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Vivre, c'est chercher de l'espace...

Revue N° 26 Page 05

Programmée par le rythme des saisons et souvent conditionnée par la folie des hommes, notre route d'humain, au quotidien, ressemble plus à un chemin de croix qu'à une partie de plaisir parce que nous passons une grande partie de notre temps à courir après un futur qui s'enfuit toujours plus vite..

De ce fait, les gens ne peuvent comprendre qu'un cyclotouriste, un marcheur ou un skieur, avide de gagner des cols ou des sommets, puisse reproduire un tel chemin de croix en empruntant des routes, des sentiers ou des traces qui ne finissent pas de zigzaguer sur le flanc des montagnes, pataugeant parfois dans du + 40° à l'ombre ou du - 40° au soleil !

Mais, je dirais que notre entourage a surtout beaucoup de mal à imaginer qu'on puisse aimer vivre cette indigestion de montées et de descentes sans en être saturé, qu'on puisse aimer s'aventurer à vélo, à pied ou à ski vers une nature et des grands espaces souvent hostiles alors qu'en voiture..., qu'on puisse aimer s'échapper en nomades d'un monde de sédentaires pourtant si bien organisé....

... pour les rêves et les actes,

On peut répondre à ceux qui ne savent s'isoler ou qui ne peuvent voyager qu'en groupe "tapageur" chassant devant eux, partout où ils vont, la solitude et le recueillement. Sans vouloir revendiquer la performance ou l'exploit sportif, on peut leur expliquer que partir ainsi, rien qu'un jour, rien qu'un week-end, rien qu'une semaine,... c'est d'abord vivre au maximum le temps présent en se dirigeant là où le désir nous pousse... c'est aussi vivre une exceptionnelle aventure humaine, celle qui nous apprend à nous connaître, à nous situer et à nous construire... c'est surtout vivre en liberté, même si celle-ci n'est que provisoire ou restrictive, encore fallait-il se l'approprier... c'est flâner, c'est sentir le vent et la pluie, humer l'odeur des arbres ou les effluves des herbes... c'est tout simplement construire sa légende personnelle !

... pour un voyage initiatique toujours ! Nos mollets se sont forgés au fil des périples et voilà quinze ans déjà que Géraldine et moi-même pédalons, marchons et skions à la découverte de la France et des pays limitrophes. Les virages se succédant à notre rythme, sur des chemins que nous avons toujours voulus à l'écart de la foule, nous élevant doucement vers des cols, vers des sommets, vers ce monde du silence, vers ces lieux où tout est grandiose et fascinant, vers des sites toujours propices à la méditation...
Cet été encore, entre Rhône et Alpes, entre Ventoux et Vercors, sur des vélos bien chargés et des routes que nous voulions jaunes ou blanches sur la carte Michelin, nous affrontions un relief inextricable de creux et de bosses, de vallées et de chaînons aux versants parsemés de multiples plantes odorantes, et ramenions un carnet de route facile à résumer : luminosité, parfums, montées, cols, panoramas, descentes,... allégresse !

Cet été dans les Baronnies, nous nous sentions bien en harmonie, mesurant à quel point le voyage nous réussissait ; là, nos extrêmes se heurtaient parfois mais pour s'assouplir et se compléter ensuite ; là, notre cheminement intérieur suivait la route tracée par nos vélos, une route qui croisa celle des Princes d'Orange, celle des oliviers, celle des abricotiers, celle des tilleuls, celle du lavandin, celles de la Drôme, celles d'un "Paradis pour cyclos"!

Cet été, de Nyons à Buis les Baronnies, en passant par Sainte Jalle, Rémuzat, la Motte-Chalancon, Rosans, Orpierre, Montbrun, Séderon, Sault, Malaucène et Vaison la Romaine, entre les rivières de l'Eygues, de l'Oule, de l'Ouvèze, du Toulourenc et de l'Ennuye, il fallut ajuster un sérieux coup de pédales pour passer les cols de la Croix Rouge, de Soubeyrand, des Vignes, de la Fraysse, de Pommerol, du Collet, de Lemps, de Palluel, de Saulce, des Tourettes, des Michels, de Flachière, de Lantons, de l'Homme Mort, de Perponcher, d'Os, de Fontaube, des Aires, d'Aulan, de Mévouillon, des Vignes, de la Pigière, de Macuègne, de l'Homme, des Tempêtes, du Loup, du Voltigeur, du Veau,... soit un chapelet de 36, égrené au fil des 450 kilomètres parcourus du 14 au 20 août 97 !

Michel HELMBACHER N°1486

de ROSHEIM (Bas-Rhin)


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