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Ballade en Cévennes

Revue N° 26 Page 62

Par une belle matinée d'été nous nous préparons à un périple de 160 km à travers de splendides Cévennes baignées de lumière et de soleil. Pour la circonstance, comme toujours aussi, je suis accompagné de la charmante Florence, férue de vélo, avide de cols et vallons cévenols, toujours partante pour une belle virée quelles que soient les difficultés.

Nous voici donc ce matin, sur le parking ombragé par de beaux platanes, d'une attirante petite ville, Ganges ( Hérault) qui fût connue et peuplée lorsque ses usines de tissage de la soie offraient bien du travail. Cette même soie qui était le poumon des vallées s'ouvrant sous le massif de l'Aigoual faisant vivre de nombreuses familles depuis la cueillette des feuilles de mûriers jusqu'à l'élevage des vers à soie. Après avoir pris soin de préparer nos vélos, nous allons nous asseoir à la terrasse d'un café, offrant nos visages aux encore faibles rayons de soleil montant, afin de prendre un "petit noir", dernier remontant avant de s'élancer par la route nationale peu fréquentée à cette heure vers le Vigan via Pont-d'Hérault.

Le Vigan, autre petite ville fort agréable se trouve au pied du col du Minier ; nous la traversons et à sa sortie, il nous faut emprunter une déviation mise en place à cause d'éboulements obstruant la chaussée habituelle, ceci dû aux fortes pluies du printemps. Nous empruntons à cette occasion l'ancienne voie ferrée, désaffectée aujourd'hui, goudronnée pour la circonstance. Ce petit changement d'itinéraire nous permet, au travers de deux tunnels longs chacun de trois à quatre cent mètres de vivre une expérience nouvelle. Nos vélos, dépourvus d'éclairage semblent fous ; même si nous les dirigeons, la sensation d'équilibre est totalement différente de l'accoutumée et le trou de clarté nous apparaît tel un port pour le marin confronté à une tempête. A la sortie de ces "trous noirs", nous arrivons sur le petit village d'Arre très paisible à cette heure. Après ceci, nous abandonnons la vallée pour débuter l'ascension vers le village d'Alzon dans un premier temps, suivie de l'ascension du col des barrières (804m)

Là, le décor change, nous progressons maintenant à travers des châtaigneraies dans lesquelles les rayons du soleil, plus ardents filtrent, donnant au sous bois un formidable jeu de couleurs féeriques mêlées aux scintillants reflets d'or de la longue chevelure de ma blonde compagne. La route s'élève gentiment et tout en discutant nous passons ce premier col sans encombre. Après une rapide descente vers le hameau de Sauclières nous bifurquons à droite en direction de St-Jean du Bruel. Courte montée mais un peu sévère, puis superbe plongée sur St-Jean au milieu des châtaigniers par un très bon revêtement. St-Jean de Bruel, village au nom chantant est fascinant de par sa position. Il est posé au creux des montagnes. Pour s'en extraire il faut pousser fort sur les pédales car dès la sortie, la pente est assez raide et l'on surplombe très vite ce village ce qui nous gratifie d'une superbe vue. Cette forte pente nous mène jusqu'au col de la Pierre Plantée ( 809 m) où nous choisissons de prendre la direction de Trèves. Nous sommes sur un de ces hauts plateaux balayés, l'hiver, par le mistral et la tramontane, leur donnant un aspect "pelé" car la végétation se limite aux pâturages faisant contraste avec les châtaigneraies très proches que nous venons de laisser.
Par une bonne route nous plongeons sur Trèves. Village resté authentique avec une âme certaine. A ce stade du parcours, nous faisons une courte halte afin de remplir nos bidons, le généreux soleil nous forçant à boire souvent. Ce charmant village cache sa fontaine en son coeur, il ne faut donc pas hésiter à l'explorer et admirer ses maisons en pierres formant les ruelles. Comme cette eau semble pure ! Nous en profitons pour manger une barre de céréales car pour nous, à présent, s'ouvrent les gorges du Trévezel qui vont nous conduire, au terme de 15 km d'ascension, au village haut perché de Camprieu (1100 m). Cette ascension nous offre des vues fantastiques sous ce soleil merveilleux faisant scintiller les diamants du ruisseau que nous longeons. Nous avons retrouvé les châtaigniers qui disparaissent peu à peu, au fur et à mesure de l'ascension, cédant la place aux sapins témoins de l'altitude. Camprieu, terme de ces gorges ne nous permet pas de souffler pour autant, car nous enchaînons vers le col de la Séreyréde puis le mont Aigoual soit 15 km supplémentaires d'ascension au milieu de forêts domaniales de sapins, boulots, hêtres...où le soleil joue, faisant un panaché d'ombres et lumières tout à fait surprenant. Comme ceci est beau ! Nos yeux se délectent, nos jambes enroulent le petit braquet de rigueur mais les kilomètres ne pèsent pas, tant le spectacle est ravissant.

Le mont Aigoual, un des points culminants des Cévennes (1576m) où il faut à tout prix visiter l'exposition météorologique digne du plus grand intérêt. Nous y faisons une halte bien méritée. Florence et moi nous attablons à la terrasse que nous offre l'observatoire où nous savourons un bien réconfortant "jambon-beurre" accompagné d'un coca ; éclaboussés de soleil nous échangeons toutes nos sensations relatives à la cruelle beauté de ces inénarrables Cévennes dont on ne peut se lasser. Seuls les mauvais jours pourront nous en éloigner mais tout l'hiver durant, leur cuisant souvenir ne les rendra que plus désirables alimentant multes conversations. L'instant magique que nous souhaitons suspendre nous fait hésiter à reprendre la route ; Florence clame ses douces complicité, satisfaction, envie partagée d'autres ballades sur d'autres reliefs tout aussi majestueux.

C'est à regret que nous décidons de reprendre la route comme si l'on craignait de perdre ces Cévennes en nous éloignant. Il faut pourtant bien partir et nous nous engageons dans une longue descente de 30 km nous conduisant à Valleraugue. Au fur et à mesure de la descente nous sentons la forte chaleur de la vallée ( 300m) nous écraser. Rendus à Valleraugue, il nous reste 30 km pour rejoindre Ganges. La route en léger faux plat descendant longe l'Hérault (rivière accueillante) sur presque la totalité du trajet. Comme à notre habitude, nous nous laissons griser par cette fin de parcours et nous parcourons à vive allure ces 30 derniers kilomètres clôturant fort agréablement cette belle virée non sans savourer les vues de l'Hérault, de l'ancienne filature du Mazel devenue musée de la soie, des pommeraies, bordant la route, d'où proviennent les fameuses Reinettes cévenoles...

Rendus à Ganges nous retrouvons notre véhicule non surchauffé grâce aux superbes platanes, nous passons short et tee-shirt puis allons savourer un perrier-menthe hydratant et réconfortant autour duquel nous discutons déjà de la prochaine ballade...

Pierre DUCROS N°3182

de SAINT GELY du FESC (Hérault)


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