Revue N°2 page 9

SUR UN THEME QUI NOUS EST CHER

de Fernand VIDY (Neuville-sur-Saône)

 

    Route courant au grand soleil, ou se faufilant sous une voûte ombragée comme l'allée d'un parc. Route sinuant au long d'un cours d'eau qu'enjambe un vieux pont et dans lequel viennent parfois se briser les reflets d'un moulin devenu muet, ou de quelque château qui a vu beaucoup de choses ..... Routes de plaines et de collines, traversant maints villages fleuris, butant tout à coup sur la vieille église romane que nous y venions chercher, ou celle, inattendue, dont la découverte fera notre bonheur d'un moment.

    Routes riches et joyeuses, que l'on ajoutera les unes aux autres pour en constituer dans notre mémoire un véritable trésor, bien à l'abri celui-là de toute dévaluation future.

    Topazes ou émeraudes, saphirs ou rubis, ce trésor n'en serait néanmoins pas tout à fait un si nous ne lui ajoutions la pièce maîtresse, le diamant de cette route des cols où je veux revenir aujourd'hui.

    Je ne vous apprendrai rien, mes camarades, en disant qu'aucune autre ne peut s'y comparer : la plus exigeante, mais la plus généreuse aussi. Celle où, selon les circonstances, la grogne et l'euphorie se révèlent les plus intenses. Celle qu'il faut consommer en dégustateur et non en goinfre, où chaque mètre gagné apporte sa récompense et chaque virage sa surprise. Celle où l'on ne se sent plus tout à fait "comme les autres" où l'indéfinissable transformation qui s'opère en nous au fur et à mesure de notre ascension nous est comme ce Retour aux Sources qui reste le privilège des Sages.

    Puis, venue la descente, c'est le glissement silencieux que trouble à peine le chuintement des pneus, et parfois le crissement bref du coup de frein indispensable, car notre témérité reste prudente, et lucide notre folie de vitesse.

    Rares, bien rares sont les routes des cols franchis et dont ma mémoire n'a pas gardé quelque chose. De ceux où je ne suis passé qu'une fois dans ma vie de cyclo, il me reste toujours cependant quelque fragment de souvenir, une bribe d'image, comme le dernier pétale d'une fleur qui a séché entre les pages d'un livre.

    Ne me demandez pas quel fut celui qui m'a le plus touché, car je vous répondrai : Tous, ou à peu près. Je garde pourtant une prédilection pour quelques uns parmi les "humbles", ceux dont on ne parle presque jamais, que le Tour de France des coureurs n'a pas appris aux foules. Des coriaces, comme le Saint-Thomas, aux limites de la  Loire et du Puy de Dôme, ou la Lombarde au départ d'Isola, dans la Vallée de la Tinée. Des curieux, comme le Carabès, entre Serres et Valdrôme, ou les Tourettes qui s'amorce entre Serres et Rosans. Sereins, comme Fontfroide au nord d'Olargues ; un peu sinistres comme la Fromagère au nord de Rosans ou les Roustans vers Saint-Nazaire le Désert.

    Au fait, pourquoi citer ceux-là plutôt que d'autres ; ne sont-ils pas tous attrayants à leur manière ?

    Il n'en est guère, dans les régions avoisinant la notre, que nous n'ayons, ma femme et moi, escaladés. Nous les retrouvons toujours avec plaisir quand nos sorties nous y ramènent. Nous les redécouvrons et d'autant mieux que, 1'âge aidant, nous les gravissons plus lentement qu'autrefois. Ils demeurent toujours nouveaux pour nous ; et le regret que nous pourrions avoir de ce que notre allure a baissé d'un bon tiers par rapport à celle d'autrefois, devient le moindre de nos soucis devant le charme renouvelé de ce contact avec la beauté vraie.

    Je viens de prononcer -ou plutôt d'écrire- le mot "allure" et je me permettrai de soumettre à nos camarades le petit calcul par lequel je prévois (avec assez d'exactitude) le temps nécessaire à l'ascension des cols d'une certaine importance et dont je tiens compte dans l'établissement du programme de nos sorties. Précisons que je parle en touriste et non en sportif.

    Comme éléments de base : l'allure générale moyenne en plaine ou terrain peu accidenté ; ensuite un "nombre-guide" déterminé par des essais préalables répétés, et susceptible de varier en fonction de l'âge et des moyens physiques du sujet. Mon épouse -qui va vers ses 58 ans- et moi-même qui approche des 64 ans, tablons présentement sur 20 Kms/Heure et un nombre-guide de 25.

    Supposons un col de 15 Kms. de route pour 1050 mètres de dénivellation, soit une pente moyenne de 7 %. Extrayons ces 7 % du nombre-guide 25 : nous obtenons 18 qui représentera la dénivellation gravie par minute.

Nous avons donc : 15 Kms. à 20 à l'heure               45 mns

 1050 m  à 18 m/minute            58mns 20s

 Temps total prévu ..........        1 h 43mns 20s

C'est à dire entre 1 h. 40' et 1 h. 45'

    A chacun donc, de déterminer selon cette méthode,  les éléments servant de base à son calcul. Ces éléments, je le répète, sont appelés à varier avec l'âge et la forme physique. Ainsi, pour notre part, voici 10 ans, nous tablions sur 22 Kms./heure et 30 le nombre-guide. Il y a 20 ans, c'était 24 Kms./heure et 33 …

    Et demain, ce sera ..... ? Mais qu'importe.

Fernand VIDY.