Page 23 Sommaire de la revue N° 19 Page 25

MERCI GEGE

Revue N° 19 Page 24

Gégé, c'est le surnom que j'ai donné à un cyclo belge que je ne connais pas. Quoique... J'ai fait sa connaissance au printemps 1990, dans la page 40 du numéro 18/1990 de la revue du Club des Cent Cols.

Germain Geenens il s'appelle, et il m'apprenait l'existence de cols belges ! Une aubaine pour un voisin français de Reims.
Vite sortie du tiroir, la carte Michelin N°214 me révélait effectivement, dans son pli N°5, quatre braves petits cols nichés de part et d'autre de la Meuse et à une hauteur bien sympathique pour des jambes encore peu entraînées en début de saison.
J'ai suivi le conseil de Gégé et j'ai passé une journée formidable chez nos voisins frontaliers. Une fois!

Je vous explique. Je suis parti de Givet, ville française située au fond du doigt qui s'enfonce dans la Belgique ; un vrai petit port, avec ses bateaux, ses marins et même ses mouettes, une vraie forteresse avec son imposant fort construit en 1555 par Charles-Quint, et, si le cœur vous en dit, vous pourrez aussi visiter son musée de la pipe en terre.

Bref, je suis parti de Givet et au bout de quelques kilomètres, après avoir franchi une douane débonnaire, j'ai retrouvé le bord de Meuse, un véritable fleuve bordé de dunes verdoyantes et sillonné d'un incroyable va-et-vient de bateaux de plaisance de toutes espèces, Hollandais en tête.

Vingt-trois kilomètres, et me voilà à Dinan rive gauche. Dinan, ma première ville belge, ardente, vivante, qui occupe un site remarquable dans la vallée. Dinan dominée par le clocher bulbeux de sa collégiale et surplombée par la masse de sa citadelle, position clé qui lui valut d'être martyrisée maintes fois au cours des siècles.

Je continue à longer la Meuse toujours verte, toujours bleue, toujours blanche, et je découvre en bord de route le Château de Freyr posé au milieu de sa superbe cadre : d'un côté de la Meuse, le château au milieu de son jardin à étages ; de l'autre côté, les roches tourmentées plongeant directement dans le fleuve.

Enfin, à Annevoie-Bouillon, Km 35, j'attaque à gauche une rude montée qui m'amène au premier col : le Col de Marly (205 m). Le poteau indicateur de sommet est atteint au bout de deux petits kilomètres. Un kilomètre de descente pour atteindre Arbre et de nouveau c'est la remontée par une route de béton strié pas très confortable jusqu'au Col de la Charlerie (225 m).
C'est au Chêne à l'Image qu'il faut tourner à gauche et se faufiler dans le lacis des chemins vicinaux multiples pour découvrir quatre kilomètres plus loin le Col de Suary (198 m). A ce moment, il reste quatre kilomètres de glissades au travers d'une suite ininterrompue de magnifiques petites propriétés verdoyantes, boisées et fleuries de la banlieue de Namur pour se retrouver au bord de la Meuse, fil d'Ariane de ma balade.

Voilà donc Namur. Ou plutôt son énorme citadelle reliée aux berges du fleuve par un téléphérique constitué de petits œufs multicolores d'un curieux effet. Un coup d'œil au Pont de Jambes, pont de pierres rudes comme l'histoire de l'endroit. Je ne prendrai pas le temps de visiter Namur et continue à longer la Meuse du même côté, sur la petite route qui m'emmène à Marche-les-Dames, point de contrôle du Brevet des Provinces Belges, frère de notre Brevet des Provinces Françaises. Des roches déchiquetées surplombent la route de 70 mètres. C'est en escaladant l'un d'eux que le Roi Albert, roi de Belgique, se tua en 1934. L'endroit est depuis devenu un lieu national de culte du souvenir qui ponctue la route sur plusieurs centaines de mètres.
C'est quelques kilomètres plus loin, à l'entrée de Namèche, que je décide de traverser la Meuse pour m'enfiler dans la vallée verdoyante et pittoresque du Samson. On y voit des cavernes qui datent de l'époque préhistorique et aussitôt après, un saisissant pastiche d'une forteresse médiévale. Quelle variété de spectacle s'engouffre dans mes yeux depuis ce matin, moi qui n'étais venu que pour quelques cols sans prétention.

Justement, en voici un qui s'annonce : le Col de la Ronchinne (240 m), où je croise, juste devant le poteau indicateur, deux couples de cyclo promeneurs à l'air... bien assagi et bavardant à qui mieux mieux.
Peut-être mon ami Gégé était-il l'un deux ?

Une magnifique dégringolade me fait revenir en bord de Meuse avec toujours son spectacle de péniches et bateaux allant et venant. Et sur les hauteurs, 125 mètres au-dessus de la route, s'aperçoivent les ruines du château de Poilvache. Bref, me revoici à Dinan. Gourmand comme je suis, je n'ai pas pu m'empêcher d'acheter un paquet de "couques". Vous ne connaissez pas ? Ce sont des gâteaux au miel, cuits dans des moules en bois sculpté donnant toutes sortes de formes décoratives.
Les couques sont d'une consistance surprenante ! Dents fragiles et dentiers s'abstenir ! Je vous en recommande la découverte.

A un kilomètre de là, la route s'ouvre en deux, fendue par le Rocher Bayard, une haute aiguille de roc que, paraît-il, le Chevalier Bayard aurait fendu d'un coup de sabot pour échapper à Charlemagne. Quelle histoire !
Ma promenade continue, calme et tranquille, le long de la Meuse jusqu'à Anseremme. C'est là que se jette la Lesse, petite rivière montagnarde, fief des amateurs de descente en canoës-kayaks. Ces petits engins pullulent d'ailleurs partout, c'est un envahissement qui surprend en cette région.

Mais que se passe-t-il donc ? La route quitte les berges de la Meuse et se redresse pour se lancer à l'assaut de la crête cachée. Suis-je bien en Ardennes ? Voici Falmignoul, autre point de contrôle du Brevet des Provinces Belges. Si par hasard vous suivez mes traces un jour, je vous souhaite d'avoir le temps de visiter le "Musée du Cycle, de la Moto et de l'Affiche 1900" ; vous y verrez les ancêtres de votre chère petite reine : les célérifères, la draisienne de 1817, des vélocipèdes variés, enfin la bicyclette d'Eddy Merckx avec laquelle il gagna le Tour de France 1970. Et puis cela vous permettra de souffler avant d'attaquer la dernière et raide pente de la journée. Et ce n'est même pas un col !

Tant pis, nous y sommes ; tout au bout du bout de la France. Et avec le toboggan qui dévale sur Givet se termine ma balade de la journée : 127 kilomètres, 4 cols et un parcours bien cyclo, bien touristique, en un mot, tellement... cyclotouristique.

Ami cycle, belge Gégé, merci !

Gabriel Barillet

N°2959 de Reims


Page 23 Sommaire de la revue N° 19 Page 25