans la Bible Chauvot sous la référence 73-1522. Cela fait plusieurs jours que mon compère l'évoque avec la convoitise jamais assouvie du collectionneur, et son impatience grandit à cause de l'état prolongé de manque.

En effet, depuis le départ de notre périple, son compteur de nouveaux cols reste bloqué à de maigres unités : le col des Quatre-Vents qui culmine à 159m dans le Pas-de-Calais, et celui des Iris, un muletier à plus de 2000, à proximité des premiers lacets de la descente du Tourmalet sur la Mongie. C'est bien peu, après plus de 4000 kilomètres comptabilisés sur le pourtour de l'hexagone, et émaillés d'une cinquantaine d'ascensions dûment répertoriées !

Pour l'heure, nous quittons Valloire l'esprit serein : le gîte est déjà réservé à Saint-Jean-de-Maurienne et le versant Sud du Télégraphe réduit à une banale formalité. Alors, autant profiter du contexte propice de cette ballade de fin d'après-midi d'un samedi de juin pour ajouter une prise facile au tableau de chasse d'un "millecoliste" chevronné, ... et à celui, embryonnaire, du novice en quête d'intronisation. Bien documenté, le chasseur patenté (1) situe l'objectif avec une précision toute scientifique : au pied d'une chapelle, édifiée dans le village qui s'étire perpendiculairement à la bordure de la D902.

Deux bons kilomètres et le bas du hameau est identifié formellement par un panneau en bois au bord de la chaussée ; reste à dénicher le point sommital. Nous obliquons sur le premier chemin qui s'ouvre à notre droite. La tentative se solde rapidement par un cul de sac, où une ruade de l'avant-train de Caïus manque de me coucher sur le sol graveleux. Bref retour sur la départementale, suivi d'un virement sur tribord. Cette fois la piste paraît sérieuse : au bout de la pente, on devine quelques constructions. Nous poursuivons sans hâte et sans prêter attention aux éclats de voix qui s'amplifient. A peine plus haut, face à la chapelle, autour du réservoir en pierre alimenté par une fontaine au fort débit, une douzaine de gaillards devisent joyeusement le verre à la main. Ils viennent de préparer le foyer qui servira, demain, à faire griller le cochon traditionnellement partagé par les résidents du village à l'occasion de la Saint-Jean. Les aboiements d'un chien signalent l'approche de nos équipages et le groupe se forme en demi-cercle sur la chaussée. Un homme s'en détache pour se précipiter sous le porche de la chapelle ; la suite se fait attendre : une surprenante volée de cloches accompagne les derniers mètres de l'ascension, et nous posons pied à terre sous les acclamations de ces supporters inattendus !!!
Leur surprise est pour le moins égale à la nôtre quand ils apprennent que nous parcourons le Tour de France à bicyclette. Certes, l'épreuve chère à Jacques Goddet emprunte classiquement le tronçon Valloire-Télégraphe, ou vice versa, mais, de mémoire de villageois, jamais aucun participant de la Grande Boucle n'a aventuré ses roues jusqu'ici. Nous nous livrons volontiers au jeu des explications : de la machine à la tenue, sans parler des bagages ; tout nous différencie des coureurs. Mais pourquoi ce détour ? Simplement pour le plaisir de gravir un nouveau col et de l'ajouter à notre collection.... Là, nos interlocuteurs deviennent septiques... Nous avons beau leur montrer la petite plaque scellée sur un mur de la chapelle, ils persistent dans leur version : "autrefois, avant la construction de la route du Télégraphe, le passage vers la Maurienne empruntait le col des Trois Croix. Notre village étant le plus proche du sommet, on la dénommé le Col, sans qu'il n'y ait de col géographique à cet endroit !" CQFD !!!

Quel avenir pour le 73-1522 ? Sera-t-il radié sur la foi de ce récit ? Sachez que le rapporteur ne peut témoigner que d'une seule certitude : le verre de l'amitié, offert par les gars du Col, ne comportait pas le moindre faux col. A leur santé !!!

(1) ce fabuleux compagnon de voyage n'est autre que Claude Benistrand.

Michel BERNARD N°5193

de CHATELDON (Puy de Dôme)


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