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Passion dangereuse

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Après une année quasi citadine, les vacances me libèrent enfin pour une saison estivale consacrée au vélo et à la montagne. Je m'échappais donc un soir de juillet de ma bonne ville de Rennes à destination des monts du Forez et du Livradois et plantais ma tente au petit matin au camping du "Pré Fleuri", à Saint-Ferréol-des-Côtes.

Tout l'hiver, penché sur mes cartes routières, à la lueur incertaine d'une ampoule faiblarde, j'avais concocté de superbes itinéraires passant en un minimum de kilomètres par un maximum de cols. Ainsi je me couchais et voyageais avant même de m'endormir dans des rêves béats d'exploits et de conquêtes.

Après quelques emplettes à Ambert, je m'empressais de préparer un rapide repas que j'engloutis goulûment. Sans même sacrifier à un repos ténu l'espace d'un instant, je m'harnachais derrière le volant de ma voiture et filais en direction de Vollore-Montagne. Trois quart d'heure plus tard je dépassais le village et m'arrêtais au sommet du col du Pertuis.

Un beau circuit d'environ 80 kilomètres m'attendait. Il empruntait les cols du Frissonnet, de la Plantade, du Beau Louis, de la Charme, des Sagnes et visitait Palladuc, Arconsat et Chabreloche avant de revenir au col du Pertuis.

Je me hâtais d'équiper mon vélo, d'enfiler cuissard et maillot et de mettre mes chaussures cyclistes. Et hop ! ma mise en jambe commença par la descente du Pertuis sur le grand développement. Je remarquais le teint cireux du ciel, mais cela ne m'alarma pas. Cependant, les mouches agaçaient et l'air étouffait. Le paysage était magnifique, la route du Frissonnet serpentait agréablement au coeur d'un décor forestier. La pente était douce et je me sentais léger, aérien, éthéré. Je m'élevais sans effort, allègre vers le sommet quand soudain un chuintement se fait entendre, suivi d'un bruit sec sur le tapis de feuilles mortes que l'automne précédent avait couchées sur le sol. Cela m'intrigua sans plus. Mais à deux reprises ce genre de sifflement assourdi se reproduisit alors que j'abordais le sommet du col du Frissonnet; Je remarquais qu'à chaque fois, des craquements de branches cassées accompagnait ce phénomène. Il m'apparut invraisemblable qu'une pomme de pin tombât avec un tel résultat. Je me tourmentais l'esprit et tentais d'imaginer un écureuil colérique... Quand le chuintement se fait de nouveau entendre, une sorte de météorite stria l'atmosphère près de moi et s'écrasa aussitôt.
Une masse de la taille d'un gros calot se fracassa en plusieurs morceaux cristallins.Mes cheveux se dressèrent sur mon crâne. Épouvanté je réalisais qu'il s'agissait d'un orage de grêle. Le bombardement commençait par cette mise en garde menaçante. Un obus vrombit et s'écrasa en un fracas formidable de verre brisé. J'esquissais alors un demi-tour pour rejoindre au plus vite ma voiture.

Je suis un piètre descendeur et deviens pleutre dès que mon vélo prend un peu trop de vitesse mais là, alors qu'un de ces horribles grêlons monstrueux pouvait à tout instant s'abattre sur ma tête, toute peur s'évanouit. Je tenais mon guidon d'une main, au niveau de la potence. Allongé sur ma machine je dévalais superbe l'autre main protégeant mon précieux chef d'un éventuel impact. Au fur et à mesure que les tirs s'intensifiaient mon style s'améliorait tel un virtuose je négociais les virages sans ralentir me déportant il est vrai sur le côté gauche de la chaussée au risque de percuter un hypothétique véhicule venant à ma rencontre. Le ciel, s'il me tombait sur la tête était tout de même avec moi ; je ne croisais personne. Du reste, si au sommet cela bardait, au bas de la descente tout danger semblait écarté. Je n'en montais pas moins vite pour cela le col du Pertuis en haut duquel je retrouvais avec joie ma voiture. Sauvé !

Je rentrais tranquillement mon vélo à l'arrière quand un coup de cymbale effrayant retentit comme si un gigantesque percussionniste s'était déchaîné sur le toit de ma voiture. Ce fut de nouveau la panique. Je m'enfournais littéralement dans l'habitacle. Mitraille, obus, boulets pleuvaient. Une fin du monde en plein centre de la France. Mais les boulets se transformèrent en petits pois. J'avançais mon véhicule sous un gros arbre tout proche, préférant son abri touffu mais risquant d'être foudroyé.

Pendant une dizaine de minutes, je fus criblé et je me tins recroquevillé sur mon siège dans la crainte de voir le pare-brise voler en éclats. Il n'en fut rien, le calme revint et je pus sortir. Le sol était blanc de grêle et vert des feuilles hachées menues par la tempête. La voiture à mon grand étonnement n'avait subi aucun dommage. Je pus repartir. Depuis, chaque fois que je vois un ciel plombé...

Christian CAMOZZI N°3733

de SION-les-MINES (Loire-Atlantique)


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