Revue N°2 page 22

"LE STELVIO"

de Bernard PIGUET, de CLERMONT-FERRAND (63)

 

    Quelle belle initiative que la création du Club des CENT COLS! N'est-ce pas pour le sociétaire, un excellent moyen de se remémorer les difficultés, les régions et les routes parcourues depuis sa première aventure en montagne ? Parce qu'il faut bien le dire, une randonnée en montagne est toujours une merveilleuse aventure. C'est cela qui nous attire malgré le risque fréquent d'être abandonné par ses forces physiques et par contrecoup, morales. Car la pratique du vélo et, de plus, en montagne, permet un engagement physique total.

    Pratiquant ce que l'on appelle le "cyclotourisme" depuis 4 ans seulement, J'ai pu parcourir 27.000 kilomètres et franchir 113 cols différents, et je n'aurais jamais pensé obtenir autant de satisfactions.

    En effet, il me semble qu'auparavant je n'avais pas pratiqué le cyclisme sous sa meilleure forme et je n'aurais su me trouver le temps de faire connaissance avec la haute montagne. D'autre part, le milieu cyclo est attachant, n'étant fait que de sympathie et de franchise, où le terme "sport" obtient sa véritable signification. Les quelques rares compétitions rendent un verdict net et admis de tous, d'autant plus qu'il est sanctionné le plus souvent par la montagne.

    A la suite de ces quelques considérations, je me propose de vous faire connaître un beau parcours de montagne.

    En ce jour du 22 Août 1973, mon programme m'offrait l'étape Spondigna Ponte di Ligno, 91 Kms. seulement, avec les ascensions des cols du Stelvio et du Gavia, 3.270 mètres de dénivellation (carte Michelin No 24).

    Cette étape était incluse dans un circuit de Côme à Côme par la Suisse, l'Autriche, les Dolomites et Alpes Italiennes. Spondigna est pratiquement le pied du versant Est du Stelvio, le plus remarquable. La route dont les 48 tournants sont numérotés, est une des plus spectaculaires des Alpes, elle offre des vues splendides sur les glaciers de l'Ortlès et de l'Eben.

    L'Ortlès est un massif qui possède plus de 100 glaciers dont la superficie atteint 190 Km2. Techniquement, le Stelvio est une merveille avec ses 24,5 Kms. de véritable montée pour 1.842 mètres d'élévation, cela donne un pourcentage moyen de 7,53%. Pour ma part, c'est la plus grosse difficulté que j'ai faite, elle soutient la comparaison avec le couplage Télégraphe - Galibier. A mon avis, le Mont-Ventoux Sud vient directement derrière dans l'ordre des difficultés, cela compte tenu que je n'ai pas encore escaladé le Parpaillon, le Restefond, la Bernina Pass, qui devraient se situer dans le voisinage de tous ces "Seigneurs de la Montagne" (je ne me prononce que sur les cols routiers). Bien sur, certains cols comme l'Iseran, la Furka, le Grand-St-Bernard, le St-Gottard, ont des dénivellations égales ou même supérieures, mais les difficultés sont plus réparties avec des temps de repos.

    L'ascension du Stelvio se distingue en 3 secteurs :

1) de Gamagoi à Trafoi, 4 Kms. à 6,9% ; la montée est plus sèche et possède des paliers.

2) de Trafoi au sommet, 14 Kms. dont les 12 derniers ont une pente régulière de 9%. Ce secteur représente la difficulté de la montée du relais de T.V. du Chat depuis le Bourget du Lac ; très indicatif pour ceux qui ont le plaisir de connaître, évidemment le revêtement est meilleur. Le col ne s'aperçoit qu'à 7Kms du sommet, au niveau d'un Hôtel-Refuge, la super-position des lacets offre une vue saisissante. Un détail intéressant, les bornes de virages indiquant le kilométrage et l'altitude : cela permet de mesurer sa progression.

    Dans les Dolomites, le Pordoï et le Falzarego possèdent le même système; Sinon, pour les autres cols des panneaux indiquent chaque centaine de mètres : ce procédé est très intéressant pour le cycliste. La descente sur Bormio ne peut pas se faire très rapidement et elle est même pénible, compte tenu des innombrables épingles et de la succession de galeries et de tunnels où la visibilité est mauvaise.

    Après une rapide vision de Bormio où l'on retrouve une chaleur incommodante, il reste le Gavia devant soi, un très joli morceau aussi avec ses 1.400 mètres de dénivellation. La première partie, la vallée montante conduisant à San Caterina Valfurva, se passe assez bien, néanmoins il est pénible de reprendre le rythme de montée et il faut quand même s'élever de 500 mètres.

    Le col proprement dit commence à San Caterina et ma surprise fut de ne plus trouver de goudron sous mes roues. En effet, la route est ravinée, pas cylindrée et la couche supérieure est molle mais heureusement un peu humide de quelques pluies des jours précédents. Le seul avantage, l'extrême fluidité de la circulation automobile, ce qui permet d'utiliser la bande chaussée convenant le mieux. Les 12,5Kms. conduisant au col sont à la pente moyenne de 7 % mais avec des passages de 14 % et même plus, et en réalité ces kilomètres paraissent bien longs. Il existe seulement des bornes kilométriques identifiées d'un chiffre et il faudrait prendre garde à la première afin de mesurer sa progression, chose que je n'ai pris garde de faire. De ce fait, mon seul repère était le temps mais la vitesse dans un tel col est trompeuse d'autant plus que les indications kilométriques restent douteuses. Le réflexe du cycliste est de chercher du regard le but à atteindre, on espère le découvrir à chaque virage et en général on est déçu autant de fois ; ce but, on l'aperçoit à 1500 mètres du col seulement, au niveau du refuge A. Berni.

    Le versant Sud était habité de quelques nappes de brumes et offrait un visage sinistre entretenu par les cris de choucas. La route est taillée en corniche au-dessus du gouffre et ne possède pas de garde-fou. Ce versant serait le plus intéressant à escalader, il possède des pourcentages impressionnants et les 16,5 Kms de la carte Michelin (les P.C. italiens indiquent 18 Kms et plus) permettent une élévation de 1.360 mètres, ce qui est remarquable compte tenu de la pente assez faible des 5 ou 6 derniers kilomètres qui redeviennent goudronnés. Le fait d'entrer à Ponte di Ligno, coquette station surpeuplée d'estivants, est tout de même réconfortant même pour celui qui apprécie la tranquillité.

    Pour rester technique, je vous dirai que le développement à utiliser pour les 12 derniers kilomètres du Stelvio et du Gavia sont les braquets minimum de toutes randonnées montagnardes sérieuses. Je me tairai quant à celui que j'ai utilisé afin de ne pas choquer les gens persuadés que le cyclotourisme doit être réservé aux uniques promeneurs. Mais ce braquet est celui qui permet d'escalader dans les meilleures conditions, l'Izoard depuis Arvieux, la Forclaz de Montmin, le Relais T.V. du Chat, la déviation de la Forclaz de Martigny, les pentes dominant Plan-Lachat et aussi certaines du Tourmalet.

    Avant de conclure, je voudrais m'excuser auprès de certains d'entre vous, de m'avoir trouvé plus technique que poète, mais j'espère vivement que chacun obtienne de cette lecture des éléments positifs, soit sous forme de projets soit sous forme de souvenirs, car pour ne rien cacher, de telles randonnées s'improvisent rarement, on les mijote pendant plusieurs années parfois. C'est ainsi que j'ai escaladé plusieurs fois sur la carte routière le Parpaillon, le Restefond, le Nufenen et autres.

    Je suis impatient de passer à la réalité et de voir leurs silhouettes se profiler à l'horizon, l'an prochain .....    peut-être.

 

Bernard PIGUET.