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Petite histoire des grands chemins

Revue N° 12 Page 19

Lors de voyages à bicyclette-ce qui est pour moi la meilleure forme du cyclotourisme, il est bien rare que l'on ne rencontre pas quelques aventures. L'essentiel est qu'elles soient pas malheureuses ou tragiques, tout au plus un peu désagréable. On garde évidemment bien mieux le souvenir de celles qui furent savoureuses ou plaisantes, se terminant agréablement sans bouleverser un programme de vacances longuement préparé.

Celle qui suit date de 1934... déjà un demi siècle. Ayant, en cyclo solitaire, parcouru l'Alsace en tous sens, escaladé tous les cols vosgiens, je disposais, grâce au beau temps persistant encore d'un capital de quelques jours et je décidais d'employer cette avance à un tour en Suisse avant de regagner Lyon.

Cependant, contrairement aux journées ensoleillées d'Alsace, je ne fus pas favorisé par le temps et c'est ainsi qu'un soir à Interlaken, après 2 ou 3 jours de pluie diluvienne ininterrompue, tout trempé malgré la pèlerine mais surtout dégoûté de cycler avec un tel temps, ayant en vain cherché une chambre dans tous les hôtels, j'échouais dans le hall de la gare pour consulter les horaires et les possibilités de me rapatrier à Lyon par les voies les plus sèches et les plus rapides des chemins de fer fédéraux et français.

Perdu dans mon étude je sentis une main s'appesantir sur mon épaule en même temps qu'une voix dépourvue d'amabilité m'invitait à montrer mes papiers.

Le quidam était un civil je refusais mais, m'ayant montré sa carte d'inspecteur de police et invité à le suivre pour vérification je ne pouvais qu'optempérer tout en protestant et promettant de me plaindre au plus proche consul de France. Lui ayant prouvé mon identité de façon indiscutable grâce à de multiples papiers (livret militaire, permis de conduire, cartes F.F.S.C., T.C.F. etc..) et expliqué mon voyage cycliste, mes intentions et mes difficultés du moment, mon policier conscient de sa maladresse et aussi de ma promesse précédente d'en référer au consulat, s'excusa beaucoup en m'expliquant que son intervention était due à ce que mon signalement semblait correspondre à celui d'un malfaiteur qu'il recherchait. Ce n'était certes pas flatteur, à vélo on ne peut se présenter comme un dandy mais tout de même !
Pour effacer complètement la fâcheuse impression que ce contact avec la police suisse pouvait me laisser il se mît à ma disposition pour m'aider si nécessaire. Mes difficultés hôtelières exposées, après m'avoir offert un apéritif de... réconciliation, il m'accompagna à un hôtel où sur sa grande recommandation, j'eus de suite une chambre confortable et un repas particulièrement soigné propre à me rendre l'optimisme.

Le lendemain il faisait presque beau et, renonçant à tout retour ferroviaire et prématuré, je repris la route confondu devant la modération de la note étant donné la classe de l'hôtel et les prix pratiqués dans cette ville de grand tourisme.

C'est ainsi qu'ayant failli coucher "au violon" je fus hébergé à des conditions incomparables grâce à ma ressemblance (?) avec un bandit de grand chemin et à l'initiative (à défaut de perspicacité) et à la recommandation efficace d'un policier suisse.

Francisque FERLAY

Charbonnières les Bains (69) 80 ans !


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