THONON - TRIESTE 

" Du lac Leman à la mer Adriatique "

(1200 km - 44 cols - 22000 m de dénivelé)

 
Par
Jean-Marc LEFEVRE

 

 Je m'étais dis il y a bien longtemps : " un jour je ferai THONON - TRIESTE "

 Cette randonnée qualifiée par certain, comme la plus belle randonnée montagnarde d'Europe, a gagné ses lettres de noblesse, par la qualité et la difficulté du parcours emprunté.

Courant de l'année 1999, ma décision était prise : " Je ferai THONON - TRIESTE  pour marquer l'an 2000 ".

 

Le PARCOURS

Les données du problème sont simples : 1200 km ; 44 cols (dont 16 à plus de 2000 m) soit  22131 mètres de dénivelé.

Tu pars de THONON les Bains (France), puis bien vite tu arrives en Suisse, puis en Italie, puis de nouveau la Suisse, ce n'est qu'au 493 km que la randonnée fait route complètement en Italie, on longe l'Autriche, on frôle la Slovénie et on finit au bord de l'Adriatique à quelques encablures de la Croatie.

C'est t'y pas un beau parcours ça MONSIEUR !

L'organisateur, conseille à juste titre de réaliser sa randonnée en 12 étapes, mais moi j'ai décidé de la faire en 10 étapes. (Allez savoir pourquoi ?)

 


Des paysages magnifiques

 

DÉPART LABORIEUX

Vendredi 23 juin, départ en voiture pour rejoindre THONON. J'ai à peine fait 200 km que ma voiture donne des signes de fatigue. Obligation de faire appel à un dépanneur sur l'autoroute. Bilan : allumage HS, le voyage démarre fort. 

 

VIVE L'AVENTURE

 Samedi 24 juin, 8 heures du matin, mon vélo harnaché de ses sacoches flambant neuves pose devant le panneau THONON les Bains. Première photo, premiers coups de pédales, première grimpette : Le pas de Morgin, premier poste frontière. Cette fois c'est la Suisse, YOUPI ! Vive l'aventure ! ! !

Ma première étape longue de 140 km me conduit à SIERRE.

  

Les RIVES du LAC MAJEUR 

Le premier 2000 de la randonnée alpine, c'est le col du Simplon, il se grimpe bien malgré sa longueur (22 km), par contre nombreux tunnels, et paravalanches. En haut l'aigle du Simplon veille sur moi pour la descente. Premier passage en Italie dans un décor de rêve. L'étape se fait à ORASSO en pleine montagne, le genre d'arrêt que tu rêves lorsque tu es fatigué ==> super.

Le matin de la 3 iéme étape, je contourne le lac Majeur, je vous affirme qu'aujourd'hui il ne neige pas ! Non il fait beau et chaud. Très joli les rives du lac, les belles demeures témoignent de la richesse des lieux. Je me surprends à rêvasser assis sur un banc en admirant les voiliers sur le lac, après tout je suis en vacances, quoique ?

La grimpée du SAN BERNARDINO est assez sévère, le 28/28 est bien utile. Très joli col, avec un lac d'altitude d'un bleu ! 

 

 
Les rives du lac Majeur

 

Le SPLUGEN-PASS

Ce matin c'est " grand bleu " traduisez que le ciel est magnifique, pas de nuage, bleu intense, l'étape promet d'être chaude. D'emblée en guise de petit dej, j'attaque le SPLUGEN PASS, magnifique col qui culmine à 2113 m, montée en lacets, pente pas trop sévère, pas de circulation (il est trop tôt) le genre de col que j'adore. En plus j'ai mes jambes des grands jours, mains en haut du cintre ==> super, en prime j'ai droit à un concert de clarines jusqu'au sommet, de belles et grosses vaches paissent tranquillement.

 Elle est pas belle la vie !

 

 
Les lacets du Splugenpass

 

J'ai même l'agréable surprise de voir une marmotte qui gambadait à quelques mètres de moi.

La descente est tout aussi belle, mais très dangereuse, virages en lacets, tunnels à souhait, et surprise à la sortie du trou un virage en épingle à cheveux !

Cette 4 éme étape sera la plus belle du voyage, le temps, le décor, les cols ==> du grand Art !

Dans la montée du San Bernina, je frôle pratiquement un glacier, quelle vue ! Le genre de spectacle qui te laisse rêveur, que c'est beau. La journée se termine par la montée du Forcola di Livigno, dur, très dur, la fatigue aidant, je suis obligé de mettre pied à terre sur quelques centaines de mètres tellement la pente est raide. 

  

Le JOUR du STELVIO

 Le point culminant de cette randonnée c'est le col du STELVIO. Il culmine à 2758 mètres,  passage célèbre du tour d'Italie, 20 km d'ascension.

Une légère pluie m'accompagne les  premiers kilomètres, mauvais présage. La pente irrégulière est parfois assez sévère, à 3 km du sommet pointage au poste de douane de SANTA-MARIA, à partir de là le temps se gâte vraiment. Il fait froid, il pleut, j'avance péniblement, les derniers mètres sont avalés à " l'arraché ", mais j'y suis arrivé !

Je pensais manger la haut, mais vu le temps je ne m'attarde pas. Photo souvenir devant le panneau du col, achat des cartes postales, j'enfile mon gore tex, mes gants d'hiver, mon bandeau mon casque et hop ! Je plonge dans le brouillard qui enveloppe le sommet. Quelques touristes me regardent songeurs, et m'encouragent.

 

 
Le col du Stelvio

  

La pluie s'intensifie, et bientôt se transforme en neige fondue. Mes sacoches sont recouvertes

d'une fine pellicule blanche et glacée. Je suis transi de froid, j'aurai du enfiler mes jambières, trop tard, je fonce. J'ai horreur des descentes de cols  sous la pluie, d'une part parce que ce n'est pas agréable, d'autre part les freins sont inefficaces, en un mot j'ai peur !

Une chose me surprend, je ne vois aucune voiture dans la descente, tout juste quelques cyclos qui en " bavent " pour atteindre le sommet. La réponse ne tarde pas à venir. La route est barrée, interdiction de passer : L'HORREUR.

Vais-je devoir remonter ?

J'aperçois une auberge, il est 15 heures, je n'ai pas mangé, je suis gelé, je ne sais pas où aller, tout m'incite à m'arrêter. Par chance il y a là, un cyclo Français, qui bien vite me renseigne :

-" Il y a un éboulement, la route est défoncée sur environ 100 m, d'important travaux sont en cours, à vélo tu peux passer. " OUF ! ! !

Les spaghettis bolonaises me réchauffent un peu et quelques peu ragaillardi, je m'élance dans la suite de  cette descente infernale. 

Effectivement, la route est défoncée, pied à terre, au milieu d'un bric à brac, de tuyaux, d'engins de chantier, de boue, de ciment, je me fraye un passage, équilibre instable devant le regard médusé des ouvriers, mais je n'ai pas le choix, quelle aventure ! ! !

Quel soulagement quand  je touche à nouveau l'asphalte.

L'étape du STELVIO, restera gravée longtemps dans ma mémoire !

Ce soir j'arrive dans le Tyrol italien. Ici pas de problème pour se loger, pratiquement tous les habitants font " chambres d'hôtes ", le chalet où je fais étape est très spacieux, les gens très gentils, dommage qu'ils ne parlent pas un mot de Français, ici on pratique l'allemand plus que l'italien (l'Autriche est toute proche).

Aucun problème pour m'endormir ce soir, l'étape à été longue et difficile, 135 km et 8 heures de vélo.

 

 Les DOLOMITES

Le lendemain, belle étape dans le Tyrol, et début des Dolomites. Passage de quelques beaux cols, comme le Passo del Pallade, tout en forêt. Traversée laborieuse de BOLZANO, circulation intense, c'est d'ailleurs le grand reproche que je fais à cette randonnée, beaucoup trop de circulation, les motos, les autocars, s'en donnent à cœur joie, la région tellement  touristique attire.

Il est 17 heures quand l'orage commence à gronder, la pente du Passo PINEI est de 16 %, je suis fatigué et trempé, soudain une auberge tyrolienne m'attire, je ne résiste pas, demain il fera jour.

Au menu ce soir : Soupe de pâtes, pomme de terre vapeur, jambons  et saucissons de pays, tarte aux pommes maison, le tout accompagné d'un petit vin italien !...

 


Le Tyrol italien

 

Les Trois Cimes du LAVAREDO

La 7 éme et la 8 éme étape seront les plus difficiles du voyage. Nombreux cols aux rampes sévères, souvent voisins de 14% 15% voir 20% pour le LONGERES.

Des noms célèbres de cols comme le PORDOI, le GIAU( dur dur), le FORCELLA LONGERES, cette montée d'ailleurs mérite que je vous la raconte.

Je suis au cœur des DOLOMITES depuis 2 jours, paysages superbes, à la hauteur de mes espérances, dommage que le temps pluvieux gâche un peu.

J'en suis à ma 8 éme étape, aujourd'hui ascension du FORCELLA LONGERES , devant les TRE CIMES DU LAVAREDO, réputé hyper dur. Au col de Missurina, (où je mange enfin ma première pizza), je suis perplexe : Dois-je m'arrêter ici ou monter au LAVAREDO ?

Il pleut, il y a de la brume, rien de bon tout cela, mais qu'importe.

Si je reporte à  demain l'ascension : 1/ je ne suis pas certain que la météo sera meilleure
                                                       
2/ Il me sera impossible de terminer THONON TRIESTE en 10 jours. Alors j'y vais !

La route qui conduit au refuge Di AURONZO est une voie privée et payante (pas pour les vélos) ce n'est pas très long (environ 4 km), mais quel dénivelé, du 16% puis du 20% certains disent 23% dans les virages, dur très dur, bien vite je n'arrive plus à avancer au-dessus de 5 km/h, je renonce, je fini la montée à pied, sous la pluie et le brouillard.

Après  avoir pointé mon carnet de route, je m'inquiète auprès de l 'aubergiste car je ne trouve pas la route pour la descente. En réalité FORCELLA LONGERES est un " cul de sac ", je dois redescendre ce que je viens de monter. Dommage, si j'avais su, j'aurai laissé mes sacoches en bas, pour permettre une montée allégée et certes plus facile.

 


Les Dolomites

 

LA FIN DU VOYAGE

La descente sur DOBIACO est un billard, je me sens tout d'un coup d'ailes, ce soir je crois que je vais terminer THONON TRIESTE dans les délais prévus, le plus difficile est fait. Je fais étape à DOBIACO dans un très bel hôtel. Qu'il est doux et reposant d'être dans une chambre confortable, quand dehors l'orage éclate, laissant échapper des trombes d'eau sur la ville. Je ne voudrai pas être dehors à cette heure !

A partir de la 9 éme étape on attaque la longue descente qui conduit à l'Adriatique, c'est aussi le moment où l'on frôle la frontière SLOVENE. Bien sûr il y a encore quelques cols, mais beaucoup moins hauts et moins longs, le beau temps revient aussi.

La dernière étape est assez dénuée d'intérêt, grandes routes à forte circulation, traversée d'UDINE, puis tout droit jusque TRIESTE, une chaleur accablante règne dans cette grande ville italienne, dernière photo devant le panneau, il est 15 heures le rêve est accompli !

A cet instant, je suis heureux, j'ai réalisé la randonnée ALPINE sans aucun problème de santé, de mécanique, aucune crevaison, certes j'en ai " bavé " dans certains cols, mais quel bonheur de pouvoir raconter ensuite son AVENTURE.

Oui THONON-TRIESTE est une randonnée difficile, exigeante, qui demande beaucoup d'efforts physiques, de volonté, mais quel régal pour les yeux.

 

TRIESTE-CHAUNY : le retour

Le problème dans une randonnée en ligne, c'est qu'une fois arrivé à votre but en vélo, vous n'êtes qu'à moitié chemin, et là croyez-moi l'étape est longue et pénible. Jugez vous-même.

Pour revenir de TRIESTE à THONON, j'ai opté pour le train. Le problème c'est qu'il est impossible de renvoyer son vélo par le train ? La seule solution consiste à le transporter dans une housse, mais pour se faire il a fallu que je démonte en partie mon vélo, et le transporter sur mon épaule, avec en plus mes 2 sacoches latérales, et ma sacoche de guidon ;

Vous avez dit : GALÈRE !

Le train quitte la gare de TRIESTE à 20 heures 10', direction VENISE, où là, changement de train pour LAUSANNE, mais le train à pris tellement de retard que je n'ai que 3 minutes pour attraper ma correspondance, belle frayeur !

Le train est plein à craquer, j'ai peine à trouver une place pour moi et pour mon vélo. Après quelques péripéties qu'il serait trop long de développer ici, j'arrive en gare de LAUSANNE.

Il est 6 heures du matin, un violent orage s'abat sur la ville, 2 km me séparent de l'embarcadère, je décide d'y aller en métro (très pratique avec mes bagages).

3 heures d'attente avant de prendre le bateau pour traverser le lac LEMAN, et enfin arrivée à THONON. Mais du port au parking du centre de séjour où stationne ma voiture il y a plusieurs km. C'est le taxi qui me dépose devant. Il est 11 h quand je quitte le parking, encore 750 km d'autoroute et à 19 heures je sonne à la porte de ma maison.

Voilà 35 heures que je n'ai pas dormi ! La fatigue se fait sentir.

Cette fois c'est fini, après demain au boulot !

 

Jean-Marc LEFEVRE

(Juillet 2000)

 


Le lac du col de San Bernardino


Glacier, dans la montée du San BERNINA


SPLÜGEN, magnifique village de montagne (Suisse)


La solitude des grands cols !...


Elle est pas belle la vie !
(col de SPLUGEN-PASS)