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Le col Pers – Alt. 3009 m

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Lanslebourg - Ce 8 août 1988. Le ciel était au grand beau en cette matinée d'été. Mais pour affronter ce 3000 m, nous avions pris les équipements que nous jugions utiles, suivant l'araignée qui nous courait dans la tête. Mon ami ROBERT: des chaussures à tige, un short, et un V. T. T. Moi, mêmes chaussures, mais pantalon de montagne, anorak dans mon sac à dos ; fort de l'expérience du 24 juillet, où ceux qui ont fait ce jour là l'Iseran et ou le Cormet de Roselend, se souviennent des douches glacées prises là haut, malgré un ciel tout bleu jusqu'à 10 h 30 !! et puis un vélo de 8 kg pas lourd à porter.

C'est ainsi que nous avons fait d'abord l'Iseran. L'Iseran ? on l'a décrit sur toutes ses coutures, sauf une. Pour moi, ce géant, qui m'a toujours fait peur a accouché d'une souris = 6 km de montée, 2 de descente. Puis 7 km de montée, et autant de faux plat, ou légère montée vers Bonneval. Et, une fois bien chauffé : 13 km d'une belle pente, pour accéder au col. C'est au cours de cette dernière partie de la montée que tu découvriras à l'Est : Le Col Pers. Son flanc gauche, à cette époque de l'année, est constitué d'éboulis provenant de l'aiguille du même nom. Du dessous du col, naît et descend un torrent. La partie droite, qui est encore enneigée en cette saison, sert de piste d'été pour la station de Val d'Isère.Tout au moins le matin.

Te voilà "branché" pour le principal. Le détail suit... Mais chaque chose en son temps... Nous sommes montés à l'Iseran, dans l'équipement ci-dessus, sans voiture suiveuse, suant chacun à notre façon... Puis, après l'effort : le réconfort. A 12 h, nos épouses nous rejoignaient au restaurant du col, pour un "machon" digne de cyclomontagnards. Que diable, il fallait prendre des forces pour les efforts passés, et ceux à venir!! Ah oui, au fait. Il était 14 h lorsque nous sommes sortis de table, et IL était toujours là, et nous ici !! Oh ! tu sais, ami muletier, ce n'est pas la mer à boire, que de monter là haut. L'Iseran est à 2764 m et le Col Pers à 3009 m d'où une dénivelée de 245 m. Sachant qu'un montagnard monte 400 m à l'heure, nous avons mis le même temps après moult arrêts.

Maintenant entrons dans le vif du sujet. Du col de l'Iseran, une route goudronnée de 1 km environ va desservir le télésiège de la station. On a ainsi l'impression d'être au pied du col et de gagner du temps. C'est faux. Car les éboulis de schistes graniteux qui reioignent le sentier sont pentus et pas commodes à monter, avec un vélo sur le dos surtout un V.T.T.

Au col de l'Iseran, il faut monter en haut et à gauche du parking à voitures. Tu y trouveras le début du sentier qui monte au col. On passe ensuite à droite d'un bâtiment, et puis, vogue la galère.

Mon ami enfourcha gaillardement son V.T.T. et moi, je mis mon vélo sur l'épaule. Nous n'avions pas fait 100m qu'il y avait déjà un premier obstacle à franchir : une large et profonde entaille dans le sentier. Robert fut obligé de descendre de monture ; moi je fis un pas et le tour était joué. Plus haut, des blocs à contourner, même scénario. Et puis, il y eut un névé à traverser. Mais à cette heure, et à cette période de l'année, ce ne fut pas un obstacle. Plus loin, du sommet d'une bosse, on vit couler dans le bas, un torrent de 4 m de large et de 20 m d'eau, qu'il fallait franchir. Pour moi, un peu d'eau glacée dans les souliers, çà rafraîchit les idées... Mais pour le possesseur du V.T.T., quid facere ? Descendre la butte en vélo et franchir le torrent sur la monture, au risque de trouver sous les roues un caillou vicieux qui envoie son cavalier faire comme moi ; et c'est au bout de cette marche à peu près plate... où le V.T.T. ne sert à rien, comme tu le vois, que nous avons abordé la partie du sentier pentue, vélo sur l'épaule pour tous, qui en 4 ou 5 lacets monte dans les éboulis.
Avant d'arriver au col, il y a un petit plateau qui fera le régal des minéralogistes. Car là haut se trouvent des roches calcaires trouées exactement et ressemblant à des éponges naturelles. Il y en a de cette taille, d'autres plus petites. Un beau souvenir à ramener d'un col de plus de 3000 m. A gauche, se trouve un cairn ayant la forme d'un cube de 1 m sur 1 m : dans une minute, c'est gagné, tu auras ton premier 3000 m. Avec en prime; la vue bien sûr, la photo souvenir, mais surtout une victoire sur une altitude qui paraissait très difficile à conquérir, et qui en somme est très facile, pour ceux que le portage ne rebute pas, pendant une heure de montée.

Descendre, fut une autre histoire. Nous en avions assez de ces lacets dans la caillasse, et de voir en face la piste bien unie de ski d'été. Elle nous tentait !! Cette année, à cette époque de l'année, c'est plutôt, une succession de névés, larges d'une cinquantaine de mètres. Nous succombâmes donc à la tentation, et mîmes nos montures à l'épreuve... Que diable, à 15 h 30, par un beau soleil, nous aurions aimé la descendre, soit en V.T.T., soit avec mes boyaux. Mais enfonçant dans une "soupe" de 20 cm nous prîmes le taureau par les cornes et descendîmes par la directissime: "sous les câbles", qui aboutit au pied de la station et à la route.

Nous nous sommes faits une bosse de rire, pour descendre, je te le dis. Pas commode de rester sur la selle et de conduire ces montures dans la pente !! De vraies mules, qui nous envoyaient promener cul par-dessus tête, l'homme d'un côté, le vélo de l'autre. Alors nous avons compris. Et c'est le vélo d'un côté, l'homme de l'autre, que nous sommes descendus jusqu'à la route ; le tour était joué.

Pas tout à fait cependant. Car nos épouses nous attendaient près de la voiture. Et dans la voiture, qu'y avait-il ? Mon ami Robert qui avait apporté une bouteille de champagne. Elle était au frais, et ne fit qu'un pli !! Et comme on ne marche pas que sur une seule jambe, la deuxième bouteille passa de vie à trépas, à l'hôtel, au salon, après le dîner. On parla de la journée passée, et des projets pour l'an prochain : le Jandry, un autre : 3151 m. Et si tout va bien : en haut du glacier qui sert de ski d'été aux Deux Alpes, le col du Puy Salie : 3399 m, plus quatre cols de plus de 2000 m qui sont autour. L'ami Poty les a fait en V.T.T. sauf le Puy Salie. Mais pour nous, ce sera une autre histoire.

Aux Cyclos de la plaine : En vélo, certains ont des accidents stupides. Il en est de même en montagne. Sachez que si le Col Pers est une promenade de jeune fille quand le sentier est bien tracé, déneigé, fait par beau temps et aux heures chaudes, il peut devenir dangereux s'il y a de la neige, ou si le mauvais temps et le brouillard vous prennent. N'oubliez pas que vous "chatouillez" les 3000m et que la montagne est une grande dame à respecter, et qui a ses règles...

Lucien BEROD

NICE


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