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La Côte d'Azur et l'arrière Pays

Revue N° 30 Page 60

Marc, mon ami fidèle nous a quittés. C'était un Niçois, amoureux comme moi de la petite reine et de la montagne. Notre amitié s'était faite dans l'effort, le plaisir et dans le respect mutuel. Sa disparition et la nostalgie des milliers de kilomètres parcourus ensemble dans les Alpes et l'arrière-pays niçois, m'incitent à évoquer, pêle-mêle, quelques souvenirs inoubliables.

Le col de la Madone de Gorbio (06-0927)
Un climat privilégié, une mer tiède, des baies et des caps, des rocs et des pinèdes, du sable et des galets, des traditions ancestrales, un certain art de vivre, un magnifique écrin montagnard : c'est la Riviera et son arrière pays montagneux sillonné de routes en lacets sous un soleil éclatant qui fait chanter les couleurs et flamber les paysages. Entre Nice et Menton, la montagne a les pieds dans l'eau !

Pour accéder au col de la Madone, plusieurs itinéraires étaient à notre portée. Depuis Nice, la Grande Corniche nous offrait le plus beau spectacle de ce littoral aux formes élégantes, façonnées par la Méditerranée au cours de combats que se sont livrés sans merci les éléments depuis des millénaires. C'était une succession de points de vue admirables : Villefranche-sur-Mer, enserré entre le Mont-Borom et le Cap Ferrat serti de collines boisées, Saint-Jean-Cap-Ferrat couvert de somptueux jardins exotiques, Beaulieu-sur-Mer l'élégante, nichée au pied d'un versant auquel s'agrippent des oliviers. Eze, village nid d'aigle moyenâgeux perché sur un piton offrant le plus beau panorama de la Côte. Pas de frontière apparente à l'arrivée à Monaco : même relief montagneux et toujours une végétation luxuriante, mais, un rocher et une famille régnante. La Côte se plisse à nouveau au Cap-Martin, dernier promontoire de la Rivièra, derrière lequel se niche Roquebrune.

Surplombant Menton, le col de la Madone nous attirait particulièrement. Avec ses 927 mètres d'altitude, il est situé à vol d'oiseau, à moins de six kilomètres de la mer. Plusieurs routes y mènent. Celle que nous préférions partait des feux de l'avenue des Alliés, en bord de mer dans Menton. De là, nous apercevions la route accrochée à flanc de montagne et les derniers lacets menaient à la Place Saint-Sébastien, au pied du village perché de Sainte-Agnès. Sur cette place située à cinq kilomètres du sommet, une fontaine débitait une eau de source rafraîchissante très appréciée après les sept kilomètres d'escalade.

Au début de la montée, après le lycée P et M Curie, nous traversions Pescaïre, pittoresque hameau où les basses pentes étaient découpées en terrasses. Le sol portait des oliviers, des citronniers et des amandiers. Les figuiers, eux, étaient inaccessibles. Plus loin, la Provençale A8, haut perché, jouait à saute moutons avec la petite route bien raide que nous aimions tant. Après la fontaine, le rude paysage rocailleux, désertique et lunaire, était toujours illuminé par le soleil, impitoyable maître des lieux. Au gré des virages, les yeux étaient fascinés par la Grande Bleue, perspective aidant, qui semblait toucher les cieux. Nous étions presque toujours seuls dans ce col et il nous arrivait d'être comme habités par l'idée qu'il nous appartenait.

Nous l'avons gravi quatre-vingt six fois en huit ans sans jamais nous en lasser.

Le col de Turini (06-1607b)
Un peu plus loin, au-delà des cimes du Bandon, du Farget et du rocher de Grayat, se trouve le col de Braus (06-1002). C'était après la mise en jambes du col de Nice (06-0420) et de la traversée de l'Escarène, notre plaisir d'attaquer ce col par la D2204 qui se trouve être un tronçon de la route du Piémont de Nice à Turin. Après le tout petit village de Touet-de-l'Escarène, la route continuait par seize lacets dans la garrigue. Le col franchi, la descente était rapide malgré les dix-huit autres lacets, et du côté de Sospel, les oliviers faisaient leur réapparition. Notre but était bien sûr le col de Turini par les gorges du Piaon où la route en corniche domine le torrent. Après la chapelle de Notre-Dame-de-la-Hénour, nous traversions le charmant village de Moulinel pour ensuite attaquer les douze kilomètres qui conduisent au Turini à travers une superbe forêt d'érables, de hêtres et de sapins.
Deux autres routes rejoignent ce col. Notre préférée était la D2565 dans la vallée de la Vésubie que nous quittions après Lantosque à la côte 500. L'ascension commençait là ; 15,5 km à 7 %, par des lacets, à travers châtaigniers. Après Bollène-en-Vésubie, l'escalade devenait comme joyeuse par la diversité des frais paysages couverts de mélèzes, et autres sapins qui peuvent atteindre les 35 m. Le murmure des résurgences multiples nous accompagnait tout au long de cette sinueuse route pentue à souhait. La troisième route disputait la vedette aux deux autres ; c'était la route dite " du soleil " depuis Nice via Coarraze par le col de Saint-Roch et la baisse de la Cabanette.
C'était le plaisir des forts pourcentages à travers garrigues, maquis et forêts !

Le massif de l'Esterel
Que dire de nos ballades à Fréjus, à travers le massif de l'Esterel, par les petits cols des Trois Termes, de la Cadière, des Lentisques, de l'Evêque, de Belle Barbe, du Mistral et enfin, la descente sur Fréjus ?

Notre halte "sandwich" à la terrasse d'un café, à l'ombre des platanes, était un vrai plaisir dans cette atmosphère toute méridionale !
Le massif de l'Esterel est une des plus belles régions de Provence. La solitude des routes de l'intérieur, à travers les arbousiers, les lentisques, les genêts et les fleurs de toutes les couleurs, est unique ; elle contraste avec la vie grouillante de la côte. Des belles forêts de pins et de chênes-lièges de l'époque, il ne restait plus que des silhouettes noircies des arbres et une couche de cendre, vestiges des incendies de 85 et 86. Par endroits, la nature reprenait le dessus ; des arbrisseaux et des buissons de bruyères et de lavande recouvraient le sol.

Le retour se faisait par Saint-Raphaël et Cannes en suivant le bord de mer. L'Esterel nous offrait une facette différente de sa beauté. Ses porphyres rouges plongeaient dans le bleu indigo de la mer qui se ruait sur les rochers. Insatisfaite, elle continuait à ciseler les rivages des hautes falaises, à réduire ses obstacles, à détruire ses récifs. Parfois, nous l'avons vue paresseuse sur ses rivages où les fleurs tropicales multicolores se mêlaient à la flore tempérée, et apportaient les senteurs de l'Afrique. Nous étions dans un paradis qui vit défiler jadis, les flottes grecques et romaines, ainsi que les felouques barbaresques. La route sinueuse bordée de palmiers et d'orangers, épousait presque parfaitement le littoral, traversait Agay, Anthéor, montait à la pointe du Cap-Roux, couvert de pins parasols, se tortillait à travers le Trayas, Miramar, la Théoule et la Napoule où l'enchantement cédait, hélas, à la réalité du béton. Les quelques régions décrites sont l'image même de la nature exceptionnelle des Alpes-Maritimes et des environs. Tout y est : l'argent des oliviers, le vert des mélèzes, les parfums du thym et de la sarriette, les effluves du mimosa et de la lavande, le chant des cigales toujours en verve, le ciel d'une luminosité exceptionnelle. Le charme était sur le visage des jeunes femmes entrevues dans les villages que nous traversions. Elles étaient belles et pimpantes ! C'est vrai qu'elles descendaient de souches lointaines ; de Grèce, de Rome. Elles nous souriaient, peut-être étaient-ce nos tenues bariolées qui les amusaient ?
Adieu l'ami !!!

Théodore BUIZZA N°3919

de TOUL (Meurthe et Moselle)


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