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LA CORSE ET SES COLS

Revue N° 07 Page 26

Premier contact avec la Corse, le soir du 26 août, sur le "Napoléon", doublant les îles Sanguinaires et pénétrant dans le golfe d'Ajaccio. Le projet des 19 jours qui vont suivre : l'intégrale des cols corses... Mais quel travail pour établir un itinéraire qui tente de résoudre toutes ces contraintes : temps limité, faire tous les cols routiers, éviter des journées trop longues qui ôtent au tourisme à bicyclette tout l'agrément de la flânerie, trouver un hôtel chaque soir, ne pas refaire les mêmes routes, visiter tous les sites touristiques et tous les B.P.F..

Enfin, au prix de2000 kilomètres et 4000 mètres de dénivelée, on rajoute 157 cols routiers à sa collection. Un bon tiers ne donne aucun mal, même avec 10 kilos de bagages et, en dehors de Bavella, Vizzavona, Battaglia et Sorba, plus quelques autres, le pourcentage est "de promenade". Restent les routes, quelles qu'elles soient, nationales ou vicinales, passant d'un extrême à l'autre, merveilleusement lisses une fois refaites ou... les mots manquent pour décrire une telle horreur faite d'un rapiéçage continuel de revêtements de toutes compositions (souvent six couleurs différentes), tous à des hauteurs différentes et où prolifèrent les trous de toutes tailles, artistement disposés, emboîtés, semés de cailloux quand ils ne sont pas remplis d'eau ou de sable. Sur ce type de "route" (exemple : Pilla Canale - Sollarco - pli 17). La descente devient une vraie corvée et les prophètes du 650 opéreraient là des conversions par milliers à leur religion. Par ailleurs, les trous, les gouffres, naissent comme spontanément sur des routes neuves, d'autant plus redoutables qu'ils sont inattendus. Je ne parlerai même pas des routes en "travaux". Le cyclo apercevant le sinistre triangle jaune doit s'attendre à tout, l'absence momentanée de toute trace de revêtement étant courante. Il s'agit généralement de traverser quelque chose comme un champ labouré ou un reg saharien, en évitant les engins de chantier et les voitures arrêtées...

Tout de même, il y a énormément de belles routes et toujours tranquilles, à condition d'éviter la côte. Dans ce pays tourné vers l'intérieur, on rencontrera parfois des hommes jeunes en costume traditionnel, montés sur un âne, pour tout véhicule.

Dimanche 27 août : Départ d'Ajaccio vers le Nord. De la côte vers Porto, l'intérêt va grandissant, de col en col jusqu'à celui d'Osini (404 m) qui surplombe la mer et jusqu'au relief étonnant des Calanches. Nuit à Evisa, après une longue montée dans les gorges de Spelunca.

Lundi : Nous découvrons les immenses pins Laricio de la forêt d'Aïtone, au matin. Le col de Salto, non revêtu, non signalé, qui était au programme de la journée, sera pour une prochaine visite ! En haut de Vergio (1464 m), le plus haut col routier de l'île, une troupe de cochons sommeille au soleil, attendant de profiter des pique-niques des visiteurs. Il faut monter à pied au nord du col pour apercevoir la curieuse montagne, Capo Taffonato, percée de part en part par l'érosion. Le Cinto est dans les nuages.

Dans la descente, nous nous arrêtons à Calacuccio, dans la vallée si pittoresque du Niolo. Découverte des merveilleuses galettes au fromage de brebis à la boulangerie.

Corte, vieille capitale, abritée par la majesté du Monté Cardo, un des plus hauts de l'île. Ville animée et sympathique.

Mardi - Mercredi : Bocognano - Bastelica - Sta Maria Siché - Que de détours... mais une mention spéciale au col de Tartavello (900 m) pour sa route exemplaire, calme, pittoresque et découverte d'un panorama admirable.

Jeudi : Nous longeons la côte au sud de Coti-Chiavari. Ici, comme partout, les promoteurs ont encore du travail pour transformer le maquis et les plages désertes en murs de béton.

N'oublions pas, entre deux cols, la station préhistorique de Filitosa qui présente un art mégalithique injustement mal connu : les statues-menhirs.

Vendredi : Journée idéale autour de Sartène - le col de Billia (491 m) offre une des plus belles vues de l'île, jusqu'aux aiguilles de Bavella, échine de monstre préhistorique.

Il a fallu renonce à faire le col de Piavone (514 m - 3 km au sud de Sartène). La hache est conseillée au minimum...

Samedi : Bonifacio possède le col corse le plus agréable. A 32 mètres, le col St Roch surplombe la mer et l'on descend un escalier pour se baigner dans une eau presque tiède. Le Soulor ne peut pas en dire autant et certains membres du club présent à la RCP cette année (C. Carle, H. Bosc...)le regretteront avec moi ! Ajoutons que Bonifacio constitue une visite agréable et que cette petite ville est dotée d'un restaurant aux prix honnêtes (cf. guide 79). Vu la rareté de la chose, cela devait être signalé !

Dimanche : Choses plus sérieuses avec la montée à Zonza par le col de Bacino (808 m). Une chaleur un peu étouffante.

Lundi : Bavella, au soleil levant. C'est vraiment grandiose et la descente Est est raide ! On retrouve la civilisation des loisirs sur la côte et on remonte vers l'Ospédale, doublant deux marcheurs... poussant des vélos invraisemblablement chargés. Que retirent, par manque d'information, par désinvolture, ces deux jeunes allemands, du charme du cyclotourisme ? N'oublions pas, en extra, la Bocca di Mela (1100 m). Les deux cents derniers mètres sont fortement déconseillés aux boyaux.

Mardi : Ghisoni - Vezzani. Nous avons passé le défilé des Strettes sous un déluge bien méditerranéen. Heureusement, les corses sont rassurants : "... ça va s'arranger demain". C'est un des rares départements français où ce genre de prédiction se réalise !

Mercredi - Jeudi : Corte - Bustanico - Moïta - Piedicroce. Routes vertigineuses et étroites, en corniches successives au dessus de Tavignano. Les villages en schistes sont construits sur les méplats rocheux, le long d'une unique rue. Le jeudi soir, nous sommes en Castagniccia; elle rappelle les Cévennes, noyée sous les châtaigniers d'où émergent les très hauts clochers des églises pisanes, signalant les villages.

Vendredi : De Piedicroce à Bastia, c'est d'abord l'île de Monte-Cristo en vue depuis Prato (980 m). Le col de Teghie (930 m), proche d'un mauvais chemin empierré appelé pompeusement D37, est loin d'être revêtu et même cyclable, si ce n'est pour les amateurs d'épneux divers... Quant à la Bocca de Chercheroni, transformée des deux cotés en bauge à cochons (puisqu'on vous le dit), elles n'est pas cyclable du coté où l'on pense.

Samedi : Cap Corse et chaleur forte. Les délices des figues de barbarie - ainsi nommées pour leurs épines, hélas. Et l'admirable côte ouest, du haut de la grande corniche (Bocca di Minervio - 300 m).

Dimanche : Le défilé de Lancone est tristement noirdes cendres des feux de maquis tout récents. Conséquence de l'abandon progressif des terres... Bocca di Bigorno (885 m) : c'est caillouteux à souhait et dépaysant. Paysage désertique mais plus bas l'admirable chapelle de San Michele (romane).

Nous regagnons St Florent tout en faisant provision de figues - civilisées celles là - sur les bords de la route.

Lundi : Grande chaleur pour le col de la Croix (513 m) avec sa curieuse gare - 150 m au dessus du village- Bocca Campana (844 m), puis montée très raide pour la Bocca de Battaglia où les cartes IGN et Michelin rivalisent de bêtises quant au dessin de la route !

Mardi - Mercredi : L'île Rousse, Calvi, puis la côte vers Porto et nous pique-niquons mercredi midi à la Bocca Lenzana (130 m). Seuls pour admirer les porphyres rouges du golfe de Porto, les voitures ne pouvant se garer... vive le vélo !

Jeudi : Les derniers cols... et le bilan. Peut-on parler des corses, tantôt sympathiques, tantôt d'un accueil mercantile. Faut-il parler des paysages admirables dont la variété est à peu près unique sur une si petite surface. Faut-il regretter la côte parfois défigurée, les décharges d'ordures éparpillées dans toute l'île ? Faut-il préférer l'intérieur, plus traditionnel, la côte somptueuse ?

Bref... ! Allez donc voir vous aussi !

Philippe GIRAUDIN

Paris (75)


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