Revue N°2 page 18

COL ou PAS COL

de Roger SAVOYAUD, de GRENOBLE

 

    Trop tardif et trop discret, ce Club des Cent Cols. Si J'y avais pensé il y a cinquante ans quand je débutais aux Aravis, combien de cols se seraient entassés ? Une fois connue la règle du jeu, les 280 et plus qui sont sortis de mes carnets m'ont bien étonné. Je n'avais jamais fait le total et je garderai ma méthode sauf pour le rapport annuel.

    Maintenant que le virus m'a  atteint, je me suis amusé à tout compter avec les innombrables répétitions des cols voisins et familiers, la Placette, Menée, Porte, le Galibier, etc..   J'en trouve plus de 1100. Mais voilà ! Qu'est-ce qu'un col ?

    Sur mes 280, il y en a que le règlement m'a fait retenir et qui ne le méritent guère : dans l'Estérel, j'en ai un à moins de 100 mètres ! Alors pourquoi pas la côte de Picardie ou les Champs Elysées ?

    Randonnant en Haute-Savoie, nous avions choisi une unité, le Châtillon. Un Châtillon, c'est la dénivelée entre Marignier ou Cluses et le village de Châtillon, posé sur son col qui n'en était pas un sur les vieilles cartes, qui disaient Châtillon et c'est tout. Cela fait à peu près 250 mètres et c'est bien le moins qu'on puisse demander à un col pour représenter un effort soutenu.

    Alors, en partant de là, un col vaudra 3 Châtillons, ou 5 Châtillons, cela a quand même une autre allure que de dire 285 mètres ou 650 : il passe dans le calcul un peu de l'air des cimes. Quand on regarde, c'est une façon de parler, le Galibier en sortant du pont sur l'Arc à St-Michel de Maurienne, la grimpette de 7 à 8 Châtillons vous donne un petit frisson, de crainte ou d'orgueil selon la forme du jour.

    Et ce n'est pas parce qu'au B.R.A. on aura absorbé la dose prescrite et massive de 18 Châtillons qu'il faudra se prendre au sérieux. Nous sommes des touristes, des sportifs, nous ne roulons pas pour comptabiliser des cols mais pour notre plaisir.

    Quelquefois même, pour le plaisir des promeneurs avertis qui apprécient notre style, et plus souvent pour l'envie des malheureux gosses parqués dans la voiture des parents, et qui nous dévorent des yeux en écrasant leur nez sur la lunette arrière.

    C'est à eux qu'il faut injecter le virus des Cent Cols, s'il leur arrive un jour de se voir gratifier d'une bicyclette utilisable. Mais  pourquoi les constructeurs les plus connus gâchent-ils leur métier, et l'agrément futur de leurs clients, en montant des pignons qui n'ont rien à faire sur nos parcours ? Que cela se produise à Lille ou à Bordeaux, passe encore, à la rigueur à Paris ou à Rennes où pourtant on trouve aussi de sacrées côtes, mais dans les Alpes, les Pyrénées et le Massif Central, on ne comprend plus. Qu'ils aillent grimper la Grande Corniche avec le développement de Poulidor et même bien moins, c'est encore trop et ils sont dégoûtés pour la vie.

    Le vélo construit pour la montagne ne devrait plus  être une rareté. Evidemment, l'apprenti coureur arrivera toujours à l'Izoard au prix d'efforts désordonnés, mais peu faits pour l'encourager à persévérer s'il n'est pas du bois dont on fait les champions.

Roger SAVOYAUD.